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    Ad Vitam sur Arte : "L'anticipation nous sert avant tout à parler de l'humain"
    Jérémie Dunand
    Jérémie Dunand
    -Chef de rubrique télé / Journaliste
    Passionné de séries en tous genres, mais aussi d'horreur et de teen movies, Jérémie Dunand a été biberonné aux séries ados et aux slashers des années 90, de Buffy à Scream, en passant par Dawson. Chef de rubrique télé, il écrit aujourd'hui principalement sur les séries et unitaires français.

    Arte poursuit ce soir la diffusion de sa série événement "Ad Vitam" avec les épisodes 3 et 4. L'occasion de revenir sur la genèse du projet et sur les thèmes de cette série à la lisière du polar et de la SF avec Thomas Cailley et Garance Marillier.

    Ivan Mathie – Kelija

    Lancée jeudi dernier sur Arte, Ad Vitam, la première série co-écrite et co-réalisée par Thomas Cailley, à qui l'on doit le long métrage Les Combattants, nous plonge dans un monde où la mort a été vaincue grâce à la régénération. Mais alors que débute l'intrigue de ce drame de science-fiction léché, les corps de plusieurs adolescents qui ont mis fin à leurs jours sont retrouvés. Darius, un flic fatigué de 120 ans, et Christa, une jeune fille en plein révolte, reflet d'une génération qui s'interroge, mènent alors l'enquête pour découvrir ce qui se cache derrière cet acte de masse qui semble avoir pour but de tirer le signal d'alarme et de faire vasciller l'ordre établi. Emmenant ainsi Ad Vitam quelque part à la lisière du polar, de la dystopie, et de l'anticipation, chère à Arte depuis quelques années.

    Alors que la chaîne poursuit ce soir dès 20h55 la diffusion de la série avec les épisodes 3 et 4, retour avec Thomas Cailley, Garance Marillier, et la productrice Katia Raïs sur la genèse du projet et sur les moyens mis en oeuvre pour faire de cette série de genre une oeuvre à part, tant sur le fond que sur la forme...

    Ad Vitam, une série de genre... qui parle de l'humain

    Inscrite dans la lignée de Trepalium et de Transferts, les deux précédentes tentatives d'Arte en matière de science-fiction, Ad Vitam se présente bien sûr comme une série d'anticipation qui se déroule dans un univers dystopique, mais pas seulement. "Je ne suis pas très à l’aise sur la question de genre", avoue Thomas Cailley, rencontré lors du festival Séries Mania en mai dernier, lorsqu'on lui demande si c'était facile de se lancer dans le genre de l'anticipation. "Ce qui est certain c’est qu’on a voulu faire une série de personnages. L’idée c’était de les suivre eux. On a eu un vrai désir, Sébastien [Mounier, le co-créateur de la série, ndlr] et moi, d’inventer un monde, et en même temps on n’avait pas envie d’être piégé dans un truc impossible à faire ou trop précis. Avec un "Ça se passe dans 83 ans" ou quelque chose dans le genre. On avait l’impression que si on multipliait des références à un temps et à un lieu donné on laisserait très peu de chance à la fable d’exister. On voulait partir des personnages et de leurs émotions pour raconter un monde. Tout vient des personnages. C’est comme ça qu’on tisse un lien fort avec eux et qu’on a envie de les suivre".

    "Ce n’est pas futuriste, on essaye juste de ne pas définir le lieu ou la temporalité", renchérit la productrice d'Ad Vitam, Katia Raïs. "Après, effectivement, on flirte avec les genres. Le polar, la SF, l’anticipation, le fantastique. Le point commun c’est que c'est du genre. Arte est friande de genre c’est vrai, ils n’ont pas peur de ça. Parce qu'on y parle surtout de l'humain en fait. L'anticipation nous sert ici à parler avant tout de l'humain et de tout un tas de thèmes, comme la jeunesse ou la filiation. Je crois que pour eux tout est parti de la série Real Humans. Ils se sont rendus compte en la diffusant qu’en Europe on pouvait faire de la série de genre".

    Ivan Mathie – Kelija

    Et effectivement, lorsque l'on se penche sur les six épisodes de la série et sur la trajectoire des héros, on réalise rapidement que l'essentiel du propos n'est pas dans l'intrigue policière, qui n'est d'ailleurs pas l'aspect le plus réussi de cette unique saison, mais bien dans les personnages et les thématiques développées, qui se sont imposées dès la genèse du projet, comme nous le confie Thomas Cailley : "Dès le départ on a discuté très ouvertement avec Sébastien en partant de l’idée de l’allongement de la vie et de cette promesse d’éternité. Et ça a percuté un autre thème, qui était la question de la jeunesse et du renouvellement des générations. C’est-à-dire, si on invente un monde dans lequel la mort est repoussée, voire vaincue, quel sens il y a à transmettre dans ce monde-là ? (...) La vie sans la mort, la vie allongée à l’infini, c’est une errance, c’est quelque chose où tout se vaut. On n’a pas envie de vivre dans une société où tout se vaut. À ce moment-là on a compris qu’on avait un sujet et qu’il serait intéressant de le traiter via un binôme de personnages, avec un flic centenaire qui doit apprendre à transmettre et une jeune femme qui ne croit plus en rien et doit se reconnecter au monde".

    Un duo de comédiens qui s'est apprivoisé

    Ad Vitam marque la première incursion de Thomas Cailley dans l'univers des séries, mais aussi celle d'Yvan Attal et de Garance Marillier, les deux acteurs principaux, qui trouvent ici leur premier rôle régulier à la télévision. Mais à en croire le réalisateur et créateur de la série, convaincre Yvan Attal de se laisser tenter par l'aventure n'a pas été très difficile : "Yvan a tout de suite eu envie de faire la série. Je crois qu’il est assez attaché au polar, il aime bien ça. Et là l’idée de jouer un centenaire lui a plu. Ça a marché tout de suite, il a apporté beaucoup de choses au personnage. On a essayé de comprendre ensemble ce que ça implique d’avoir 120 ans. Qu’est-ce que ça imprime sur la façon de marcher, de parler, sur la vitesse des battements de cœur ? Qu’est-ce qu’il reste à devenir à ce personnage-là, qu’est-ce qui lui reste à affronter ?".

    La relation entre Darius, le flic campé par Attal, et la jeune Christa étant l'un des éléments les plus importants, et les plus captivants, d'Ad Vitam, il était donc nécessaire pour les deux comédiens de tisser un lien et une relation de confiance palpable à l'écran, comme nous l'explique Garance Marillier, qui se fait une nouvelle fois remarquer avec un rôle très fort, après Grave en 2017. "Avec Yvan on s’est un peu apprivoisé. C’était un peu comme deux animaux qui apprennent à se connaître et qui n’essayent pas forcément tout de suite d’être potes pour créer un bon rapport de partenaire. Je pense qu’un partenaire c’est hyper précieux et hyper fragile. Il suffit d’un rien pour que ça se casse. Et donc il faut le traiter avec beaucoup de respect, mais ça nécessite de ne pas être intrusif. Il faut prendre le temps de construire une vraie confiance et c’est ce qui s’est passé ici. Yvan c’était un vrai soutien pour moi durant le tournage".

    Ivan Mathie – Kelija

    Un décor "surréaliste" qui participe à l'ambiance de la série

    Si Ad Vitam et ses créateurs ont fait le choix de ne pas nous plonger dans une ambiance futuriste attendue, à base de voitures volantes et de vêtements sortis tout droit d'un autre temps, l'univers dystopique, inquiétant, et froid qui est développé au fil des épisodes doit beaucoup à la ville surréaliste dans laquelle évoluent les personnages. Un décor qui n'a pas été façonné par ordinateurs et que l'on doit en réalité à la ville de Benidorm, en Espagne. "C’était hyper important que cette ville soit à la fois très réelle, donc pas composée aux effets spéciaux car ça se voit quand c’est faux, et en même temps il fallait qu’elle nous emmène complètement ailleurs", confie Thomas Cailley.

    "On l’a trouvée dès l’écriture. J’avais vu un reportage sordide sur une ville qui s’appelle Benidorm en Espagne, qui est un lieu où la jeunesse anglaise venait consommer de l’alcool dans les années 70. C’est un lieu sordide, intemporel, très marrant. C’est la plus grosse concentration de building au monde, sur un espace minuscule. Il y a 60 000 habitants l’hiver, 5 millions l’été. C’est des tours de 40 étages au bord de mer. C’est surréaliste. Il y avait ce truc hyper moderne, et en même temps ce rapport à la mer auquel on tenait beaucoup, pour des raisons que vous comprendrez dans les épisodes suivants. On tenait à ces buildings plantés devant la mer, c’était écrit dans le scénario. Et puis il y a une partie importante de la série qui se déroule dans le désert et il y a de très beaux déserts là-bas. C’était hyper important que ce décor soit réel et nous catapulte ailleurs, plutôt que de miser sur des technologies numériques ou sur des voitures qui volent".

    Une suite est-elle envisagée ?

    On le sait, Arte aime beaucoup les mini-séries et mise finalement assez rarement sur des séries se développant sur plusieurs saisons, et c'est encore une fois le cas avec Ad Vitam. Thomas Cailley nous l'a confirmé à Séries Mania, c'est "une série bouclée, qui se termine radicalement". Point de saison 2 en vue donc pour les aventures de Darius et Christa, mais un final très fort, puisque le sixième et dernier épisode d'Ad Vitam est vraiment l'un des plus réussis. Vous voilà prévenus...

    Ad Vitam continue ce soir à 20h55 sur Arte et est d'ores et déjà disponible en intégralité sur le site de la chaîne :

     

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