Attention, il est conseillé d’être à jour dans la série avant de lire cet article.
Avec son 2m06, ses 160 kg et son apparence calme, Edmund Kemper a vite fait de passionner les experts à son arrestation en 1973. Accusé du meurtre de 6 jeunes filles qu'il a prises en auto-stop, de sa mère (qu'il a décapitée avant de jouer aux fléchettes avec sa tête) et de ses grands-parents, il est aujourd'hui encore incarcéré en prison. Comment expliquer sa folie meurtrière ? C'est ce que qu'avait tenté de savoir à l'époque l'agent du FBI John Douglas, dont les écrits ont abreuvé le scénariste de la série MINDHUNTER et inspiré le personnage joué par Jonathan Groff.
Pour comprendre comment les "fous fonctionnent", Douglas discuta de longues heures en prison avec Kemper. Un être fascinant, conscient de ses crimes et de ses actions. Bavard et tel un acteur de théâtre aimant l’attention, le serial killer expliqua ainsi son geste, dans une interview filmée disponible en ligne : "J'avais cette envie dévorante, qui me consumait de l'intérieur [...] Ma frustration, mon incapacité à sociabiliser m’y ont poussées. [...] J'allais de plus en plus loin à chaque fois, c'était comme un pari pour moi". Des propos repris, à quelques mots près, dans la série (épisode 3).
Dans MINDHUNTER, Ed Kemper est joué par l'acteur Cameron Britton. Impressionnant de mimétisme, il arrive à instaurer une sorte de malaise entre lui et son interlocuteur, malaise que le spectateur oublie vite pour boire ses paroles. Pas étonnant qu’il soit la première étude de cas d'Holden Ford, en passe de devenir le premier profiler du FBI : Kemper apparaît dans la série comme un être fascinant doté d'un QI élevé (certains experts affirment qu'il dépasserait celui d'Einstein), à la manière d'un Hannibal Lecter.
Ce tueur en série, Stéphane Bourgoin l'a lui aussi rencontré. L'expert français en serial killer a ainsi enregistré presque 400 heures d'entretien avec Kemper (vous pouvez découvrir un passage dans le player ci-dessus) Un souvenir mémorable qu'il nous a raconté : "Les premiers jours d'entretien, lorsque je lui posais des questions qui ne lui plaisaient pas - on était séparé par une petite table - il approche son visage du mien, pose son nez contre le mien et me dit "Stéphane peux-tu me répéter la question ?" d'une voix très caverneuse. Il faut essayer de ne pas montrer sa peur. Vous êtes face à des psychopathes, manipulateurs et menteurs qui sont en général très rusés et très intelligents. Il faut savoir prendre le dessus sur ce type d'individus. Mon but est de devenir leur confident, leur ami pour qu'ils m'avouent leur crime."
« Je suis un meurtrier très accompli qui a passé sa vie d’adulte à éviter d’être capturé avant de me livrer parce que je désespérais qu’on m’attrape » (MINDHUNTER)
Si de son propre aveu, ce n'était pas la rencontre la plus terrifiante qu'il ait faite (Bourgoin a rendu visite à 77 tueurs en série), il souligne tout de même le travail fait par David Fincher : "La série me semble très fidèle. Moi j'ai ressenti une plus forte intensité avec l'authentique Ed Kemper par rapport à celui de la série. Le vrai Ed Kemper est encore plus bavard et doté d'un humour noir très macabre. Il va me faire des plaisanteries sur le meurtre de sa mère me disant que dans le parterre, sous la chambre de sa mère, qu'il haïssait et qui était au départ de la motivation de ses crimes, il enterrait les têtes coupées de ses victimes parce que sa mère le matin sans le savoir arrosait le parterre de fleurs. Ça le faisait beaucoup rire.". Impossible de rester impassible face aux confidences de ce meurtrier dans MINDHUNTER…
Si Ed Kemper nous fascine tant dans la série, encore plus que Jerry Brudos ou Monte Rissell – les autres serial killers que le duo rencontrera - c’est notamment par sa façon de rentrer dans la tête des gens. Et Ford en fera les frais : Kemper jouera avec son esprit en lui envoyant régulièrement des lettres et en se mutilant pour le faire venir jusqu’à lui. Dans les épisodes 2 et 3, le criminel lui met la main à la gorge pour mimer une suffocation et une décapitation. Mais c’est surtout la scène finale de la saison 1 de MINDHUNTER qui est terrible pour l’agent du FBI : affaibli après une enquête de la police des polices qui l’accable, il est dominé – tant physiquement que psychologiquement – par ce mastodonte de deux mètres qui s’en amuse. Dans ce dernier face-à-face Kemper n’aura jamais été aussi effrayant… et fascinant.