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Dans Person of Interest, Taraji P. Henson interprète Carter, une détective intègre dont le chemin va croiser celui du mystérieux homme au costume, celui que, nous téléspectateurs, connaissons sous le nom de Reese (Jim Caviezel). Pourtant, au départ, celle qu'on a notamment pu voir dans L'Etrange histoire de Benjamin Button n'était pas prête à s'engager à la télévision... Entretien à New York sur le tournage de la saison 2 avec une actrice aussi lumineuse que pleine de vie.
Qu'est-ce qui vous a tout de suite séduite dans "Person of Interest" ?
Taraji P. Henson : Le fait que Jonathan Nolan m'appelle (rires) ! J'avais le script mais à ce moment-là, je n'étais pas intéressée par la perspective de faire une série. Il était donc resté là en attente avec d'autres scripts... Je pense que je ne devais pas lire assez rapidement puisqu'il m'a appelée (rires). Il m'a demandé si j'avais bien eu le script et, en gros, il m'a fait la cour... Ca a été une vraie lettre d'amour, il m'a dit qu'il adorerait travailler avec moi, qu'il avait vu tous mes films, que j'étais géniale, qu'il voulait écrire pour moi... Bing ! J'ai donc dis : "Ok ! Je vais le faire !" Ce n'est pas tous les jours qu'un scénariste de ce calibre vous appelle et vous dit qu'il veut écrire pour vous. Il m'a eue dès son "bonjour" (rires).
Pourquoi ne vouliez-vous pas jouer dans une série ?
La télévision, c'est juste un rythme différent de celui du cinéma. Et en plus de cela, c'est un peu effrayant et intimidant, car on n'a pas une prise complète sur son personnage. Une saison dure longtemps et ils écrivent et créent au fur et à mesure [de la diffusion]. Alors que dans un script de film, vous avez vos 100 pages ou plus. Vous avez le début, le milieu et la fin et toutes les informations dont vous avez besoin pour créer en profondeur votre personnage. Tout est là. Et pour les films, on dispose de plus de temps. En une journée, on peut ne tourner qu'une scène ou trois pages. En télévision, c'est 12 pages et 10 scènes et tout est (elle tape dans ses mains) : "Vite, allez, vite !" Ahhhh ! (rires). Sans oublier que vous ne savez pas tout sur votre personnage, tout ce que vous voudriez savoir. On peut lui avoir imaginé une profondeur, une incroyable histoire et puis le script arrive et là, vous lisez : "Donc, mon personnage était un homme avant. Ok. Bon ben, laissez-moi repartir de zéro." (Rires). Vous ne savez pas... Vous ne savez jamais. Il faut simplement faire confiance aux scénaristes et, heureusement, les nôtres sont fantastiques.
Vous êtes donc contente du développement qu'ils ont réservé à Carter ?
Oh oui. Je trouve qu'ils font un travail fantastique. Ils continuent à nous laisser deviner les choses. En tout cas, ils continuent de me laisser m'interroger. Je ne savais pas que mon personnage avait un fils avant de recevoir le script [de l'épisode en question]. J'étais comme ça : "Quoi ? Elle a un fils ??" Bon, je ne sais toujours pas qui est le père, mais j'imagine qu'on le saura un jour (rires).
On voit sa photo à un moment...
Mais, on ne sait pas si c'est bien le père ! Je ne sais toujours pas qui c'est (rires) ! Ils ne veulent pas me le dire. Je leur demande des fois : "c'est lui le père du petit ?" Et ils me regardent sans rien dire... "Non mais vraiment, vous n'allez pas me le dire !" Ils ne savent pas. Enfin si, ils savent mais ils ne veulent pas ME le dire !
Mais c'est vrai que c'est aussi ce genre de détails qui rendent la série passionnante. Il y a un côté procédural, il y a une formule mais il y a énormément de fils rouges, de secrets à révéler, de flashbacks...
C'est une série très imprévisible. On ne sait pas où chaque épisode va nous amener. Ce n'est pas aussi simple que ça, on ne trouve pas juste un corps et après on se contente de trouver qui est le meurtrier. C'est tellement compliqué, très riche, il y a tellement de couches et ils les dévoilent tout doucement... Vous ne savez pas ce qui va se passer et personne n'est en sécurité. Vous ne savez pas si vous sauvez le gentil ou si vous sauvez le méchant. Vous ne savez pas. Et je pense que c'est ce qui est si fascinant pour le public. Dans tellement de séries, on sait exactement ce qu'il va se passer à la fin. Avec celle-ci, vous ne savez pas.
C'est ce qui s'est passé avec l'épisode centré sur Elias...
Oui ! Oui ! Et au premier abord, il ressemble à un innocent petit prof qui ne ferait pas de mal à une mouche ! Hum. Ouais. C'est le boss de la mafia le mec ! (rires) C'est tellement imprévisible.
Très logiquement, les affaires que traitent Resse et Finch sont les mêmes que Carter...
La plupart du temps, ils obtiennent leurs informations avant que nous les ayons. Le problème qu'elle a désormais - même si elle sait qu'ils sauvent des vies - c'est qu'elle voudrait comprendre d'où ils tirent leurs informations. "Vous me sortez une affaire qui va se produire avant même qu'elle se produise. Comment c'est possible ?" Bien évidemment, ils ne peuvent pas lui dire. Désormais, cela va au-delà d'attraper l'homme en costume, maintenant c'est plus : "Ok, mec au costume, tu les as où ces renseignements ?" (rires). Alors, la plupart du temps, lorsqu'ils ont un nombre et qu'ils l'appellent pour qu'elle regarde un peu son dossier, elle ne sait pas encore si quelque chose de mal va se produire, car ils ne lui disent pas encore.
spoiler: Et maintenant, les scénaristes ont encore plus compliqué les choses... Mais, en même temps, Reese et Finch ne peuvent pas me le dire, ils ne peuvent le dire à personne car qu'est-ce qui se passerait si ces infos tombaient dans les mains des mauvaises personnes ? Finch a construit cette machine en faisant en sorte que même lui ne puisse pas retourner y fouiner. Il s'est enfermé exprès à l'extérieur dans l'hypothèse où si quelqu'un apprenait l'existence de la machine et que ce quelqu'un fasse le lien avec lui, le kidnappe et le batte à mort, il ne pourra pas dire comment accéder à la machine. C'est brillant en un sens, mais aussi très flippant...
Dans la série, Carter est sûrement le personnage le plus droit, le plus constant, le plus honnête.
Qu'est-ce qui change pour elle lorsque l'homme en costume entre dans sa vie ?
Ca fait vaciller tout son monde. Elle était habituée à appliquer la loi telle quelle, dans les règles. A se battre pour la justice comme la loi l'exige. Et arrive ce mec qui, en gros, fait la même chose qu'elle, mais pas dans les règles. Et là, elle se dit : "Hmm, vous les mecs, vous enfreignez tout un tas de lois, vous écrasez ma ville, vous tuez des gens, vous brûlez des trucs et ça, c'est pas cool. (Rires) Mais qu'est-ce que vous faites ?" Même si elle sait que ce qu'ils font est bien, qu'ils sauvent des vies par tous les moyens nécessaires, elle est sans cesse dans cet équilibre fragile entre le "c'est tellement mal" et le "c'est la chose juste à faire". En gros, l'homme en costume, c'est un peu le poison de son existence (rires). Mais dans un bon sens ! Parfois, il faut un peu contourner les lois pour pouvoir faire le bien. Et c'est ce qu'elle apprend au fur et à mesure.
On dirait aussi qu'elle décèle quelque chose chez Reese, quelque chose de bien...
Elle sait que c'est un homme bien. Elle sait que derrière tout ça se cache un homme bien, un homme blessé. Elle voit sa douleur. C'est ce qui se passe lorsqu'on commence à nouer des liens avec quelqu'un, lorsqu'on commence une amitié, on apprend à voir qui cette personne est, à voir qui se cache derrière le masque et, ici, derrière le costume. En l'aidant, et même avant, en le poursuivant, en le chassant, elle en apprend beaucoup sur son passé et je pense qu'une bonne partie d'elle-même s'identifie aux luttes qu'il a vécues, celles des anciens soldats, et à ce que cela signifie de rentrer chez soi après avoir vu tellement d'horreurs, la face sombre et terrible de l'être humain. Ca vous fait quelque chose. Et ensuite, vous devez revenir à la société et vous essayez de vous intégrer, de vivre normalement après avoir vu tout ça. Elle s'identifie à tout ça, car elle a servi en Irak. Etre soldat, c'est comme être flic. Flic un jour, flic toujours. Soldat un jour, soldat toujours. A la base, quand elle le rencontre, elle voit un mec blessé qui a besoin d'aide et lorsqu'elle commence à le pourchasser et à en apprendre plus sur lui, elle devient très attachée à lui. Elle ressent alors le besoin de le protéger lui et sa douleur, de protéger son ami. Après tout, il lui a sauvé la vie. Plusieurs fois (rires) !
Mais, elle aussi...
Oui c'est vrai ! Il y a vraiment un lien, une amitié qui se créent entre ces deux personnages. C'est certain.
C'est intéressant puisque, dans les flashbacks, on a plutôt l'impression d'avoir affaire à des solitaires. Carter est la seule femme représentée dans la série de manière régulière et elle très forte mais elle est aussi seule, du moins, elle l'était. Lorsqu'on la voit en flashback en Irak, un officier lui dit même : "C'est la guerre, et vous êtes toute seule".
Ce sont tous des solitaires. Mais vraiment. Et c'est très intéressant. On a ces quatre personnages si différents, qui travaillent ensemble. C'est vraiment une équipe bizarre. Jamais je ne nous aurais collés tous ensemble (rires) ! Mais, nous voilà, et ça marche...
Parlons un peu de Fusco et Carter et du duo atypique qu'ils forment...
Ah Fusco et Carter... Elle ne lui a jamais fait confiance et c'est toujours le cas... Il y a quelque chose chez lui qui la fait tiquer. Il lui a montré à quel point il pouvait être loyal envers elle mais elle continue à ne pas lui faire confiance à 100%.
Dans la saison 1,
spoiler:
Et il y a un paquet de flics ripoux à New York dites-donc...
Tellement. Avec les HR et tous ces flics corrompus... Et j'en reviens à ce que vous disiez sur la solitude : c'est intéressant car elle est également seule dans sa profession. Les flics, c'est un club de mecs. Et elle est d'autant plus seule qu'en plus, elle fait partie des bons flics. Et ellele restera seule car elle ne voudra pas toucher à de l'argent sale.
Et vous en tant qu'actrice, qu'est-ce que cela vous fait d'être la seule femme la série ?
C'est cool. On ouvre plus les portes devant moi, on me demande ce dont j'ai besoin et, moi, je m'assoie, et je les laisse me traiter comme une Reine (rires) ! Meilleur boulot au monde. (rires)
"Person of interest" dévoile un monde de surveillance totalement paraoniaque et très inquiétant. Est-ce que c'est vrai que Jonathan Nolan est lui-même assez paranoiaque ?
Oui, et ça se voit dans l'écriture. Mais oui c'est vrai. Et il nous a tous rendus paranos maintenant ! (rires)
Vous aussi ?
Oh oui... Je veux dire, n'importe quel portable (elle montre son portable) peut être espionné. Et ça ne prendrait qu'une seconde et vous ne le sauriez jamais. Il ont le pouvoir de l'activer et ils pourraient nous écouter en ce moment même. C'est quand même effrayant de se dire que notre intimité peut être envahie à n'importe quel moment, par la magie d'un seul bouton.
Et ce n'est pas de la science-fiction...
Oui, c'est quelque chose qui pourrait arriver. Maintenant les téléphones portables sont comme des GPS. On ne peut pas faire une seule chose sans que quelqu'une ne sache où l'on est, ce que l'on fait et ce dont on parle. Effrayant... Ca me donne envie de faire des économies et de m'acheter une petit île isolée quelque part. Et laissez derrière toute cette technologie (rires) !
Que pouvez-vous nous dire sur votre prochain film "No Good Deed" avec Idris Elba ?
Oui Idris Elba ! C'est à nouveau un rôle de femme forte. Je lui casse bien la gueule (rires) ! Non sérieusement, c'est un thriller dans lequel Idris Elba me harcèle et je dois me battre pour sortir de cette situation. (rires). Ca sort en janvier 2014 aux Etats-Unis mais ça vaut vraiment la peine d'attendre, c'est très bon, je l'ai vu. Vous allez être comme ça "Hein ? Quoi ?" vous allez parler à l'écran, c'est sûr ! (Rires)
Propos recueillis par Raphaëlle Raux-Moreau, le 23 février 2013 à New York
Person of Interest, c'est tous les mercredis sur TF1 à 20h50 :