AlloCiné : La royauté est un thème récurrent dans votre filmographie. Comment l'expliquez-vous ?
Peter Morgan : Vous savez, quand j'ai écrit The Queen, les scènes que j'ai préférées sont celles entre la Reine et le Premier Ministre. J'ai aimé écrire ces rendez-vous secrets dont on n’a gardé aucune trace. C'est ça qui m'a intéressé le plus. Je ne sais pas si les autres Chefs d'état ont ce même type de protocole. J'ai donc écrit une pièce, sur les audiences de la Reine avec ses Premiers Ministres. Et mes moments préférés se déroulent durant la jeunesse d'Elisabeth II, lorsque Winston Churchill était Premier Ministre. J'insiste sur le fait que ce n'est pas son personnage qui m'intéresse le plus mais la relation grand-père/petite fille que les deux entretenaient. J'avais envie d'en faire un film et quand mes proches ont lu mes premiers textes, ils m'ont dit d'en faire une série ! Me voilà aujourd'hui dans ce pétrin ! (rires)
AlloCiné : Comment se sont déroulées vos recherches ? Avez-vous fait appel à des consultants historiques sur le tournage ?
Peter Morgan : J'ai commencé à esquisser quelques intrigues puis je me suis plongé dans la lecture de livres, pour voir dans quelle direction je pouvais aller. Plus je faisais de découvertes, plus je modifiais mes textes. J'ai aussi fait appel à des consultants mais nous avions surtout une équipe de 8 personnes dédiées à la recherche de faits historiques.
Alex Bailey/Netflix
Mais depuis combien de temps travaillez-vous sur cette série ?
P.M : Trois longues années (rires). Mais c'est surtout parce que Netflix nous a commandé deux saisons entières. Si nous n'en avions qu'une à produire, je serais d'ores et déjà un homme libre ! (rires). On tourne actuellement la saison 2.
Plusieurs médias parlent déjà de six saisons ...
P.M : Non ! Pour le moment seules deux saisons ont été commandées. En toute honnêteté, c'est beaucoup de travail. Ecrire ces 20 heures de programme m'a épuisé. Donc si je dois continuer, j'aimerais pouvoir me poser et réfléchir à ce que je veux faire. J'attends aussi de voir quel accueil va recevoir la série.
The Crown, c’est quelle part de fiction et quelle part de réel ?
P.M : Dans mon expérience, quand vous interrogez six personnes sur un évènement dont ils ont tous été témoins, ils ne vous diront pas la même chose. Et plus on avance dans le temps, plus les versions diffèrent. Disons que j'ai fait de mon mieux. Malheureusement je ne peux pas m'empêcher d'enjoliver la vérité. Je me trouve fatiguant des fois ! (rires). On a essayé de faire le plus vrai possible.
Vous n'avez évidemment pas pu tourner à Buckingham ou Balmoral. Avez-vous eu des difficultés à trouver des lieux ressemblants ?
P.M : Nous n'avons même pas demandé à tourner dans les lieux d'origine, pas seulement parce que nous savions que c'était impossible mais surtout parce qu'on ne voulait pas avoir une dette envers eux. On voulait vraiment être indépendant. La Royauté n'a pas eu son mot à dire sur la série. Nous avons beaucoup tourné à Lancaster House. Vous savez l'Angleterre regorge de magnifiques manoirs qui ne demandent qu'à être loués. L'entretien de ces maisons coûtent cher et leurs propriétaires sont plus que ravis d'ouvrir leurs portes.
Claire Foy a été parfaite de bout en bout.
Vous avez forcément eu des contacts avec des gens de la famille royale non ?
P.M : Oui, on a rencontré certaines personnes mais je n'ai pas le droit d'en dire plus.
Dans la série, vous dépeignez Reine comme une femme qui a peu de culture générale même si elle connaît sur le bout des doigts la Constitution et qu’elle peut discuter des heures sur ses chiens et ses chevaux. C'est vrai ?
P.M : Oui c'était vrai. Vous savez, ce qui fait d'elle un grand monarque, ce n'est pas son intellect. Beaucoup d'hommes politiques intelligents ont mal fait leur travail. Elle est remarquable parce qu’elle est droite, digne de confiance et qu’elle a le sens du devoir. Elle a ces valeurs anciennes aussi. Pour revenir à votre question, il y a pas mal de passages dans la série qui semblent être sortis de mon imagination alors qu'ils se sont réellement déroulés : la scène avec l'éléphant au Kenya, l'aigle qui se pose près d'elle lorsque son père est sur le point de mourir etc.
Robert Viglasky/Netflix
Votre équipe a fait un travail remarquable sur le casting . Lequel de ces acteurs vous a le plus épaté ?
P.M : Claire Foy. Elle a été parfaite de bout en bout. Elle n'a raté AUCUNE de ses scènes. C'est assez rare. Parfois, on sauve une scène en faisant un montage de plusieurs rushs. Mais pas avec elle. Elle est comme Michael Sheen et Helen Mirren : ils ne font jamais d'erreur. John Lithgow est aussi très bon. J'ai aussi beaucoup adoré Pip Torrens qui joue le Secrétaire du Roi et de la Reine. Il devait avoir un tout petit rôle au départ mais je l'ai trouvé tellement extraordinaire que j'ai écrit d'autres scènes pour lui.
Si vous décidez de faire d'autres saisons sur ses années de règne, il faudra changer les acteurs puisque leurs personnages auront vieilli non ?
P.M : Bien sûr. A la fin de la saison 2, la Reine aura 38 ans, alors que quand on a débuté la série, elle en avait 21. Claire ne peut pas aller au-delà. On devra caster une autre actrice.
Helen Mirren par exemple ?
P.M : Helen, ce serait plutôt à la fin, si on y arrive. Je suis toujours en contact avec elle.
Propos recueillis à Londres le 2 novembre.
Notre interview-quiz avec le cast de la série :
