Le moins que l'on puisse dire, c'est que le moment était très attendu. Le rapport Lescure sur l'adaptation des politiques culturelles au numérique, remis ce matin à François Hollande ainsi qu'à Aurélie Filippetti, propose de taxer les smartphones pour financer les contenus, de supprimer l'Hadopi, chargée de lutter contre le téléchargement illégal, et d'assouplir la chronologie des médias, selon une source proche du dossier.
Parmi les dispositifs prévus par la mission Lescure, il s'agit de "mettre à contribution les fabricants et importateurs d'appareils connectés" pour financer la création de contenus culturels. Les fabricants et distributeurs d'ordinateurs, smartphones, tablettes, téléviseurs connectés et consoles seraient taxés pour compenser le transfert de valeur des contenus, auxquels le consommateur a pris l'habitude d'accéder gratuitement, vers les matériels, souvent acheté à des prix élevés. En fonction de l'évolution des usages, le rapport prévoit également de fusionner ou de remplacer la taxe sur la copie privée, une rémunération perçue par les ayants-droit sur le matériel servant à copier légalement des contenus. Une taxe qui est d'ailleurs vigoureusement contestée par les fabricants et les distributeurs.
Dans son rapport, l'actuel directeur du Théâtre de Marigny propose également d'assouplir la chronologie des médias, mécanisme destiné à protéger les salles de cinéma des autres canaux de diffusion. Ainsi, par exemple, un film ne peut être proposé sur les services de vidéo à la demande (VàD) que 36 mois après sa sortie en salles. Ce délai pourrait être avancé à 18 mois pour les services de VàD.
La suppression de la HADOPI pour un contrôle par le CSA : un remède pire que le mal ?
Autre solution proposée par Pierre Lescure : la suppression de l'Hadopi pour réattribuer ses compétences, dont le mécanisme dit de "la réponse graduée", au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) qui deviendrait le "régulateur de l'offre culturelle numérique" avec un champ de compétence élargi. Particulièrement critiquée dans l'éventail de sanctions de l'Hadopi, la peine de suspension de l'abonnement à internet serait abrogée. Il faut bien comprendre : la riposte graduée n'est pas supprimée, mais simplement réaffectée au CSA.
Et certains, à l'image du site Numerama avec un billet intitulé "Hadopi est mort, vive les amendes du CSA !", estiment déjà que le remède est pire que le mal. La sanction jamais appliquée de la suspension de l'accès à internet devrait en effet être remplacée par un système d'amendes automatisées. "Selon les souhaits régulièrement émis par les ayants droit, il pourrait être de 140 euros par infraction constatée [NDR: le rapport préconise une somme forfaitaire de 60 €, majorée en cas de récidive ]. Sur le papier, la riposte graduée sera donc adoucie pour qui ne regarde que la peine maximale encourue. Dans les faits, si le Conseil constitutionnel autorise la mise en place d'un tel système de radars sur les autoroutes du P2P, la riposte gradée version CSA sera bien plus redoutable que l'actuelle, qui n'a abouti qu'à une toute petite poignée de condamnations en trois ans" explique le site Numerama.
Vous pouvez télécharger l'intégralité du rapport ici
OP avec AFP et Numerama