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    Reed Hastings: "Le premier objectif de Netflix est d'atteindre les 10% de foyers français"

    La plateforme de streaming américaine Netflix vient de débarquer en France. Rencontre avec son co-fondateur eta ctuel P-DG Reed Hastings, entre stratégie, philosophie de management et coups de coeur de spectateur !

    Netflix

    Reed Hastings, co-fondateur et actuel P-DG de Netflix, était de passage à Paris ce lundi 15 septembre pour le lancement officiel en France du géant américain du streaming. Pour l'occasion, l'homme d'affaires de 53 ans était accompagné de Ted Sarandos (en charge du catalogue de séries et de films de la plateforme) et de Neil Hunt (le directeur technique). AlloCine a rencontré les trois dirigeants...

    => Lire notre interview de Ted Sarandos, alias "Monsieur Catalogue" de Netflix

    => Notre interview de Neil Hunt, le directeur technique de la plateforme

    Trois interviews pour trois thématiques fortes... A découvrir au fur et à mesure sur AlloCine !

    AlloCine : Dans un article du New York Times en 2006, vous citez ce proverbe : "Ceux qui pensent qu'on ne peut pas le faire devraient s'ôter du chemin de ceux qui y croient." Pourquoi avoir retenu cette phrase ?

    Reed Hastings : Je suis curieux. Selon moi, il faut l'être. Comprendre comment ça marche, pourquoi et, surtout, définir les moyens d'améliorer un service, un site, une plateforme... Au fil de votre vie, de nombreuses personnes vous diront que telle chose ne peut être accomplie. Ils auront parfois raison. Et parfois non. Cette phrase est davantage une morale tournée vers la curiosité. Un message insistant sur le fait qu'il faut toujours explorer.

    Depuis les toutes premières rumeurs de l'arrivée de Netflix en France, il y a eu beaucoup de discussions. Des choses positives et négatives ont été dites. Au final, le débat s'est cristallisé superficiellement autour de cette formule : "Netflix est-elle une évolution ou une révolution ?" Pour vous, Reed Hastings, qui avez forcément étudié le marché français, l'arrivée de Netflix représente quoi au final ?

    Le public français a désormais pleinement adopté le système de "visionnage à la demande." Il a intégré cet usage, le fait de ne plus regarder une série selon un calendrier imposé. Il ne veut plus regarder un film à une heure donnée mais quand ça l'arrange. Le "visionnage à la demande" répond précisément à cette attente. Netflix est un "type" de VOD qui tend vers une dimension supplémentaire.

    Vous avez annoncé des objectifs très clairs pour l'expansion de Netflix en France. Un tiers des foyers français à horizon 5-10 ans. Votre point d'équilibre étant fixé à 10% des foyers...

    Le point d'équilibre diffère selon les marchés. En arrivant à 10% des foyers nous pouvons commencer à viser le bénéfice. Ce point d'équilibre est aussi dépendant d'autres facteurs internes mais 10% est un objectif lisible pour nous en France.

    Dans le cadre de l'expansion de Netflix en France, le point d'équilibre se situe à 10% des foyers.

    Pour chaque pays dans lequel Netflix s'implante, c'est une autre histoire, une culture différente. En quoi le marché français est-il spécifique ?

    La France est plus passionnée par la Culture que n'importe quel autre pays. L'état de la production cinématographique en Italie ou en Espagne est complètement différent. Peu de films y sont produits. La France a plus ou moins 200 longs-métrages par an ! Vous avez un immense engagement culturel lié au cinéma. De mon point de vue, c'est formidable. Là réside la principale différence. Votre attachement culturel au cinéma.

    Quel est votre film français préféré d'ailleurs ?

    Intouchables est sans doute le film français qui m'a le plus touché ces trois dernières années. Je citerais aussi Cloclo, que nous avons vu ce week-end à la télévision française. C'est beau, prenant, cette histoire est formidable.

    StudioCanal / Gaumont Distribution

    Un film réalisé par Florent Emilio Siri, qui va travailler pour vous sur la série "Marseille". Pourquoi avoir choisi ce projet pour votre première série française ?

    C'est une bonne intrigue, très prometteuse. C'est aussi un drame familial ancré dans la situation politique marseillaise. Nous avions beaucoup aimé le travail de Dan Franck sur Carlos. Le producteur Pascal Breton, l'équipe... Tout cela nous a donné la confiance suffisante pour parier là-dessus.

    Avant Netflix, vous avez créé une autre société, Pure Software. Avec le recul, vous avez dit que c'était une "bonne mauvaise expérience". Vous avez appris des choses à ne pas reproduire justement avec Netflix...

    Tout avait bien commencé avec Pure Software. Et plus nous sommes devenus "gros", plus ça s'est gâté. Neil Hunt, notre directeur technique chez Netflix, était déjà à mes côtés. Et il pourra vous en dire un peu plus justement... (Rire) Et précisement peut-être sur le trop grand nombre de règles que nous avions établies à l'époque. Avec Netflix, nous avons essayé d'aborder ces problèmes différemment.

    Vous avez co-créé Netflix en 1997. A l'époque, il s'agissait d'un nouveau type de vidéoclub. Mais d'un vidéoclub malgré tout. A quel moment avez-vous compris que vous pouviez changer de système ?

    Dès le début. Et c'est aussi pour cela que nous n'avons pas baptisé notre société "DVDparcourrier.com" ! (Rire) Nous étions conscients de la montée en puissance irrémédiable d'Internet et de l'augmentation de la vitesse de connexion. Nous savions qu'à terme il serait possible de diffuser des films et des séries sur Internet. Nous ne savions pas quand ce serait possible. Simplement que ça le serait à terme. Dans les faits, cela s'est produit plus ou moins 10 ans plus tard. C'est donc en 2007 que nous avons réalisé le premier streaming.

    Nous avons une "philosophie" de travail à Netflix, fondée sur le double principe de "liberté" et "responsabilité".

    A quel moment avez-vous pris conscience que Netflix allait devenir un peu plus qu'une "simple" société de streaming ? Et qu'il fallait aussi la "présenter" différemment...

    Le propre d'une société comme Netflix est de s'adresser aux utilisateurs. De faire en sorte que le site soit facile d'utilisation, clair, ergonomique. Mais une société, c'est aussi ceux qui la composent et comment elle est organisée. Nous avons une "philosophie" de travail à Netflix, fondée sur la "liberté" et la "responsabilité". Il faut faire du très bon travail mais surtout créer les conditions pour que les employés se dépassent d'eux-mêmes plutôt que d'avoir un manager chargé de les pousser sans arrêt.

    Vous avez fait évoluer le paysage de la vidéo à la demande aux Etats-Unis. Vous êtes le visage de Netflix. Avez-vous des modèles fondateurs ?

    Pas vraiment une personne. J'ai le sentiment d'apprendre chaque jour, de personnes différentes, et surtout lorsqu'il s'agit de pure technologie. Je suis par exemple au comité de Facebook. Je peux donc voir Mark Zuckerberg au travail. J'ai siégé également chez Microsoft, j'ai donc pu observer Bill Gates et Steve Ballmer. Être un observateur de la société et réfléchir à l'Histoire permet aussi d'avancer.

    Quelle est la prochaine étape pour Netflix ?

    Nous essayons de mener un développement mondial. Et dans chaque pays nous essayons d'avoir une stratégie spécifique. Si Marseille a du succès ici, nous espérons aussi qu'elle aura du succès ailleurs dans le monde, parce que la série sera disponible partout sur Netflix. Nous voulons rendre Marseille palpable dans l'imagination de tout le monde. Pas seulement en France. A l'heure actuelle, nous ne sommes présents que dans une partie de l'Europe, en Amérique du Nord et du Sud. Il nous reste beaucoup de chemin à parcourir : dans le Sud et l'Est de l'Europe et bien évidemment en Asie. Netflix a aussi cette capacité à rendre disponible de l'entertainment partout dans le monde, quels que soient les goûts de chacun. Chaque personne est unique et nous essayons d'apporter un divertissement approprié, sachant qu'on peut se distraire différemment : avec une série, un documentaire...

    Avez-vous redécouvert dans votre propre catalogue un film ou une série que vous regardiez étant petit ?

    Pas vraiment. Aussi parce que je suis naturellement plus porté vers les nouveaux contenus, les séries plus récentes.

    L'arrivée de Netflix a eu aussi des conséquences sur le marché français. La concurrence organise une riposte à votre débarquement. Avez-vous regardé leurs réponses ?

    Canal+ est énorme et puissante. Le simple fait qu'ils citent Netflix est, à mes yeux, incroyable. C'est aussi flatteur qu'effrayant. Aux Etats-Unis, notre principal concurrent se nomme HBO. Nous sommes des compétiteurs et cette émulation nous permet de devenir chacun de notre côté meilleurs. Notre croissance correspond aussi à une croissance de HBO. Et nous pensons qu'il va se passer la même chose ici avec Canal+.

    Le simple fait que Canal+ mentionne Netflix est, à mes yeux, incroyable.

    Cela fait plusieurs saisons que vos séries sont nommées aux Emmy Awards. Sans jamais recevoir la statuette suprême, tant en comédie que dans la catégorie des dramas. Est-ce que vous courez après cette récompense ?

    Nous avons remporté quelques Emmys mais pas les deux principales récompenses, c'est vrai. On ne peut pas prédire les résultats, d'autant qu'il existe beaucoup d'excellentes séries. Est-ce que House of Cards est meilleure que Breaking Bad ? Elles sont toutes les deux formidables...

    Mais est-ce un objectif pour vous d'obtenir ces récompenses ? Un symbole de la réussite dans la programmation originale...

    Pour nous, la nomination est déjà une belle reconnaissance.

    Je vais reprendre la citation du début d'interview : "Ceux qui pensent qu'on ne peut pas le faire devraient s'ôter du chemin de ceux qui y croient.". Avez-vous peur de devenir un jour cette personne qui bloque le progrès ?

    Bien sûr ! Le succès présente un danger : celui de ne pas voir la prochaine grande innovation. Il faut rester très à l'écoute de ce qui se passe dans notre secteur. La réalité virtuelle, les nouvelles formes de narration, l'ultra haute-définition... Rester à l'écoute de ce qui se fait afin de maintenir Netflix en tête et de l'adapter encore et toujours à ce que veulent les abonnés.

    Propos recueillis par Thomas Destouches à Paris le Lundi 15 septembre 2014

    La bande-annonce d'"Orange is the New Black", le "gros" titre du catalogue Séries de Netflix :

     

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