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    Vincent Mariette : "Tristesse Club est davantage nourri de références anglo-saxonnes que françaises..."
    Laetitia Ratane
    Laetitia Ratane
    -Responsable éditoriale des rubriques Télé, Infotainment et Streaming
    Très tôt fascinée par le grand écran et très vite accro au petit, Laetitia grandit aux côtés des héros ciné-séries culte des années 80-90. Elle nourrit son goût des autres au contact des génies du drame psychologique, des pépites du cinéma français et... des journalistes passionnés qu’elle encadre.

    Mélancolique, comique, insolite, "Tristesse Club" est une comédie dramatique portée par Ludivine Sagnier, Vincent Macaigne et Laurent Lafitte. Rencontre avec son réalisateur prometteur, Vincent Mariette.

    Haut et Court
    Je me suis donné l'autorisation d'écrire après avoir été accepté à la Fémis...

    Vincent Mariette : Au lycée, je m'intéressais au cinéma sans être ultra pointu. J'ai suivi des cours d'Histoire mais je ne voulais pas enseigner.  Ma mère étant prof, je connaissais le métier et je voulais d'autre chose. Parallèlement à cela, je devenais de plus en plus cinéphile. Par hasard, j'ai intégré une sorte de fanzine de l'université de Nanterre et j'ai croisé des mecs qui faisaient des films entre eux. Cela me plaisait. Peu à peu, la seule solution qui s'imposait à moi, c'était de faire la Fémis. Je l'ai faite en section scénario et je me suis donné l'autorisation d'écrire à ce moment-là. De même je me suis permis de faire des films parce que j'avais été accepté dans cette école. Si ça n'avait pas été le cas, je n'aurais sans doute rien fait... C'est bête mais je n'aurais pas osé.

    Quand je suis rentré à la Fémis, Céline Sciamma en sortait. Nous nous connaissons un peu car nous avons un très bon ami commun. De même Rebecca Zlotowski. Je trouve leurs films bons et je suis impressionné par leur parcours mais nous proposons un cinéma différent. Je ne me sens pas appartenir à une génération. A la Fémis, on écrit tout le temps, des scénarios de commandes de longs et courts métrages, on se trouve une méthode soi-même, seul, et on fait des rencontres.

    Mon court métrage nommé aux César m'a conforté dans l'idée que je pouvais continuer.

    J'aime toutes les étapes de la fabrication d'un film, tout est plaisir pour moi. Tristesse Club est né d'un travail de fin d'études que j'avais écrit très vite, avec l'envie de le réaliser. Mes courts métrages ont été faits après, un par an depuis ma sortie de l'école, entre les réécritures et les demandes de financements de mon long métrage.

    Mon court métrage Les Lézards nommé aux César ? C'était flatteur car cela voulait dire que les gens aimait mon travail. Je ne sais pas qui détermine ces choix, ni comment mais disons que ma mère a été heureuse de voir son fils à la télé et que moi j'ai été rassuré, conforté dans l'idée que je pouvais continuer.

    Kazak Productions
    Vincent Macaigne a une puissance de jeu assez phénoménale !

    Vincent Macaigne a fait un court métrage nommé aussi aux César qui s'intitule Ce qu'il restera de nous, qui a été produit par les mêmes producteurs que le mien. On s'est donc croisé dans les locaux de cette boîte. Au Festival de Clermont-Ferrand, je présentais l'un de mes courts et lui celui-là. Nous avons sympathisé. Je lui ai proposé Les Lézards. Il a accepté et nous sommes devenus copains. Il est "à part" par son phrasé, sa gestuelle. Beaucoup de gens ont envie de le filmer, la preuve ! Il a aussi une puissance de jeu qui est assez phénoménale. Au-delà de ce qu'il est, c'est impressionnant de travailler avec lui. Sur Les Lézards, ça a été une révélation de voir avec quelle subtilité il peut prendre des directions différentes.

    Le travail avec les acteurs, c'est une histoire de musique. J'ai la mienne en tête et eux m'apportent la leur. On choisit ensuite une direction. Avec Vincent, Ludivine Sagnier et Laurent Laffitte sur Tristesse Club, il y a eu de l'improvisation. C'est lorsque le projet s'est affiné que nous avons, avec ma directrice de casting, cherché un trio cohérent, équilibré et celui-là est le premier qui nous est venu en tête. On a eu de la chance, ils ont été d'accord! J'aimais Ludivine dans Pieds nus sur les limaces ou Gouttes d'eau sur pierre brûlante. Laurent, je le connais du théâtre surtout où il joue beaucoup de choses. Au cinéma, il est plus rare de le voir dans des rôles de salaud.

    En France, en terme d'influences, je considère que je suis nulle part.

    J'essaie de faire les films que j'ai envie de voir sans réfléchir en terme de genre. Il y a une part de comédie dans Tristesse Club, mais le film n'est pas que ça. Quand je réalise, je suis bizarrement influencé davantage par les Anglo-Saxons que par les Français. Je pense à des films tels que ceux de Noah Baumbach parmi les cinéastes contemporains ou ceux de Robert AltmanHal Ashby ou Peter Bogdanovich parmi les plus anciens. Je me construis en fonction de ces référents-là.

    En France, je ne me positionne pas. Je considère que je suis nulle part ou alors c'est à vous de me le dire car je ne sais pas. J'avais en tête peut-être en faisant ce film, Le Plein de Super d'Alain Cavalier. On me parle aussi souvent de Bertrand Blier... J'aimais beaucoup ses films des années 70 notamment Préparez vos mouchoirs mais Tristesse Club n'en est pas nourri.

    Haut et Court
    "Tristesse Club" est un titre qui sonne comme un mot de passe...

    La référence picturale de Tristesse Club, pour moi et pour mon chef opérateur, était Harold et Maude. On voulait lui donner une direction automnale, même si on a tourné l'été. Ce titre sonne un peu comme un mot de passe. Le film parle de mort tout le temps, c'est un deuil avant tout, mais c'est plus léger que ça. Les thèmes que j'aborde sont en partie personnels, cathartiques. La question de l'amitié, de la masculinité me touche dans la difficulté qu'elle montre à accoucher de sentiments.

    Lorsque les deux frères se réunissent, j'avais envie qu'on ait l'impression de passer dans une dimension un peu bizarre, quelque chose comme l'autre côté du miroir. Je voulais un bloc d'espace-temps qui ne soit pas la vraie vie, pas la vraie France. Comme les questions de l'enfance et des réminiscences étaient très importantes, je voulais créer quelque chose qui soit comme une parenthèse, avec des questionnements passés, des séquences irréalistes, une certaine intemporalité. Je tenais à casser l'ordre de la réalité et surtout ne pas faire de sociologie. Donc mettre en scène des espaces vides que je ne voulais pas marquer par quelque chose de contemporain pour que les questionnements des personnages soient plus prégnants.

    La réception critique de son propre film est quelque chose de violent.

    La réception critique de son propre film, c'est violent. Ces jugements sont pour ou contre soi... J'ai envie d'être aimé et que mes choses plaisent, c'est normal. En lisant des critiques dures, je me dis que j'ai râté mon coup, que les gens n'ont pas compris ce que je voulais faire. Pour mon prochain projet, j'ai déjà un synopsis. J'aime aussi écrire pour d'autres. Je suis en attente à ce sujet...

    Propos recueillis le 7 mai 2014 à Paris.

    La bande-annonce de "Tristesse Club"

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