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    The Walking Dead : "Nous voulions poursuivre l’histoire de La Nuit des morts-vivants"

    "Cowboy cosmique et créateur de comics", Tony Moore est l'un des invités du Comic Con Paris, qui se tient du 21 au 23 octobre à la Grande Halle de la Villette. Rencontre avec celui qui a co-donné vie aux Marcheurs de The Walking Dead.

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    AlloCiné : Comment décririez-vous votre métier et l’art de l’illustration ? S’agit-il avant tout d’insuffler un mouvement et une dynamique dans une image pourtant figée ?

    C’est tout à fait ça, oui. J’ai toujours été intéressé par cette idée de mouvement. Et c’est d’ailleurs l’aspect le plus complexe dans l’illustration de comic-books. J’ai grandi en regardant des dessins-animés, et j’ai d’ailleurs songé un temps à devenir animateur. En étudiant différentes techniques et le travail de nombreux illustrateurs, j’ai pu définir ma propre manière d’insuffler du mouvement dans une page. Le mouvement, c’est vraiment le but à atteindre… Je ne sais pas comment je m’en sors mais je travaille dans ce sens.

    Vous vous en sortez très bien ! (Rires) Remontons un peu le temps. Vous avez fait vos débuts avec les comic-books "Battle Pope", avant de créer "The Walking Dead". Quels souvenirs gardez-vous de vos débuts et comment est né "The Walking Dead" ?

    Je travaillais avec Robert Kirkman depuis quelques années. Nous vivions avec peu de choses, nous n’avions pas beaucoup d’argent, mais nous adorions les comic-books. Je finissais ma première année à l’Université et Robert cherchait du boulot après le lycée. Il m’a proposé de nous lancer dans la création de comics, et j’ai accepté… même si nous n’avions aucune idée de la façon d’y parvenir. Nous connaissions le produit fini, mais pas le processus de fabrication. Nous avons donc remonté la chaîne de fabrication afin de bien comprendre tous les aspects de l’édition, nous avons rencontré des gens qui avaient fait la même chose et qui ont pu nous conseiller, et nous avons appris en faisant. Nous avons fait ça durant quelques années, et dans nos moments de pause, nous regardions des films. Et principalement des films d’horreur, et surtout des films de zombies. Robert a proposé que nous réfléchissions à faire quelque chose autour des zombies, et nous nous sommes lancés.

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    Nous avons défini le pitch de The Walking Dead assez rapidement, et nous l’avons envoyé à Image Comics. Au départ, nous voulions poursuivre l’histoire initiée par George Romero dans La Nuit des morts-vivants, car ce sont des histoires très engageantes. C’est pour cette raison que The Walking Dead se déroule dans un univers assez similaire, et repose sur les mêmes règles que ce qui a été mis en place dans ses films, notamment en ce qui concerne le comportement des zombies. Mais en échangeant avec l’éditeur, nous avons finalement décidé de lancer notre propre "marque", car l’histoire n’avait finalement pas de lien direct avec La Nuit des morts-vivants. C’est ce que nous avons fait, et nous avons trouvé quelques lecteurs. Puis de plus en plus de lecteurs, avant que ça ne devienne le phénomène culturel que vous connaissez.

    Justement, que vous inspire ce phénomène, vous qui avez connu le tout début ?

    Je pense que le mot approprié est vraiment "surréaliste". C’est le seul de mes travaux qui ait pris une telle ampleur. Cette histoire a été créée dans la petite chambre d’une minuscule maison, par deux amis sans argent qui ne savaient pas de quoi le lendemain serait fait. Nous sommes vraiment partis de rien. Que notre création soit devenue si importante au sein de la pop-culture, c’est vraiment surréaliste, oui. C’est tellement énorme. Presque incompréhensible, en fait. Je vois du Walking Dead partout. Dans n’importe quel magasin, je vois des t-shirts, des jouets, des jeux vidéo... Je vois tous ces gens que je ne connais pas porter du Walking Dead ! C’est tellement présent que c’en est presque devenu un bruit de fond parfois un peu gênant. Mais quand je prends le temps de me poser et de regarder ce qu’est devenue notre création, c’est juste incroyable. Comme je le disais, "surréaliste" est le seul mot qui me vient à l’esprit.

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    Vous parliez de George Romero. La grande qualité de "The Walking Dead" est justement de poursuivre sa voie, à savoir de ne pas faire des 'histoires de zombies' mais d’utiliser les zombies comme révélateurs du monstre que l’être humain peut devenir. C’est ce qui fait le succès de la franchise selon vous ?

    Je le pense, effectivement. Au final, ce qui porte ces histoires, ce sont les comportements humains et la façon dont l’Homme peut être un loup pour l’Homme. Les monstres ne sont que des catalyseurs, et ils ajoutent par ailleurs un peu de piment au plat principal pour ainsi dire. Mais si les zombies étaient au centre de l’histoire, je ne sais pas si elle pourrait durer aussi longtemps.

    Vous souvenez-vous de votre premier Marcheur, du premier zombie que vous avez dessiné ?

    Je dessine des zombies depuis longtemps. J’ai vraiment grandi en regardant des films d’horreur, donc les monstres et en particuliers les zombies m’ont toujours intéressé. Ce serait difficile de me souvenir de mon premier zombie, car j’ai l’impression d’avoir fait ça depuis toujours. En ce qui concerne The Walking Dead, j’essaye de remonter le fil de ma mémoire mais je pense que c’était un zombie dans l’ascenseur de l’hôpital. Ou peut-être dans la cafétéria, je ne sais plus. En tout cas, c’était pour l’hôpital. J’ai passé beaucoup de temps à faire des recherches sur l’anatomie humaine, et aussi sur l’entomologie pour bien comprendre les différentes étapes de décomposition d’un corps humain et la façon dont les insectes s’intègrent à ce processus. Je me suis beaucoup intéressé à ça au lycée, notamment quand des scientifiques d’une école dans le Tennessee sont venus nous présenter leur travail et nous dévoiler des photos incroyables. J’ai été fasciné par ce qu’ils nous montraient. J’ai séché tous les cours ce jour-là, pour passer la journée à suivre leur présentation… J’ai donc toujours été très intéressé par cet aspect des choses, et c’était très important pour moi que les zombies de The Walking Dead soient scientifiquement et anatomiquement réalistes et fidèles à ce que peut être un corps humain mort. Cela a permis de créer une iconographie horrifique qui me plaît.

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    Justement, en parlant de fidélité, que pensez-vous de la série télé "The Walking Dead" ? Série qui a parfois pris des chemins différents par rapport au comic-book…

    Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas vraiment à jour sur la série. J’ai au moins deux saisons de retard, je n’ai pas eu le temps de me poser et de regarder la télé depuis un long moment. Mais j’ai beaucoup aimé ce que j’ai pu en voir. Ils ont changé certains aspects de l’histoire, pas toujours pour le mieux, mais ils ont aussi apporté des choses très intéressantes. Les frères Dixon, par exemple. Tout comme le personnage de Shane, qui était assez binaire dans le comic-book. Il se résumait à un méchant qui agit mal et qui finit par être éliminé. Dans la série, c’est un personnage beaucoup plus nuancé et complexe, qui donne un aperçu de ce que chacun peut devenir dans cet univers. Il l’est juste devenu plus vite que les autres... Shane est un exemple de ce que la série a pu développer de manière très intéressante par rapport aux livres. J’ai été ravi de voir ce qu’ils ont fait de ce personnage.

    Jusqu’au tome 24, vous avez été en charge des couvertures, dont une a d'ailleurs été primée. Quel est le processus et la difficulté de définir la couverture d’un tome de "The Walking Dead" ?

    Vous savez, la plupart du temps, la couverture d’un comic-book est créée plusieurs mois en amont de l’écriture. En ce qui concerne The Walking Dead, la plupart du temps, nous échangions avec Robert Kirkman sur l’histoire qui serait racontée dans le tome, il lui arrivait même de me faire un croquis d’un personnage ou d’un événement particulier, et ainsi je pouvais commencer à travailler dessus. Dans la mesure où cela survient alors que le comic-book n’est pas encore écrit, je n’ai pas vraiment eu la possibilité de choisir une scène ou une case qui me semblerait faire une bonne couverture. Ça m’est arrivé de temps à autres, mais la plupart du temps je développais une couverture à partir d’une scène prédéterminée en amont de l’écriture. A partir de là, j’essayais de suivre les préceptes des grands illustrateurs du passé, qui consistent à essayer de raconter une histoire à travers un seul dessin et une seule case, avec assez d’éléments pour donner une idée de ce qui a pu se passer avant et interroger le lecteur sur ce qu’il adviendra ensuite. Le but d’une couverture, c’est de créer cet engagement. C’est ainsi que j’aborde mon travail sur les couvertures.

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    Le 6 août dernier, vous étiez avec Robert Kirkman dans votre ville de Cynthiana dans le Kentucky, pour la célébration "The Walking Dead Day". Quel souvenir gardez-vous de cette journée ?

    C’était vraiment très fort, très émouvant. Toute la ville s’est rassemblée pour célébrer notre travail, nous honorer et nous encourager en tant que créateurs… Nous avons toujours été considérés comme les gamins un peu bizarres du quartier dans notre jeunesse, donc voir tous ces gens rassemblés pour nous était vraiment touchant. Je n’avais jamais connu ça, surtout dans une ville qui ne nous avait jamais fait sentir cela. J’ai été très touché par tout ce soutien et cet amour que nous a adressé la ville. C’était un beau moment.

    Et si les fans français veulent s’inviter à Cynthiana pour le prochain "The Walking Dead Day", ils pourront découvrir tout ce qui vous a inspiré pour créer cet univers !

    Il y a pas mal de choses à voir là-bas, effectivement. La maison qui a inspiré la demeure de Rick Grimes est à Lexington dans le Kentucky, où nous avons créé le comic-book. Mais les autres éléments de décors des premiers tomes sont à Cynthiana : le poste de police, l’hôpital, l’autoroute, le cinéma, les rues… Tout l’univers des débuts de The Walking Dead est là.

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    Sur votre site officiel (coloneltonymoore.com), vous annoncez votre venue au Comic Con Paris avec enthousiasme. Vous êtes heureux de venir en France, terre de la bande dessinée ?

    Je suis ravi de revenir en France. J’adore Paris, et plus globalement chaque endroit où je suis passé en France. Et j’aime beaucoup la bande dessinée effectivement : j’aime le travail de MoebiusBlacksad... Beaucoup d’auteurs européens en fait.

    C’est la deuxième édition du Comic Con Paris, preuve que ce qui était auparavant une sous-culture très américaine est désormais une culture mainstream mondiale. Avec le risque, inhérent à cet aspect mainstream, que la qualité se dilue...

    C’est amusant de voir que ce qui était un plaisir un peu coupable il y a encore quelques années est désormais sur le devant de la scène. Après, je ne sais pas si la qualité se dilue. Je crois qu’il y a simplement plus de gens qui s’intéresse à cet art, mais celles et ceux qui y travaillaient avant ce phénomène sont toujours aussi impliqués et attachés à leur art. Ce qui est intéressant, c’est que l’élargissement du public permet à des projets parfois abandonnés par le cinéma ou la télévision d’avoir une deuxième chance sous forme de comic-books… pour éventuellement revenir vers Hollywood par la suite grâce à ce soutien du papier. Mais vous avez raison, il y a toujours un risque de dilution. Surtout quand il y a une surexposition comme cela peut arriver pour Marvel par exemple. Mais d’un autre côté, cela amène plus de gens vers ce médium et permet de faire accepter le fait que c’est aussi un moyen de raconter des histoires. Ainsi, il y a de plus en plus de lecteurs de comic-books, et c’est une bonne nouvelle pour tout le monde.

    Un mot sur vos autres travaux, que ce soit "The Exterminators", "Fear Agent" ou tout ce que vous faites pour Marvel. Comme vous le disiez, on sent que votre fibre artistique va naturellement vers les monstres, l’horreur, la science-fiction ou même les super-héros…

    Je n’ai pas de passion particulière pour les super-héros. Je me retrouve plus dans les autres genres que vous évoquez. Même quand je travaille sur des super-héros, pour Marvel par exemple, je vais dans des zones un peu extrêmes, loin de ce qu’on attend d’un super-héros classique. Ghost Rider me plaît beaucoup, car c’est déjà un monstre. Quand j’ai travaillé avec Rick Remender sur Punisher, nous l’avons découpé en morceaux avant de les recoller ensemble, afin de faire de Frank Castle… un FrankenCastle, dans la lignée des monstres des années 70 que j’aime beaucoup au cinéma. C’était la même chose pour Venom, que nous avons fait évoluer d’un Spider-Man paramilitaire vers un monstre aux dents acérées et avec une texture proche du slime.

    Quant à Deadpool, je crois que je n’ai jamais illustré quelque chose d’aussi gore. Les six tomes sont plus sanglants que l’intégralité de tout ce que j’ai fait dans ma carrière ! J’ai adoré travailler sur ce personnage et cet humour. J’ai grandi en lisant Mad Magazine, et c’était l’occasion pour moi d’insuffler cet esprit dans une franchise grand-public. J’ai toujours eu la chance de travailler dans des univers qui me correspondent. Fear Agent dont vous parliez, est ma déclaration d’amour à EC Comics : nous avons essayé d’y rendre un vrai hommage à tout ce que nous adorions dans les publications EC en y apportant quelque chose d’original.

    Et sinon… vous dormez quand ?

    (Rires) Bonne question ! En général, je dors la journée et je travaille de nuit, afin de ne pas être dérangé et de ne pas pouvoir sortir puisque tout est fermé. Ainsi, la seule chose que je peux faire est de travailler. Je commence juste après le dîner, souvent jusqu’à l’aube. Je suis une sorte de vampire de l’illustration ! (Rires)

    Dernière question : sur votre site, on peut lire cette devise : "Créer pour détruire, détruire pour créer". Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?

    C’est une référence directe à ce que disait Picasso : "Tout acte de création est d'abord un acte de destruction". Je rejoins cette vision des choses : il faut parfois détruire ce qui vous tient à cœur pour pouvoir l'améliorer et l'amener vers quelque chose de supérieur. Je vis dans une ferme et je suis un adepte du tir : et j’aime beaucoup tirer sur des objets ou des créations pour les amener vers autre chose.

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