Ils se sont lancés dans une aventure folle : adapter en live, avec une tonalité sombre et réaliste, le culte Dragon Ball Z. Eux, ce sont Yohan Faure (réalisateur) et Vianney Griffon (directeur artistique, responsable effets spéciaux), deux passionnés qui apportent actuellement la touche finale à The Fall of Men, fanfiction dont ils ont présenté l'an dernier quelques minutes à la très populaire convention américaine Stan Lee's Comikaze. Alors qu'ils prévoient de dévoiler le produit fini à la rentrée, AlloCiné les a rencontrés.
AlloCiné : Comment avez-vous découvert "Dragon Ball Z" ?
Yohan Faure : J'ai découvert Dragon Ball Z à la télévision, au Club Dorothée. La série a bercé absolument toute mon enfance. Tous les matins, je me réveillais pour aller la regarder et quand ça a été annulé, c'est passé sur TMC, et je rentrais exprès le midi pour regarder ! J'ai accroché direct, j'ai adoré. Ce qui nous a plu, c'est que DBZ, c'est Star Wars en dessin animé. T'as un monde hyper vaste, des créatures hyper chelous, des méchants, des gentils, des gens qui ont des pouvoirs...
Vianney Griffon : Il y a un mélange de cultures phénoménal. C'est un croisement de plein de choses différentes qui, bizarrement, vont bien ensemble, alors que sur le papier, à la base, ça aurait pu être absurde. Ca fonctionne bien dans le dessin animé. Mais pour en revenir à la question, j'ai découvert Dragon Ball Z plus tard. En fait, j'avais pas le droit à la télé quand j'étais petit, et surtout pas à ce dessin animé, que mes parents trouvaient trop violent. Du coup, j'ai découvert l'univers plus tard au collège, par un pote qui avait tous les mangas de Dragon Ball chez lui. Il m'en a prêté un, puis j'ai tout pris, j'ai tout dévoré. Et après, j'ai maté tous les dessins animés en les regardant sur TMC, j'ai tout rattrapé tout seul !
AlloCiné : Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Y.F. : On s'est rencontré à l'époque du lycée. Très vite, on est devenus potes car en gros, on était les deux nerds de cinéma. On était à fond sur Fight Club, c'était la bonne époque. Mais on était aussi sur plein d'autres films, on avait plein de points communs culturels. On a ensuite été en coloc, il y a cinq ou six ans.
AlloCiné : L'idée de faire un film adapté de "Dragon Ball Z" est née à cette période ?
V.G. : Complétement. J'étais en plein dans mes études de design, on était en coloc et on s'est tapé un délire en se rematant tous les DBZ. On a bloqué sur une scène en particulier : quand Cell commence à arriver et qu'on voit des plans de la ville avec tous les vêtements éparpillés partout. Il y avait plein de plans très western, avec juste le bruit du vent... Là, on s'est dit que ça déboiterait en film ! Y'a un côté très dark. C'est vraiment avec cette scène qu'on a commencé à se dire qu'il y avait vraiment un truc intéressant à faire. Et en matant tous les épisodes suivants, cette envie n'a cessé de croître, on voyait plein de choses à faire en film.
AlloCiné : la genèse a visiblement été très longue et ardue...
V.G. : On a commencé à monter un projet au fur et à mesure, qui a pris du temps. J'ai commencé à faire des storyboards, des dessins, Yohan faisait du montage et des bruitages sur mes dessins... On a fait un dossier et c'est là qu'est né le projet, il y a cinq, six ans. On a mis ça de côté, on cherchait une opportunité, de l'argent, et puis Yohan a fait un Kino Caen en mars 2013.
Y.F. : Pour le Kino Caen, on avait trois jours pour écrire un scénario, tourner et monter un film : j'ai fait un test caméra d'après une partie des storyboards faits avec Vianney. Ca avait un peu de gueule, je lui ai montré et je lui ai demandé s'il n'y avait pas moyen qu'il se mette à After Effect, il avait déjà fait de la 3D... On a donc paufiné le truc, et on a mis ça sur le net en avril 2013. Et là, grosse surprise : une chaîne Youtube américaine a pris l'info en pensant que c'était un vrai truc hollywoodien ! On a eu 4,5 millions de vues sur cette vidéo, les gens pensaient que c'était un truc à gros budget ! Alors que non !
V.G. : En plus, ça se voyait que c'était pas pro, ça faisait très amateur ! (rires)
Y.F. : Mais, bon, ça nous a donné une grosse motivation. On s'est dit que ça plaisait aux gens, ou qu'au moins ça les intriguait. On s'est dit qu'il fallait continuer et développer une histoire dans le même monde, mais une version sérieuse de DBZ. Lui donner un cachet ciné qu'on aime. On a alors commencé à réflechir à une histoire et en un temps record, et on a préparé ce film.
V.G. : Juin et juillet 2013, on a préparé le film. Mi-juillet 2013, la campagne Indiegogo se terminait et on avait 1100 euros sur les 12 000 demandés. Le 1er Aout 2013, on commençait un tournage d'une semaine.
Y.F. : On a ensuite eu plein de soucis en post-prod par manque de prépa, de moyens, plein de choses... Six mois après, en février 2014, on a reshooté pendant 10 jours tout les fonds verts et plein d'autres choses qui nous manquaient. Plusieurs personnes nous ont aidés, car financièrement on avait pas de budget, les acteurs ont bossé gracieusement pour le projet. Notre directrice de prod a du gérer le budget d'un tournage sans budget ! (rires) On a rajouté de l'argent à nous... Et puis la réécriture nous a amené à faire un fight de 5 minutes, du DBZ quoi, alors qu'il devait faire entre 15 à 20 secondes à la base !
V.G. : Et maintenant, on est en post-prod depuis à peu près deux ans ! On bosse sur le générique de fin, ça fait bizarre. On a l'impression que c'est terminé, alors que pas du tout. C'est la dernière ligne droite.
AlloCiné : Votre version de "Dragon Ball Z" est très sombre et réaliste...
V.G. : On voulait montrer à quoi ressemblerait DBZ si ça se passait réellement dans notre monde. On a essayé de jouer là-dessus, en faisant l'impasse sur certaines choses qui font trop cartoon et qui ne correspondraient pas à un univers réaliste, par exemple les cheveux de Trunk...
Y.F. : On a choisi l'histoire de Trunk comme base pour raconter notre histoire à nous. C'est une fanfiction, on a récréé un scénario original en s'inspirant des personnages et de la situation. Ce qui est génial avec Trunk, c'est que quand il voyage dans le temps, il crée des mondes parallèles, donc on se situe dans un monde parallèle du dessin animé. On ne veut pas effacer le dessin animé, au contraire, on adore ça. On vit à côté du dessin animé, dans un monde différent. Et ce qui est vachement bien avec l'histoire de Trunk, c'est qu'il vit dans un monde désabusé, triste, en gros un monde ou il n'y a pas Sangoku. Et le fait qu'on ait pas Sangoku dans le film, dans l'histoire de Trunk, ça enlève la notion d'espoir. Et en enlevant ça, tu peux enlever la couleur de l'histoire, et ça va avec les cheveux, avec l'ambiance cartoon, comic...
AlloCiné : Craignez-vous le bashing de fans mécontents ?
V.G. : On a eu beaucoup de bons échos, mais on a aussi eu beaucoup de bashing, c'est vrai. C'est pas grave, c'est notre vision, on l'assume. Le manga est une chose, il est génial, avec des traits très colorés, c'est très dynamique, c'est extraordinaire. Après, nous, on fait un film, ça n'a rien à voir. En plus, un film réaliste. Si on avait voulu garder les cheveux violets, ce genre de choses, on serait partis sur un film d'animation ou alors un truc très déjanté genre Scott Pilgrim. Nous, ce n'est pas le cas, c'est plus dark...
AlloCiné : Un dernier mot sur la présentation d'images du film aux Etats-Unis...
Y.F. : On faisait un break, on était rentrés chez nous dans le Sud. Et là, on reçoit un mail qui nous dit : "On adore votre teaser, on vous veut au Comikaze !" On tape Comikaze, et on voit que c'est un événement organisé par Stan Lee, qui accueille 70 000 personnes en 3 jours. Grosse pression... On leur dit alors : "Merci, mais le film est pas du tout fini !" Et eux répondent : "On s'en fout, vous avez carte blanche !" On a donc décidé de finir les 6 premières minutes du film avec effets spéciaux pour les montrer là-bas ! On dort pas pendant des mois et en novembre dernier, on se retrouve avec une partie de l'équipe aux Etats-Unis !
V.G. : On avait très peur de l'accueil, c'est un événement très très geek. Il y avait plein de mecs déguisés en Sangoku, en Trunk, on avait super peur ! On se disait qu'on allait se faire démonter, mais en fait ils ont adoré, on a discuté avec eux pendant 45 minutes, c'était super cool.
Propos recueillis par Clément Cuyer
Le teaser de "The Fall of Men" :