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    Vimala Pons : "La Loi de la Jungle décrit le monde qui est absurde"
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Trois ans après "La Fille du 14 juillet", Vimala Pons retrouve Vincent Macaigne devant la caméra d'Antonin Peretjatko, pour les besoins de "La Loi de la Jungle", comédie d'aventures que nous raconte son actrice principale.

    Il y a trois ans, ils sillonnaient les routes de France dans les salles obscures, après un passage remarqué à la Quinzaine des Réalisateurs. Aujourd'hui, Antonin Peretjatko emmène ses deux acteurs de La Fille du 14 juillet, Vincent Macaigne et Vimala Pons, en Guyane pour les confronter à La Loi de la Jungle, le temps d'une comédie hors-normes comme on en voit trop peu, et sur laquelle la comédienne revient en notre compagnie.

    AlloCiné : Comment Antonin Peretjatko vous a-t-il présenté "La Loi de la Jungle", et qu'est-ce qui vous a particulièrement plu dans ce projet ?

    Vimala Pons : Comment synthétiser... (rires) J'aime bien raconter cette anecdote car je la trouve bien par rapport à ce qu'est la comédie en général : la première fois qu'Antonin m'a apporté le synopsis de La Loi de la Jungle, c'était en octobre 2013 alors que j'étais à l'hôpital. Il me l'a donné aussi bien pour me réconforter que me le montrer, et ça m'a fait rire alors que je n'étais pas très bien (rires) Je rigolais toute seule dans ma chambre en lisant tout ce qu'il avait écrit, et ça a commencé là, il y a trois ans déjà.

    Dans la foulée de la sortie de "La Fille du 14 juillet" donc.

    Oui, la proposition est arrivée assez vite de sa part en fait. Et comme il avait écrit en pensant à Vincent et moi, ou à Mathieu [Amalric], puisque leurs personnages portent des versions détournées de leurs noms, quelque chose de particulier se tissait dans l'écriture car il y avait des allers-retours entre lui et nous par rapport à ce qu'il demandait : il voulait, par exemple, savoir ce que l'on était capables de faire sur le plan physique, ou on se mettait d'accord sur le lancer de couteaux... J'ai donc un peu suivi les étapes de l'évolution du scénario.

    Il y a un endroit de jeu qui est sur un fil

    Est-ce que ce scénario était très écrit, vu que le film repose beaucoup sur le visuel ?

    C'est un scénario qui est très écrit, oui. La comédie d'Antonin repose beaucoup sur le rythme, et comme je trouve que c'est un grand réalisateur, il sait aussi écrire une scène sur le tournage. C'est arrivé une ou deux fois et c'est resté dans le film : il a écrit la scène le matin et nous l'a donnée à faire. Pas entre deux averses, mais entre deux coups de soleil, quand il pleuvait. Il nous a aussi laissé improviser parfois mais ce qu'il est resté du scénario était vraiment très écrit.

    L'univers d'Antonin est un univers très particulier : il faut être naturel et, en même temps, avoir une pensée qui nourrit ce que tu dis, sans tomber dans la psychologie ; c'est rapide mais il ne faut pas tout bouler. Il y a un endroit de jeu qui est sur un fil et dont il est garant.

    Haut et Court

    On ressent ce côté équilibriste dans le jeu de mots sur "hors-normes" dans une réplique. Et peut-on dire que ce terme résume les choix que vous faites depuis quelques années, en optant pour les projets qui sortent de l'ordinaire et ne sont pas les plus faciles ?

    J'ai envie de dire oui parce que ça me flatte. Mais après, j'ai l'impression qu'ils sont... Tout dépend en fait de ce que l'on appelle la normalité, mais on ne va pas répondre à ça car je pense que vous n'avez sans doute pas la place et moi l'intelligence pour le faire. Je pense que ce qui me plaît [dans ces films], c'est que ce sont des visions du monde fortes. Chez Antonin, il y a aussi une aventure d'amitié derrière, et un trio que l'on forme avec Vincent. Il y a une fidélité d'un film à l'autre, même si ça n'est pas comme si on en avait fait sept ensemble. Mais comme La Fille du 14 juillet s'est tourné sur deux ans, on a l'impression d'avoir fait plusieurs films ensemble (rires) Alors qu'on en a fait que deux.

    Je pense qu'on peut dire que La Loi de la Jungle joue sur l'absurde et le burlesque, même si je ne trouve pas qu'il le soit, car il décrit finalement le monde, qui est absurde. Et il le décompose pour le remonter suivant sa vision et la lecture qu'il fait de ce monde. Mais au final, je trouve le film moins absurde que le fait d'essayer de rationnaliser tout ce qui se passe. Je ne dis pas que c'est pas bien car beaucoup de films le font, et très bien. Mais cette vision que l'on peut qualifier de "hors-normes" me touche, mais elle l'est car elle a peu de moyens de production pour s'exprimer.

    Y compris dans une scène coupée qui sert de teaser :

    Antonin dit que le baroque consiste à réunir harmonieusement les contraires : je pense que c'est ce qu'il fait, je pense que c'est ce que j'aime aussi, et c'est ce qu'on ne permet pas souvent d'arriver dans le cinéma français. Du coup, tous ces films-là sont un peu taxés de "cabarets de curiosité", alors que je ne pense pas qu'ils le soient. Des choses bien plus étranges se font, et la force du cinéma d'Antonin, c'est qu'il y a plein de niveaux de lecture : les enfants adorent, ceux qui ont fait Mai 68 aussi, tout comme les intellos, les cinéphiles ou les gens qui aiment les comédies pour leurs enchaînements rythmiques de gags.

    C'est politique et romantique en même temps, et romantique dans le fait de savoir saisir l'époque dans laquelle il vit et de réunir le chaos de ses tendances pour en faire un concentré de réduction, qui éclate dans la tête trois jours après que l'on ait vu le film, tant il y a d'informations. Autant La Fille du 14 juillet avait une bonne idée par plan, autant là j'ai l'impression qu'il y en a trois, donc ça demande un temps de décantation.

    Antonin cherche à ce que la prise de vue vole quelque chose

    Vous parliez du côté physique du rôle : est-ce que ça a été le plus gros challenge pour vous ? Au-delà du fait d’être tout le temps en mini-short dans la jungle…

    (rires) Merci de remarquer le mini-short car ça n’était pas évident (rires) Ça a été un vrai sujet de discussion car Antonin aime bien ça aussi, mais on a un seul costume. Donc quand il a fallu choisir celui-ci au début du film, l’enjeu était énorme : sur le plan visuel par rapport à la silhouette, mais aussi parce que quand on est très dénudé dans la jungle… Mes jambes n’étaient pas les mêmes au début et à la fin du film.

    Mais c’est aussi l’enjeu du choix de la Guyane. Il y avait eu des repérages pour tourner à la Réunion, où il se trouve que j’ai fait un film juste après, et ça n’était pas du tout pareil. C’est un peu comme si Herzog avait tourné Fitzcarraldo en Suisse : ça n’est pas possible. L’enjeu de La Loi de la Jungle, c’est de raconter la Guyane, qui est très particulière. Sa jungle est très particulière, les dangers ne sont pas du tout les mêmes, et ça n’a rien de paradisiaque. Pas du tout.

    On le sent bien, oui.

    (rires) Pour l’enjeu politique du film, c’était vachement important que ce soit comme ça. Et la jungle est, pour moi, le personnage principal. On dit ça après coup, mais ça n’était pas vraiment dangereux dans le sens où une équipe de tournage de trente personnes fait fuir tous les animaux. On n’était pas menacés par des pumas à longueur de temps.

    Mais même sur La Fille du 14 juillet, les premières images que j’ai tournées avec Antonin c’était à 5 heures du matin [juste avant le défilé, ndlr], sans autorisation, et il me dit "Vas-y !" d’un coup, sur la Place de l’Etoile. J’y suis allée et je marchais devant des gens qui nous regardaient, donc même s’il n’y avait pas de danger, car on n’allait pas nous tirer dessus, Antonin cherche toujours à ce que la prise de vue vole quelque chose - d’où le terme de "prise" de vue - et nous met dans une forme d’inconfort.

    L’enjeu physique était donc là, mais surtout au bout d’un moment, car la fatigue nourrissait tout ce que l’on faisait. Il n’était pas question de faire des cascades juste pour en faire, ça venait teinter le récit. Pour moi, le film repose sur la rupture, comme lorsque l’on passe des "Happy Seniors" avec Jean-Luc Bideau dans un bureau, à des gens qui ont la tête dans la boue, pour montrer toute l’absurdité des gens qui prennent des décisions dans des bureaux. Et pour ça, aller en Guyane n’était pas de le coquetterie.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 6 juin 2016

    Et retrouvez bientôt notre interview-portrait de Vimala Pons !

    "La Loi de la Jungle" côté coulisses :

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