- Pénétrez dans l'univers de Sense8 sur Netflix
Parce que leurs films étaient des séries !
De toute évidence, Matrix était un film majeur qui avait bien plus de choses à dire que ses deux heures et quinze minutes originelles ne le permettaient. Grâce à son succès phénoménal, il a pu se transformer en une saga composée de deux autres volets (Matrix Reloaded & Matrix Revolutions) et de jeux vidéos dérivés. Déjà là, il y avait l'idée de série, d'histoires et de personnages à suivre sur la longueur.
Avec Cloud Atlas en 2012, les Wachoswki sont allés encore plus loin en proposant un film de deux heures et quarante-cinq minutes au concept ultra complexe basé sur le "tout est lié" où se juxtaposaient les univers, les intrigues et les personnages à travers les siècles et les espaces temps. En réalité, ce film était un chaos de séries morcelées qui formaient un tout. Souvenez-vous de toute l'intrigue de l'évasion de la maison de retraite, aussi drôle que rythmée : c'était en quelque sorte une série comique à l'anglaise que l'on aurait pris plaisir à suivre pendant des années. Cloud Atlas aurait sans doute été une meilleure série qu'un "simple" film.
Dans Jupiter Ascending, que l'on pourrait qualifier de "film monde", les Wacho retombent dans leur travers habituel : ils veulent dire trop de choses sur trop de personnages en trop peu de temps. Ambitieux ils sont, ambitieux ils restent en toutes circonstances. Ce long-métrage n'aurait peut-être pas été plus réussi en série, mais prendre leur temps n'aurait sans doute pas été du luxe !
Parce que leur originalité a toute sa place à la télévision
Malgré la mode des reboots, des remakes et des suites de reliques que l'on croyait appartenir au passé qui prend de plus en plus de place sur le petit écran après avoir terrassé le grand, réduisant comme peau de chagrin les blockbusters 100% originaux, il semble toujours y avoir une place importante et une envie des diffuseurs pour proposer des concepts originaux à la télévision, sur le câble ou sur les plateformes de streaming, là où le champ des possibles ne cesse de s'élargir grâce à la multiplication des acteurs.
Dans ce contexte, les Wachoswki, qui ont enchaîné les échecs au cinéma avec Cloud Atlas puis Jupiter Ascending, trouvent avec Netflix la liberté dont ils avaient besoin pour exprimer leur singularité, qui relève parfois du génie incompris, avec des moyens qui restent à la hauteur de leurs ambitions puisqu'on leur a donné un budget "illimité". Tourner un film avec huit personnages principaux situés dans huit villes différentes du monde comme c'est le cas avec la série Sense 8 n'aurait sans doute pas été possible au cinéma. Et pas de triche : l'équipe a bel et bien voyagé de Mexico à Seoul. Une première. Netflix frappe encore plus fort que HBO avec Game Of Thrones.
Pas fous pour autant, ne connaissant pas grand chose au monde de la télévision et à son exercice d'écriture différent, les Wacho se sont adjoints les services d'un expert en matière de série de science-fiction pour les épauler dans le gros oeuvre : J. Michael Straczynski, créateur de Babylon 5, une réfèrence dont le talent n'est plus à prouver.
Parce que les thèmes qui leur sont chers sont très télévisuels
Pendant des années et encore aujourd'hui, le cinéma offrait majoritairement de beaux rôles principaux aux hommes tandis que les femmes étaient reléguées au second plan. Pas chez les Wacho, déjà dans leur premier film, Bound, centré sur une relation amoureuse entre deux femmes, dans V pour Vendetta bien sûr, et même dans Matrix dont Keanu Reeves était le héros mais où ils ne faisaient pas de Trinity (Carrie-Anne Moss) un détail de l'intrigue mais bien un essentiel. Dans les séries, une place bien plus grande est accordée aux héroïnes depuis toujours car la télévision est un média plus féminin par essence.
Dans Sense 8, les personnages féminins sont nombreux et parmi les plus solides et convaincants : à commencer par Nomi, un homme qui change de sexe et dont l'histoire fait forcément écho à celle de Lana Wachowski; Riley, une DJ islandaise paumée qui débarque à Londres; Sun, une femme d'affaire qui exerce sa force sur le ring en tant que boxeuse; Kala, une jeune indienne que sa famille veut marier de force; et bien sûr "l'Ange", incarné par Daryl Hannah, qui relie tous les personnages entre eux telle la Vierge qui leur apparaît.
La religion, comme la quête identitaire et la question du genre, font partie de leurs thèmes de prédilection et peuvent à la télévision être développés sur la longueur, avec toute l'attention qu'ils méritent. Et de manière plus générale, le format série permet de creuser les portraits des personnages jusqu'à ce qu'ils atteignent un certain degré de réalisme, une vérité, qu'un film ne peut pas toujours offrir par manque de temps, surtout dans les leurs qui ne manquent jamais d'enjeux et d'action par ailleurs.
Sense8 va-t-elle devenir un phénomène ?