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    De Hard Eight à Phantom Thread : le cinéma de Paul Thomas Anderson
    Laetitia Ratane
    Laetitia Ratane
    -Responsable éditoriale des rubriques Télé, Infotainment et Streaming
    Très tôt fascinée par le grand écran et très vite accro au petit, Laetitia grandit aux côtés des héros ciné-séries culte des années 80-90. Elle nourrit son goût des autres au contact des génies du drame psychologique, des pépites du cinéma français et... des journalistes passionnés qu’elle encadre.

    A l’occasion de la sortie de "Phantom Thread", pleins feux sur le cinéma de Paul Thomas Anderson, auteur insoumis et réalisateur de génie ...

    Warner Bros. France / Sony Pictures Releasing France/ D.R.

    Un cinéphile sélectif : De Kubrick...

    Au même titre que les héritiers du Nouvel Hollywood, si Paul Thomas Anderson se réapproprie avec autant de finesse les codes du cinéma hollywoodien, c’est parce qu’il les a d’abord intégrés, conservant précieusement ce qui lui semblait essentiel. Nourri de cinéma dès sa plus tendre enfance, il ne cache ainsi pas son admiration pour ces pères spirituels que sont Jonathan Demme, Martin ScorseseRobert Altman et autres Stanley Kubrick.

    Avec ce dernier, il partage le goût de la musique de films, qu'il soigne tout particulièrement depuis qu'Orange mécanique l'y a sensibilisé. On retrouve également l'atmosphère kubrickienne dans la lumière et les angles utilisés par Anderson pour certains plans (notamment dans Punch-drunk love), dans son étude des rapports de soumission et de domination au sein du couple (quand Phantom Thread repense la perversité anxiogène d'Eyes Wide Shut) ainsi que dans son aptitude à aborder des genres et des univers divers en leur imprimant à chaque fois une vision toute personnelle : en témoignent son approche de la comédie romantique avec Punch Drunk Love, influencée par les films de Jacques Tati et de Fred Astaire ou encore sa revisite du western avec There Will Be Blood, nourri du cinéma de John Huston (Le Trésor de la Sierra Madre).

    A Altman...

    Il cite volontiers le cinéma de Max Ophüls (et ses mouvements de caméra), de François Truffaut (pour l’aspect biographique de son œuvre et son amour des acteurs), de Jean-Pierre Melville (Bob le flambeur l’a inspiré pour Hard Eight) ou du collectif de réalisateurs ZAZ (les Y'a t-il un pilote ? ou la série Police Squad notamment pour le cultissime Frank Drebin et les gags à l'arrière-plan ont nourri Inherent Vice ) mais le père spirituel dont Paul Thomas Anderson se réclame le plus est sans nul doute Robert Altman :

    Il n'y a pas moyen d'échapper à son influence. Il est l'une des meilleures choses qui soient arrivées au cinéma", a-t-il déclaré, avant d'ajouter: "À ce jour, je ne pense pas avoir encore digéré tout ce qu'il m'a appris¹.

    Une admiration toute réciproque; Altman ayant reconnu Anderson comme l’un des deux cinéastes les plus intéressants du moment (au même titre que son homonyme Wes). S’il a pu faire écho aux Flambeurs dans Hard Eight, à Un couple parfait pour Punch Drunk Love, au western distancié Buffalo Bill et les Indiens avec There Will Be Blood (qu’il dédie d’ailleurs au cinéaste), le metteur en scène a surtout rendu hommage aux films polyphoniques d'Altman où s’entrecroisent les destins (tels que The Player ou Short Cuts) avec Magnolia.

    Animés de la même ambition, les deux cinéastes ont eu en outre l’occasion de travailler ensemble sur The Last Show, long métrage d’Altman sur lequel Anderson l’a secondé à la réalisation alors qu’il était malade. Son tout dernier opus, Inherent Vice, porté par un Joaquin Phoenix aussi "cool" qu'Elliott Gould, s'inscrit en outre dans la tradition des films noirs dans la veine du Privé, son film de chevet.

    Revivez la scène finale de "Boogie Nights" :  

    En passant par Scorsese, Demme et Hitchcock...

    Faisant immanquablement penser à Martin Scorsese, Paul Thomas Anderson use des longs plans séquences aux travellings majestueux et de la steadycam chère au cinéaste avec la même virtuosité. Ainsi dans Hard Eight, l’ambiance de la salle de jeu fait penser au Casino de ce dernier tandis que dans Boogie Nights, la séquence où William H. Macy tue sa femme et son amant lors d’une soirée, rappelle le rythme de sa mise en scène. De même la scène finale du film s’inscrit comme une référence directe à celle de Raging Bull. "Les gens citent souvent Scorsese en parlant de mes films. J’ai pris il est vrai certaines choses chez lui que lui-même avaient déjà piquées chez Truffaut ou Ophüls", concède Anderson, "mais ma grande influence, niveau style, reste Jonathan Demme. Son influence est tellement profonde que je la régurgite dans mes films. Je contribue ainsi à la reconnaissance de son style."²A propos de Boogie Nights justement, le cinéaste avouera s'être inspiré du Melvin and Howard de ce dernier avant d'attribuer la paternité de ses gros plans, de même que les variations subtiles de lumière à l'image, à son célèbre Silence des agneaux.

    Dans son tout dernier opus, Phantom Thread, c'est l'ombre d'Alfred Hitchcock (dont le nom résonne avec Woodcock) qui investit les lieux :

    Cela faisait longtemps que j'attendais un scénario qui me permettrait de mettre en scène une relation triangulaire du genre de Rebecca, dans une atmosphère excessivement raffinée qui se prêterait à un romantisme macabre.

    Et si les contours énigmatiques du créateur et la silhouette inquiétante et sombre de sa soeur (impressionnante Lesley Manville) ne sont pas sans rappeler les héros de la romance hitchcockienne, l'ambiance thriller passionné teinté de soupçons, fait clairement références aux Sueurs Froides qui, chez le maître du suspense, ont toujours eu Fenêtre sur cour.

    ¹ Magazine Studio n°185 / Magazine Ciné Live, n° 121, mars 2008.

    ² DVD Boogie Nights : commentaire audio du réalisateur et des acteurs

    Découvrez l'univers référencé de "Phantom Thread":

     

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