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    Ces projets de films de grands réalisateurs qui n'ont jamais vu le jour, Vol.2
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Certains projets de films chez de grands réalisateurs n'ont malheureusement jamais pu être menés à leurs termes, pour diverses raisons. Après notre précédent dossier, voici cinq nouveaux exemples. Certains bien connus, d'autres moins.

    "Crusade" de Paul Verhoeven

    Faisons un rêve. Imaginez un film, violemment polémique et même violent tout court signé Paul Verhoeven, ayant pour cadre historique la Première croisade qui déboucha sur la prise de Jérusalem en 1099. Un film où Arnold Schwarzenegger serait l'acteur principal sous les traits de Hagen, un ex voleur devenu esclave parti rejoindre les rangs de l'armée des croisés lancés en 1095 dans la reconquête de Jérusalem. Un film qui voulait aborder -on s'en doutait vu le pedigree du cinéaste- tout à la fois la vénalité et la corruption de la Papauté, la création des faux miracles, le point de vue arabe et les aspects antisémites de cette croisade, qui seront notamment incarnés par ce que l'on a appelé les "croisades germaniques". Soit des troupes armées faisant route depuis les Etats germaniques vers le Sud, et responsables de pogroms et massacres de Juifs à Ratisbonne, Prague et dans la plupart des villes traversées avant d'être stoppées en Hongrie.

    En somme, Crusade était un cocktail cinématographique hautement explosif et polémique, qui aurait pu être un croisement rêvé entre La Chair et le sang et le Kingdom of Heaven de Ridley Scott. Pour Verhoeven, La Chair et le sang -premier film tourné en langue anglaise de sa part- était une sorte de réponse / réaction face à un Moyen-Age idéalisé ou en tout cas très romancé à l'écran à l'époque. Il souhaitait montrer une époque où la brutalité des combats, la maladie et la pauvreté emportaient bien plus souvent les Hommes que la mort naturelle, chose qui était bien rare. Avec Crusade, on serait nettement monté d'un cran, si le projet avait pu se concrétiser en 1994.

    Le film avait un script rêvé, dont vous pouvez lire ici de nombreux détails, et qui fut écrit par une sacrée pointure : Walon Green, à qui l'on doit notamment les scripts de La Horde sauvage de Peckinpah et celui de l'extraordinaire Sorcerer de William Friedkin. Voici d'ailleurs ce qu'en disait en 1998 un contributeur régulier du site US réputé Ain't it Cool News, qui avait eu le privilège de lire le script : "toutes nouvelle rumeurs mises à part, Crusade est probablement le plus grand script de film non produit de ces dix dernières années". 

    Outre l'excellente entente entre le cinéaste et Schwarzenegger depuis le tournage de Total Recall, les deux talents étaient alors au sommet. Schwarzy était devenu une star planétaire après le carton mondial et monumental de Terminator 2; Verhoeven, lui, surfait encore sur la vague de ses trois précédents succès : Robocop, Total Recall et Basic Instinct. Pour épauler Arnie, on parle alors d'un casting composé de Robert Duvall, Jennifer Connolly, John Turturro ainsi que Christopher MacDonald.

    Alors, que s'est-il passé ? Il semble que Carolco Pictures, la société productrice du futur film et en dépit de ses succès à cette époque-là, ait largement surestimé ses capacités financières pour produire un tel film. Comme l'a si bien résumé le producteur - scénariste Gary Goldman, au faît de ce projet : "Paul ne ment pas vraiment à propos du budget, ce qui est une erreur, parce qu'il est tout bonnement impossible de faire de tels films sans mentir [sur le budget] !" L'ennui, c'est que débrancher le projet coûtait même de l'argent à Carolco. Alors que plusieurs millions de dollars avaient déjà été dépensés en pré-production, le contrat de Schwarzenegger prévoyait en outre qu'il devait être indemnisé pour avoir été immobilisé durant la pré-production, même s'il n'avait rien tourné.

    Estimant le projet financièrement trop risqué, surtout au regard du sujet, les producteurs ont finalement préféré mettre leurs oeufs dans un autre panier bien garni, mais jugé moins risqué : L'île aux pirates. Mauvaise pioche... Ce sera malheureusement un désastre financier absolu : Carolco Pictures fit faillite peu après l'échec cuisant du film en salle, et plomba durablement au passage la carrière de Geena Davis au cinéma.

    Malheureusement, il faut se faire une raison : il n'y a presque plus aucune chance pour que Crusade sorte finalement de terre un jour. Au-delà de son sujet trop sulfureux qu'il serait impossible à voir dans le paysage Hollywoodien Mainstream actuel (il fallait déjà voir la tempête dans un verre d'eau du Noé de Aronofsky...), notre Arnie préféré est désormais trop vieux. Quant à Verhoeven, il est davantage tourné vers des drames intimes mais non dénués de polémiques (Elle, et son prochain film, Sainte Vierge).

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