On ne lève pas le pied à Gérardmer ! Alors que la compétition suit son petit bonhomme de chemin, avec notamment la présentation de You're Next, Hansel & Gretel sont venus latter de la sorcière en 3D (une grande première pour le festival !) et hors-compétition. Avant celà, Pitof, Xavier Palud et Christophe Lambert nous ont parlé du cinéma de genre et de leurs expériences américaines respectives, et leur propos sont découvrir dans ce résumé de la troisième journée.
Le film du jour
Hansel & Gretel : Witch Hunters de Tommy Wirkola avec Jeremy Renner, Gemma Arterton...
Hors-compétition
Le pitch
Liés par le sang, Hansel et Gretel ont aujourd’hui soif de vengeance, et ils s’en donnent à cœur joie. Pourtant, sans le savoir, ils sont désormais victimes d’une menace bien plus grande que leurs ennemis : leur passé.
À retenir
Leur histoire ne s'arrêtait donc pas à l'évasion de chez la vieille sorcière qui pue ! De cette mésaventure, Hansel et Gretel ont en effet retiré un goût pour l'extermination de ce qui vole sur un balai, qu'ils continuent de mettre à profit, tout de cuir vêtus, une fois adultes. Une fois ceci accepté, en même temps que le fait de voir les héros de Grimm faire du close combat ou trimballer un arsenal improbable, il est difficile de bouder ce plaisir devant ce divertissement décomplexé et un poil décérébré. N'oubliant jamais de rajouter un peu de sang sur les décors, avec une belle inventivité, le Norvégien Tommy Wirkola (Dead Snow) ne perd pas le rythme d'une histoire où il réécrit légèrement le conte au moment de confronter les protagonistes à leur passé. Et puis 90 minutes en compagnie de Jeremy Renner ET Gemma Arterton, charistamtiques, athéltiques et plutôt classes dans leurs tenues respectives, c'est un bon atout pour cet Hansel & Gretel loin d'être inoubliable, mais diablement sympathique.
La bande-annonce
Du côté de la compétition, le jury et les spectateurs ont pu frissonner avec le mexicain The Crack, puis rire à gorge déployée avec You're Next, qui pourrait se retrouver bien placer dans la course au Prix du Public, vu l'enthousiasme qu'il a suscité. Aussi tendu que l'arbalète qu'usent les assaillants de cette maison perdue dans les bois, où toute une famille est réunie, le film d'Adam Wingard n'oublie pas l'humour et monte en puissance dès lors qu'on se rend compte que l'une des victimes potentielles possède les aptitudes de Jason Bourne et l'ingéniosité du héros de Maman, j'ai raté l'avion. Comme quoi rire et sursauter font décidément bon ménage...
C'est dit
Témoignages, anecdotes, avis sur le cinéma de genre… Découvrez chaque jour quelques phrases mémorables recueilles en interview.
"Je pense qu'un jour je réaliserai un film, mais j'aime trop jouer et disparaître dans un personnage. Et je pense que je ne pourrais pas me diriger moi-même. Déjà parce que la mise en scène est un exercice fastidieux. Puis je déteste me voir. Au cinéma, quand il y a une scène avec moi, je baisse les yeux et je m'écoute seulement, même si je n'aime pas ma voix non plus. Du coup ce serait compliqué de faire le montage de mon film." (Christophe Lambert)
Le cinéma de genre
"Ce qui me plaît dans le cinéma de genre, c'est le rêve. Moi ce que j'aime c'est les extrêmes. J'aimerais pouvoir faire un film extrêmement réaliste, complètement opposé à la logique du genre que j'aime quand même car il est contre toute attente et qu'on peut aller là où on ne nous attend pas et inventer des mondes, pour emmener le spectateur dans une aventure qu'il n'aurait pas imaginée avant. C'est pas un trip d'acide mais presque." (Pitof)
"Le cinéma de genre en France possède quelques réalisateurs talentueux qui sont allés faire des films aux États-Unis, et quelques-uns sont même dans mon jury. Je pense notamment à Xavier Gens, qui a fait Hitman. J'ai adoré Hitman, parce que c'est tiré d'un jeu vidéo, mais aussi parce que j'aurais beaucoup aimé jouer ce rôle. J'aimerais beaucoup jouer un tueur à gages au cinéma, un hitman." (Christophe Lambert)
"Je trouve que le cinéma de genre manque de producteurs qui le connaissent et ont envie de le partager et de faire des films. Souvent on voit qu'il y en a un qui marche donc on essaye de faire à peu près ce qui se fait, mais sans vraiment connaître les choses. Et c'est souvent les réalisateurs qui portent plus les films que les producteurs, même s'il y a des exceptions." (Xavier Palud)
"L'Espagne et les États-Unis se sont emparés du film de genre, donc en France on est beaucoup plus craintifs au moment de les aborder. Et puis aux États-Unis il y a une segmentation des genres, que ce soit la comédie, la comédie romantique, le film d'action… Du coup on sait facilement à quel producteur on doit s'adresser quand on veut faire un film de genre, car certains sont spécialisés dedans. En France on a pas ça donc il est plus difficile d'aller en démarcher un, même si, parfois, sur un hasard ça peut marcher." (Christophe Lambert)
"Je ne sais pas si la fragilité du film de genre en France est un truc de culture d'auteur, vu qu'on a un peu trop la culture des films d'auteurs et qu'on a un peu peur de se lâcher. Le propre du genre c'est pourtant de se lâcher, de ne pas avoir d'autre obsession que d'embarquer le spectateur dans un truc improbable." (Pitof)
"Si on a fait un film de genre [Ils, ndlr] avec David Moreau, c'est parce qu'on arrivait pas à faire un court métrage. C'était très compliqué et on s'est dit que, plutôt que de perdre deux ans à faire un court, on pouvait essayer d'allier nos forces pour faire un film. Là on s'est dit qu'on pouvait faire une comédie, mais on avait pas envie de faire Clerks, soit un film de genre. Et ça nous a semblé plus marrant , en tant que réalisateurs." (Xavier Palud)
"J'ai l'impression qu'on fait la même chose que les États-Unis à une époque avec le film d'horreur, mais avec la comédie. Certaines ont cartonné quelque chose d'incroyable, donc on se dit que les Français veulent se fendre la gueule, et on reprend le comique troupier ou l'amant dans le placard en changeant tel ou tel acteur pour faire des films. Et c'est triste car on perd son âme. Mais c'est aussi ce qui se passe aux États-Unis avec les studios." (Pitof)
Frenchie goes to Hollywood
"À Hollywood on a toujours à faire à des gens qui ne savent pas ce qu'ils racontent et passer au-delà des égos de chacun, ce qui n'est pas facile. Mais, du coup, ça apporte une espèce de recul et aujourd'hui j'ai l'impression d'être plus fort sur un plateau. Si les gens se plantent à Hollywood, c'est qu'ils en ont une idée romantique, comme on en a tous. Sauf que là-bas c'est juste un business, donc si on arrive avec ses jolis rêves, c'est terminé en deux secondes." (Xavier Palud)
"Catwoman ne ressemblait pas du tout à ce que j'avais imaginé au départ. Le premier mec qu'ils ont viré sur la route c'était monc chef décorateur, Jean Rabasse, que j'avais emmené avec moi. Au bout d'un mois de préparation les producteurs ont décidé qu'on était parti sur un truc un peu trop moderne, donc ils ont eu peur et ils ont viré Rabasse. Sauf que j'ai eu des discussions avec des gens après, qui m'ont dit que j'avais été le catalyseur, parce que ce qu'ils ont foiré sur Catwoman a fait qu'ils ont laissé ensuite à Nolan le choix de faire ce qu'il voulait. Et Catwoman aurait plus ressemblé à son Batman qu'à ce qu'il a été." (Pitof)
"L'impression que j'avais après [la sortie de Catwoman, ndlr], c'était exactement comme dans Rosemary's Baby de Roman, à savoir que j'avais été violé par le Diable et donné naissance à un monstre qui n'était pas de moi. Après tu peux t'amuser à cracher sur les studios, sauf que tu l'as fait le film." (Pitof)
"À Hollywood, pour filmer une discussion comme celle qu'on a tous les deux, les producteurs vont vouloir un plan large de nous, un gros plan de chacun et peut-être une amorce en plus, donc il va y avoir quinze plans qu'ils pourront choisir en salle de montage. Ils pensent que le rythme c'est de mettre des plans toutes les secondes, mais tout est plat." (Xavier Palud)
"À une époque on faisait péter une voiture, aujourd'hui c'est un immeuble ou une ville. Du coup on perd un peu l'échelle : une grosse explosion y a vingt ans, aujourd'hui c'est une explosion atomique. Je schématise, mais y a pas de nouveauté en fait. Les trucs sont plus gros et il y a plus de couleurs, mais pas vraiment d'inventivité." (Pitof)
"Moi ce que je retiens de mon expérience américaine, c'est que je me suis éclaté. Même récemment sur Ghost Rider 2. J'aime vraiment disparaître dans un personnage, entre le "action" et le "coupez", et ça je peux vraiment le faire là-bas. Mais j'arrive aussi à le faire ici et en-dehors du film de genre : les rôles que je tiens dans Janis et John ou L'Homme de chevet sont très différents, mais ça n'est pas ce que je suis dans la vie." (Christophe Lambert)
Gérardmer et moi
Si certains découvrent Gérardmer cette année, d'autres y sont nettement plus habitués, et c'était l'occasion de leur faire parler des souvenirs qu'ils gardent de leurs précédents festivals, et de ce qu'ils y apprécient en général.
Christophe Lambert (président du jury)
"La première fois que je suis venu à ce festival, c'était pour Highlander, en 1986, mais c'était encore à Avoriaz. Mais ce que j'aime vraiment c'est l'ambiance, le cadre. Là il n'y a pas de neige et ça devrait arriver, mais ça fait partie du charme. D'ailleurs l'autre soir, pour aller au restaurant, nous sommes passés à travers la forêt en voiture : les routes étaient étroites et il faisait noir mais les phares éclairaient la pluie qui tombait. Ça c'est un décor parfait pour un festival de ce genre !"
Xavier Palud (membre du jury)
"J'étais venu pour un court métrage [Sexous Breakdown, ndlr] en 1996. C'est très bizarre parce qu'il n'y a pas de neige cette année, mais j'avais justement aimé cette ambiance. Je trouve que c'est un bon décor pour le cinéma de genre. Et puis il y a toutes ces recontres, cette atmosphère : il y a un truc d'assez chaleureux. Comme c'est un petit festival, tout le monde se retrouve au même endroit, est au même endroit puisque c'est pas vraiment grand, donc c'est ce partage et cette convivialité entre les gens qui m'a plu. Je suis revenu en 2004 et c'était un très grand souvenir, car Paul Verhoeven était là. C'est un réalisateur que j'aime beaucoup, avec un talent fou et ça me brise le cœur qu'il ne fasse plus de films aujourd'hui."
C'est quoi tes films préférés de Gérardmer ?
Suite de notre questionnaire pour les vingt ans du festival, où les célébrités nous livrent leurs films préférés parmi ceux qui ont été récompensés à Gérardmer depuis 1994. Et aujourd'hui c'est au tour de Pitof et Xavier Palud de se prêter au jeu.
Pitof
"Il y avait une approche du futur que je trouvais vachement intéressante et très simple dans Bienvenue à Gattaca. Ça fait longtemps que je ne l'ai pas vu, mais y a des trucs tout cons qui m'ont marqué, comme la DS qui fait un bruit de jet. C'est un détail mais c'était vraiment intelligent. Et puis l'histoire, la parano qui était au cœur du film était vraiment très très bien faites. Pour moi ça fait partie de ces films de science-fiction qui ont une réelle patte, un truc unique."
Xavier Palud
"Bienvenue à Gattaca, c'est un de mes films préférés. C'est la science-fiction telle que je l'aime : pas très loin de la réalité. Et j'aime quand le genre parle de sujets qui pourraient presqu'être actuels, mais avec une manière un peu décalée. Du coup il y a un regard touchant et qui fait un peu peur, et je trouve ça plus fort, même si j'aime beaucoup Star Wars, que des vaisseaux qui tirent dans tous les sens. Sinon Créatures célestes de Peter Jackson, au-delà du film de genre, est un très très beau film, et j'en garde un grand souvenir. Et Morse (photo ci-dessus). Énorme film. On nous a d'ailleurs fait lire le script du remake avec David aux Etats-Unis, mais je ne voulais même pas rentrer dans cette idée parce que ça me faisait peur, même si, à l'arrivée, le remake n'est pas si mal."
Et rendez-vous demain avec, entre autres, Cloud Atlas, Mamá et son réalisateur, ou encore Fanny Valette, membre du jury courts métrages.
Maximilien Pierrette