Mon compte
    Le Chant du loup - Antonin Baudry : "Je voulais que le son soit le personnage principal du film"
    Vincent Formica
    Vincent Formica
    -Journaliste cinéma
    Bercé dès son plus jeune âge par le cinéma du Nouvel Hollywood, Vincent découvre très tôt les œuvres de Martin Scorsese, Coppola, De Palma ou Steven Spielberg. Grâce à ces parrains du cinéma, il va apprendre à aimer profondément le 7ème art, se forgeant une cinéphilie éclectique.

    Dans Le Chant du loup, François Civil incarne Chanteraide, l'oreille d'or. Ce sous-marinier est chargé de décrypter les sons provenant des fonds marins. Rencontre avec le jeune comédien et le metteur en scène, Antonin Baudry.

    Le Chant du loup est le premier long-métrage mis en scène par Antonin Baudry, scénariste de Quai d'Orsay de Bertrand Tavernier. Le réalisateur est un ancien diplomate sous le gouvernement mené par Dominique De Villepin. Après cette première carrière politique, Baudry, passionné de cinéma, est allé voir le producteur Jérôme Seydoux pour lui proposer cette histoire : "Je lui ai raconté ce que je voulais faire. Je lui ai décrit les images, l’histoire, les personnages, les sons. Il m‘a écouté attentivement, sans rien dire. C’était un moment très fort. À la fin il a plissé les yeux, je le voyais réfléchir. Il m’a demandé d’écrire le scénario. C’était parti."

    AlloCiné : Comment fait-on pour gérer un casting aussi prestigieux pour un premier long-métrage ? Mathieu Kassovitz, lui-même réalisateur, n'a-t-il pas été tenté de s'immiscer dans votre travail ?

    Antonin Baudry : J'ai eu de la chance d'avoir des acteurs aussi géniaux. Ils ont tous été au service du film. Mathieu l'était tout autant que les autres. Il n'a jamais essayé d'interférer dans quoi que ce soit. Il était toujours concentré, il jouait son rôle, il attrapait sa musique...

    On a parlé beaucoup du film avant le tournage avenc Mathieu, Reda Kateb, Omar Sy, François Civil... et une fois sur le plateau, chacun fait ce qu'il a à faire. Il y a un chef d'orchestre et chacun joue sa partition. 

    Vous citez le cinéma de Hong Kong comme influence majeure... John Woo, Tsui Hark, Wong Kar Wai… en quoi leur style a-t-il influencé votre manière de mettre en scène dans Le Chant du loup ?

    J'ai l'impression qu'il y a un rapport à l'énergie qui est un peu différent que celui qu'on a dans le cinéma français ou américain. Très souvent, la dimension dans laquelle est montée le film est basée sur l'énergie et pas seulement le temps. C'est quelque chose qui me fait vibrer à chaque fois. Les films asiatiques qui m'ont nourri sont surtout les premiers long-métrages de John Woo... très souvent des histoires d'amitié sacrificielle.

    À chaque fois qu'on colle de façon trop rigide à un système, on peut déclencher des catastrophes.

    C'est un truc qui me touche énormément à chaque fois. Des gens qui se sacrifient, qui sont prêts à mourir pour sauver un être cher... avec moi ça marche à chaque fois. J'ai retrouvé ce thème-là sans m'y attendre à des centaines de mètres sous l'eau à travers cette histoire du Chant du loup.

    Julien Panié

    Aviez-vous une volonté de dénoncer une certaine rigidité ou une obsolescence des règles au sein de l'armée avec ce récit ?

    Je ne voulais pas dénoncer tel système en particulier. Je dénonce plutôt "les" systèmes. Je pense que dans tout système, il y a une faille. À chaque fois qu'on colle de façon trop rigide à un système, on peut déclencher des catastrophes.

    Ce que j'ai voulu démontrer dans le film, c'est que des gens avec une conscience humaine, une humanité très forte, un sens du sacrifice qui va au-delà de tout, sont capables de combler eux-mêmes les failles d'un système et de sauver le monde. Je crois aux êtres humains davantage qu'aux machines, je crois aux consciences davantage qu'aux systèmes. C'est cela que j'ai voulu exprimer.

    En quoi votre expérience de diplomate vous a-t-elle été utile dans la réalisation du film ?

    C'est vrai que j'ai travaillé pendant 15 ans dans la diplomatie. L'enjeu, c'est de maintenir la paix dans le monde. Et ça peut paraître étonnant que je quitte la diplomatie pour aller filmer des guerriers. Mais leur mission est justement une mission de paix. Que ce soit dans Quai d'Orsay ou Le Chant du loup, ces personnages sont des serviteurs de l'Etat. Ils opèrent dans l'ombre, on ne les connaît pas, ils sont invisibles.

    Après, quand on travaille dans la diplomatie et les relations internationales, on sait que c'est la guerre de tous contre tous à peu près tout le temps. On sait qu'il y a cette intense guerre sous-marine permanente, des intimidations croisées... J'étais sensibilisé à tout ça. D'une certaine manière, on utilise toujours tout ce qu'on est. Je pense qu'avoir travaillé dans la diplomatie pendant un certain temps imprime le film. Ce dernier serait différent ça n'avait pas été le cas.

    Il ne faut pas qu'on commence à reproduire des images, des idées qu'il y a dans d'autres films sinon ça va devenir des clichés.

    Vous avez effectué un séjour dans un sous-marin pour les besoins du film. C'est là que vous y avez notamment puisé tout ce jargon propre aux sous-mariniers ?

    Absolument. J'ai pris des notes sur toutes ces façons de parler. J'ai aussi déclenché moi-même des situations en parlant aux officiers : "Qu'est-ce que tu ferais s'il se passait ci ou ça ?" J'ai voulu garder ce langage des sous-mariniers tel qu'il est, quand ils sont sous l'eau et que personne ne les voit.

    Je n'ai pas voulu traduire, édulcorer ou travestir... en faisant le pari que le spectateur ferait comme moi la première fois que j'ai été immergé là-dedans. C'est-à-dire ne pas comprendre chaque mot de la langue mais parvenir à décrypter quand même tout ce qui se passe.

    Il paraît que vous n'avez absolument pas voulu revoir de films de sous-marins pendant la production du film...

    Je connaissais les films de sous-marins, j'en ai vu beaucoup. Une fois que j'ai eu cette idée-là, que je me suis mis à travailler là-dessus, comme j'avais la chance de pouvoir observer le monde réel, m'immerger dans un vrai sous-marin, proposer à mes acteurs et mon équipe de le faire aussi... je me suis dit, il faut qu'on s'imprègne du réel, qu'on le travaille. Il ne faut pas qu'on commence à reproduire des images, des idées qu'il y a dans d'autres films sinon ça va devenir des clichés.

    Quand tu imites un truc, ça devient un cliché. Au moment où tu as pensé à l'imiter, c'est devenu un cliché. En revanche, quand tu te bases sur ce que tu as vu, entendu, ressenti, tu ne fais pas de clichés en principe. Il y a quelque chose d'authentique qui sort. C'est pour ça que j'ai pas revu de films de sous-marins et recommandé à mon équipe de ne pas le faire non plus pendant la préparation. D'autant plus que le sous-marin doit nous imposer ses contraintes... ça sera un film de sous-marin de fait, pas besoin d'essayer de cocher des cases je ne sais où. Je préfère ne pas connaître les cases et on verra bien.

    FRANÇOIS CIVIL A-T-IL VRAIMENT L'OREILLE D'OR ?

     

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Sur le même sujet
    Commentaires
    Back to Top