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    Cannes 2015 : Clotilde Courau n'est "plus la même interprète depuis L'Ombre des femmes"

    Portée par une Clotilde Courau lumineuse et un Stanislas Merhar habité, L'Ombre des femmes de Philippe Garrel fait l'ouverture de la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 2015. Rencontre avec une comédienne transformée...

    SBS Distribution

    AlloCine : Vous avez travaillé avec Jacques Doillon au tout début de votre carrière, pour "Le Petit Criminel". Il partage avec Philippe Garrel, le metteur en scène de "L'Ombre des femmes", cette jeunesse cinématographique, ou plutôt cette fougue intacte...

    Clotilde Courau : Tous deux sont des hommes libres. Doillon et Garrel sont des auteurs, plus intéressés par la question que la réponse. C'est pour cela qu'ils continuent éternellement à chercher, au sein de leurs sujets de prédilection. Quand je travaille avec Doillon pour Le Petit Criminel, je sais qu'on ne lui impose pas un casting et qu'il n'a pas besoin de plaire aux chaînes. Il est totalement libre et en même temps très protégé à ce moment-là. Quand je rencontre Garrel, l'économie cinématographique a énormément changé mais lui resté un homme libre. Quand on jouit de cette liberté, effectivement il y a cette dimension juvénile, même si je ne suis pas sûre que ce soit le mot exact...

    Ils conservent cette fougue...

    ...par la liberté. Mais Garrel sait parfaitement que, pour rester libre, il doit travailler dans une certaine économie. Il en est pleinement conscient et n'en tire aucun regret, car c'est sa liberté qui prime. Dans la même veine, j'ai récemment suivi toute la rétrospective d'Hal Ashby. Ses films parlent du sentiment humain. Ce que j'y apprécie, comme dans la Nouvelle Vague d'ailleurs, c'est qu'il s'agit de réalisateurs racontant une histoire, leur histoire tout en étant totalement dans la liberté.

    Philippe Garrel est un homme qui n'a pas dérogé à sa règle, c'est d'ailleurs pour cela qu'il y a une oeuvre forte.

    Vous n'aviez encore jamais travaillé pour Garrel, pourquoi cette rencontre s'est-elle matérialisée pour ce film ?

    Le hasard, s'il existe. Je rencontre son fils Louis dans un festival. A ce moment-là il était en train de jouer la pièce Les Fausses Confidences, mise en scène par Luc Bondy. On parle théâtre, je ne savais d'ailleurs pas à l'époque que lui-même avait fait le Conservatoire, et donc avait une formation classique. C'est alors une belle rencontre, un moment d'échange, comme cela est possible dans n'importe quel endroit. Un mois plus tard peut-être, Louis me demande si je serais intéressée pour faire une lecture pour son père pour éventuellement jouer dans son prochain film. Et comme le dit Stanislas Merhar (ndlr : qui joue également dans L'Ombre des femmes) : "C'est Philippe qui vous dit "Oui", pas vous qui le dites." Il a entièrement raison. Philippe est un poète. Il suffit de le voir pour le sentir. A sa rencontre, on sait que travailler sous sa direction va être un grand bonheur. C'est un homme qui n'a pas dérogé à sa règle, c'est d'ailleurs pour cela qu'il y a une oeuvre forte. Le scénario de L'Ombre est une partition écrite avec de grands auteurs : Jean-Claude Carrière, Arlette Langmann, Caroline Deruas... Après notre rencontre il m'a demandé de faire une lecture avec Stanislas, dans un café plein de monde à 19h30. Pendant ce temps, monsieur Garrel prend des clichés. C'est fabuleux parce qu'on fait très peu du cinéma de cette manière-là aujourd'hui. Je rencontre peu de metteurs en scène procédant ainsi, qui ont cet esprit d'artisan. Avec les clichés, il voit que le couple fonctionnr. Dès lors, pendant 10 semaines, on se retrouve régulièrement. Petit à petit au travers des discussions, il observe, il voit si les mots font corps. "Ouvre ta petite fenêtre", je me souviens encore de cette phrase ! Soit on est dans un univers assez poétique pour comprendre ce genre de phrases, soit on est prêt à entendre ce genre de phrases, c'est-à-dire faire habiter le silence.

    Je ne suis plus du tout la même interprète depuis "L'Ombre des femmes" .

    Une des thématiques de "L'Ombre des femmes" est justement ce "silence". Et c'est à travers lui que se révèlent les sentiments...

    Je ne suis plus du tout la même interprète depuis L'Ombre des femmes. Pourquoi ? Pour la notion du silence justement. C'est très important le silence. Il est habité. Il raconte.

    Le film commence justement par une scène montrant Stanislas Mehrar adossé à un mur, en silence...

    J'adore ce plan de Stanislas contre le mur.

    Le silence est accompagné tout au long, ou presque, du film par un sourire, votre sourire, qui irradie l'écran...

    C'était très important pour moi, mais surtout pour Philippe, que cette femme ne soit pas une victime. Il fallait qu'elle soit nourrie de lumière, de courage et de force inattendue.

    Au-delà de "L'Ombre des femmes", quels sont vos projets ?

    J'ai toujours le spectacle Piaf, l'être intime que j'ai mis en scène et que je fais tourner depuis 2013. Ce sont 11 lettres, une grande correspondance, encore une grande amoureuse, mais totalement différente de Manon (ndlr : son personnage dans L'Ombre des femmes). Je suis accompagnée de l'accordéoniste de jazz Lionel Suarez. Jamais sans être Piaf, ni dans la musique, ni dans le mimétisme, nous essayons de faire partager la femme qu'elle est et non pas tout ce qu'elle aurait incarné pendant des années ou ce qu'on aurait imaginé d'elle.

    Dévoilé à Cannes pendant la Quinzaine des Réalisateurs, "L'Ombre des femmes" sort en salles le mercredi 27 mai :

    Propos recueillis par Thomas Destouches à Paris le 6 mai 2015

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