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    Riad Sattouf : "L'égalité entre les filles et les garçons est, selon moi, le sujet du XXIème siècle."

    La nouvelle comédie de Riad Sattouf, "Jacky au royaume des filles" sort ce mercredi sur nos écrans. AlloCiné a rencontré le metteur en scène qui nous parle des thèmes de son film, de l'égalité entre les hommes et les femmes, des voileries et de "Pascal Brutal"... Rencontre !

    © Mila Deth / AlloCiné

    AlloCiné : "Jacky au royaume des filles" s'inspire du cadre d'une histoire courte de "Pascal Brutal" publiée en 2006, "Pascal Brutal en Belgique". Qu’est-ce qui vous a donné envie, pour votre second long métrage, de faire ce film ?

    Riad Sattouf: Comme Les Beaux gosses avait eu un succès, un peu inattendu, j’ai eu la possibilité de faire un second film, et je me suis dit que c’était le moment parfait, après un succès, de faire un film étrange, dans un style un peu différent de ce que j’ai pu faire auparavant. Tenter quelque chose d’un peu expérimental tout en restant dans le domaine de la comédie grinçante, et c’était le moment de faire ce film. Je ne pense pas que j’aurais pu le faire en premier film.

    AlloCiné : Le film est une relecture du conte de "Cendrillon". Vous dites que quand on vous a lu Cendrillon pour la première fois vous vous êtes demandé pourquoi elle était si soumise. Pensez-vous que ces contes ont contribué à créer une société patriarcale dans laquelle les filles doivent se soumettre à l’autorité ?

    Riad Sattouf: Oui, les contes aident beaucoup...

    Mais ce n'est pas la faute des contes, les contes ont été générés par la société patriarcale pour en promouvoir l'idéologie. C'est connu, je n'invente rien... Par exemple Meryl Streep, il y a peu de temps, se moquait du sexisme des dessins animés Disney. (Lire l’article)

    Les histoires pour enfant participent évidemment à la propagation de l'idée de domination masculine. L’anthropologue Françoise Héritier a d’ailleurs écrit des livres géniaux sur ce sujet et sur le conditionnement culturel des petites filles. Elle explique que si les filles peuvent parfois avoir l’impression d’avoir des performances physiques moindres que celles des garçons, c’est parce que les filles qui ne sont pas très fortes ont été valorisées dans nos sociétés par rapport aux filles fortes.

    Par exemple, moi en tant que garçon, je peux avoir le sentiment d’être physiquement supérieur à une fille, alors qu’en fait ce n’est pas forcément le cas, je suis certain qu’il y a plein de filles qui, si elles avaient été éduquées comme les petits garçons, pourraient écraser la gueule à un mec hyper facilement. Je ne comprends pas par exemple pourquoi les équipes de football ne sont pas mixtes, pourquoi l'équipe de France n'est pas mixte ?

    © Kate Barry

    C’est pour cette raison que vous avez décidé d’inverser les rôles dans le film ?

    Ce qui me plaît beaucoup - à l’instar d’ailleurs de Pascal Brutal - c’est de ridiculiser la virilité, ridiculiser l’esprit de compétition, la force avant tout,… J’ai un grand plaisir à faire ça.

    Dans Pascal Brutal, par exemple, mon héros est une sorte d’abrutit ultra viril, et pourtant tout le monde le trouve super, … j’adore ça.

    Dans Jacky au royaume des filles, ce qui m’amuse c’est à la fois de me moquer des garçons qui pour le coup sont soumis, et de me moquer des références viriles à travers les totalitarismes familiaux, politiques, religieux, langagiers, mais aussi dans le cinéma, les scènes d'action, les péripéties...

    Je veux juste penser que quand je serai vieux, on puisse dire "mon dieu il montre ce qui se passait à cette époque, c'était vraiment comme ça !"

    Ça me semble être un sujet important à aborder, cette recherche de l'égalité entre les filles et les garçons sur terre. C’est, selon moi, le sujet du XXIème siècle.

    Ce qui est marquant dans le film c’est qu’il y a de véritables scènes dramatiques (harcèlement, viol,… ) pourtant ces scènes ont fait rire les spectateurs dans la salle… Un viol de femme au cinéma ne fait rire personne mais est presque devenu banal, tandis que celui d’un homme fait sourire. D’ailleurs on peut se demander ce qui est pire, la banalité du viol féminin ou l’hilarité générale d’un viol masculin… Comment expliquez-vous que ces scènes fassent rire le public quand on inverse les rôles ?

    Ça me fait plaisir que vous en parliez parce que c’est exactement ce que je voulais montrer.

    On rigole et puis on se demande pourquoi on rit de ces scènes qui en temps normal ne nous font pas du tout rire.

    J'aime beaucoup essayer de mettre mal à l'aise par le rire, qu'on se pose des questions sur le "droit de rire". Dans Les Beaux gosses, un des profs se suicide devant ses élèves. Cela mettait aussi mal à l'aise beaucoup de monde...

    Cette inversion des rôles suscite des questions parce qu’on réfléchit à tous les rapports qu’on entretient les uns avec les autres. Tout est inversé. Je pense que pour comprendre le film il faut sortir des schémas dans lesquels on a l’habitude d’évoluer, celui d’un homme fort ou d’une fille faible. Et j’aime que le spectateur ne fasse pas que rire, mais qu’il se pose également des questions. Ce que j’adore c’est provoquer un rire jaune, un rire de malaise...

    Donc mettre les spectateurs de mon film dans des positions dans lesquelles je peux me retrouver parfois dans le monde réel, par rapport à l'interprétation de certaines situation m’amuse. Je trouve ça marrant de les forcer à ressentir ça.

    "J’ai créé une religion de zéro comme ça personne ne peut dire que j’attaque leur religion !"

    N’avez-vous pas peur que le côté religieux du film soit mal interprété ?

    Le fait d’avoir mis des voileries aux personnages évidement fait penser - parce qu’on est en France et que c’est un sujet important - au voile musulman, mais par exemple c’est un costume qui est également très proche des costumes des bonnes sœurs, et les couleurs font penser aux vêtements bouddhistes.

    C'est une "voilerie", c'est un costume qui est spécifique à mon film. Il n'existe pas sur terre. J’ai voulu mélanger toutes les croyances, d’ailleurs les croyances dans le film n’ont pas grand-chose à voir avec une religion en particulier: ils sont animistes, ils pensent que les poneys sont télépathes, prient, croient en l'au-delà…

    C’est aussi une manière de me moquer de la bigoterie et de la superstition. Je ne suis pas du tout croyant, je pense que le futur de l’humanité n’est pas religieux du tout, et j’aime bien me moquer de cette façon de croire qu’il y a des forces paranormales au-dessus de nous qui ne font, en général, que profiter à quelques personnes.

    J’ai créé une religion de zéro comme ça personne ne peut me dire que j’attaque leur religion !

    © Kate Barry

    Comment les acteurs ont-ils réagi à la lecture du scénario ?

    Je n’avais aucun nom d’acteur en tête au moment de l’écriture excepté peut-être Vincent Lacoste, Anthony Sonigo et William Lebghil. Eux l’ont plutôt bien pris.

    Le premier jour de la répétition quand Vincent, Anthony et Didier Bourdon ont mis les voileries ça leur a fait un choc, au début ils étaient morts de rire et n’arrivaient pas à faire un mouvement sans que les autres se moquent, et puis peu à peu on s’est habitués et quelques mois plus tard ils fumaient dehors en voilerie comme si de rien n’était.

    Pour Charlotte Gainsbourg, c’est arrivé après. C’est la productrice qui m’a suggéré son nom.

    C’est vrai que je n’y avais pas pensé immédiatement, c’est idiot, je l'admire beaucoup, mais je ne l’imaginais pas accepter de jouer dans un de mes films, je la voyais dans une autre dimension. Mais quand on a parlé de Charlotte je me suis dit qu’elle serait parfaite.

    J’aime bien quand les acteurs ne sont pas si éloignés de leur rôle. Et c’est le cas ici, Charlotte, quelque part est une héritière, elle a réussi à s'imposer alors que cela n'a pas du être spécialement évident, par rapport à une tradition d'excellence familiale. Elle était assez proche, dans l'esprit, de mon personnage...

    Je trouvais amusant qu’elle puisse jouer un "Prince Charmant".

    Propos recueillis le 13 janvier à Paris par Laëtitia Forhan – Photos Mila Deth / AlloCiné

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    La bande-annonce

    Jacky au royaume des filles

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