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    Spike Lee : "On ne peut pas cesser d'être raciste si on croit à la suprématie blanche"

    "BlacKkKlansman", son excellent nouveau "joint" qui a glané le Grand Prix au Festival de Cannes sort ce mercredi. Spike Lee a de nouveau croisé notre route pour parler de cette incroyable histoire vraie et des différences entre le film et la réalité.

    AlloCiné : Comment décririez-vous le Ron Stallworth de 1978 ?

    Spike Lee : Eh bien… un Afro ! Il était le premier Noir à rejoindre la police de Colorado Springs, et il voulait faire le bien pour sa communauté.

    Qu'est-ce que le producteur Jordan Peele [le réalisateur de Get Out, à l'origine du projet] vous a dit au sujet de son histoire ?

    Six mots : Black. Man. Infiltrates. Ku. Klux. Klan. [Un homme noir infiltre le Ku Klux Klan.]

    Comment avez-vous réagi à ça ?

    « Est-ce que c'est vrai ? » Et il a confirmé que c'était bien vrai, et qu'il allait m'envoyer le livre. Je l'ai lu, j'ai aussi lu le scénario et j'ai décidé que j'avais vraiment envie de faire ce film.

    Quelle partie de son histoire vous a le plus surpris ?

    Quand j'ai enfin rencontré Ron Stallworth, la première chose que je lui ai demandée, c'était : « Je sais que tu l'as raconté dans le livre, mais comment ces gens du Klan que tu avais au téléphone pouvaient ne pas savoir… qu'ils parlaient à deux personnes différentes ? Ils te rencontraient en chair et en os – ils rencontraient le personnage d'Adam Driver en personne –, mais c'est toi qu'ils entendaient au téléphone ! » Et il m'a répondu : « Ils n'ont jamais rien remarqué. » Sachant cela, j'ai quand même écrit une scène où Ron essaie d'entraîner Flip à parler comme lui, car j'ai su que le public se poserait la même question que moi.

    BlackKklansman : Spike Lee répond (un peu) à nos questions

    Pourquoi avez-vous créé le personnage de Patrice, l'étudiante activiste jouée par Laura Harrier, qui n'existait pas dans la réalité ?

    Tout d'abord, parce que c'est une fiction, pas un documentaire. On sentait qu'on avait besoin que Ron ait un love interest, mais que ce soit quelqu'un qui aurait une idéologie complètement différente. Patrice est pro-black, elle est inspirée par Angela Davis, Kathleen Cleaver [deux figures incontournables du Black Panther Party, ndr]... Elle ne veut rien avoir affaire avec un flic, même noir. Dans le film, elle le traite de « porc ». On voulait qu'arrive ce moment où il serait découvert.

    Dans le livre, le personnage d'Adam Driver s'appelle Chuck et sa religion n'est pas précisée. Dans le film, il devient Flip Zimmerman, il est juif et ça a son importance pour l'intrigue.

    Ce film parle de gens qui font semblant d'être ce qu'ils ne sont pas. En ce qui concerne le personnage d'Adam Driver, il prétend être dévoué au Klan, mais il doit aussi s'en cacher parce qu'il est juif ! On s'est dit que ça apporterait une dynamique intéressante !

    Quand avez-vous décidé d'ajouter les images de Charlottesville [où un manifestant néonazi a foncé avec sa voiture sur la foule des contre-manifestants qui marchaient pacifiquement en opposition au rassemblement de suprémacistes blancs, causant la mort de Heather D. Heyer et blessant 35 personnes] ?

    Au moment du tournage. Les événements de Charlottesville se sont produits le 12 août 2017. On a commencé à tourner BlacKkKlansman en septembre 2017. C'est arrivé seulement deux ou trois semaines avant le début du tournage !

    Selon vous, quelle est la meilleure chose à faire – the right thing to do – pour vaincre le racisme ?

    Je pense que l'on ne peut pas cesser d'être raciste si on croit à la suprématie blanche. C'est aussi simple que cela. Lorsqu'on parvient à éradiquer l'idéologie suprémaciste de son cœur, on peut être cool avec n'importe qui et avec tout le monde.

    Le film de Spike Lee est actuellement au cinéma et le récit de Ron Stallworth, Le Noir qui infultra le Ku Klux Klan, est disponible en français dès aujourd'hui aux éditions Autrement. 

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