La tribune de Vincent Maraval dans Le Monde daté du samedi 29 décembre (voir notre précédent article sur le sujet) a sans conteste ouvert un débat sur le financement du cinéma français, et en particulier le salaire versé aux acteurs. Les réactions ont été nombreuses sur Internet et dans les journaux ces derniers jours.
Dernière prise de position en date, celle de Jérôme Clément, ancien président d'Arte et du CNC, qui a choisi de répondre à Vincent Maraval via une tribune dans le journal Le Monde, daté du 3 janvier 2013. Jérôme Clément revient point par point sur les affirmations de Vincent Maraval et indique en préambule que le succès de la société de Vincent Maraval ne "l'autorise pas pour autant à traiter de cette façon la question du cinéma français".
Voici quelques extraits de ce texte intitulé "Vive l'exception culturelle !" :
"Non, les acteurs français ne sont pas riches de l'argent public : ce n'est certainement pas FTV et Arte qui pèsent financièrement sur le "star system" mais plutôt TF1, Canal+ et M6 qui exigent les fameux acteurs têtes d'affiche, les si bien nommés "bankable", dans les films qu'ils coproduisent."
"Non, on ne peut pas comparer la rémunération d'un acteur français et celle d'un acteur américain, car ces deux économies du cinéma sont radicalement différentes, évoluant dans des environnements règlementaires spécifiques et de ce fait, le partage des recettes ne correspond pas à la même logique financière."
"Non, il n'est pas honnête de comparer le coût moyen de production d'un film français (5,4 million d'euros) et celui d'un film indépendant américain (3 millions d'euros). Il faut comparer les films d'une même catégorie : les films d'auteur français ont un coût moyen de production environ 3 fois inférieur à leurs équivalents américains, c'est-à-dire celui des films indépendants. Le coût moyen d'un film américain "normal" est 5 à 6 fois supérieur à son équivalent français."
"Non, il n'y a pas de scandale, ni d'omerta, il y a juste la fierté d'appartenir à un système, certes perfectible, mais qui a permis à notre cinématographie de ne pas connaître le sort funeste des cinémas espagnol ou italien pour n'évoquer que ceux-là. Oui, que vive l'exception culturelle, celle qui a permis la création de Canal+ et qui a nourri les créateurs de Wild Bunch avant qu'ils ne volent de leurs propres ailes."
"Quant à l'appréciation sur l'année 2012 qui serait un désastre pour le cinéma français, elle prête à sourire. A-t-on oublié l'année 2011, le succès de The Artist et son Oscar à Hollywood ? (...) Alors, oui, il y a des choses à revoir et à améliorer. Dans cette période de difficultés économiques et financières, chacun doit faire attention aux budgets, aux rémunérations et aux équilibres économiques. Certes, cela doit se faire. Mais la question n'est pas de montrer du doigt une catégorie professionnelle ou une autre, mais de relever d'autres défis beaucoup plus ambitieux, ceux de la technologie d'abord, ceux de la mondialisation ensuite, et surtout de continuer à créer des conditions d'un renouvellement créatif par une politique culturelle ambitieuse."
D'autres réactions ont été publiées, notamment dans un article du Monde, donnant la parole entre autres au cinéaste Bertrand Bonnello et aux producteurs Marie Masmonteil et Gilles Sandoz :
"Avis de tempête sur le cinéma français", à lire ici : www.lemonde.fr/culture/article/2013/01/01/avis-de-tempete-sur-le-cinema-francais_1811816_3246.html
Des critiques et professionnels du cinéma français ont également commenté la situation sur leur blog :
Le billet de Laurent Delmas, critique de cinéma et producteur sur France Inter, "Que les gros cachets lèvent le pied !", à lire ici : www.franceinter.fr/blog-le-blog-de-laurent-delmas-que-les-gros-cachets-levent-le-pied
"En 2000, un autre producteur de renom, Charles Gassot, en charge d'un rapport officiel sur l'état du scénario en France, pointait déjà du doigt des cachets d'acteurs inversement proportionnels à la modestie, voire à la médiocrité des sommes allouées aux scénaristes. Douze ans plus tard, rien n'a changé : le scénario reste le parent pauvre d'un secteur qui se plait à surpayer quelques acteurs stars. Quand on considère la grande pauvreté d'écriture de la plupart des comédies françaises destinées au grand public, on se dit en effet que quelque chose est pourri dans le royaume des cabots. Mais qu'elle autre industrie de prototypes pourrait ainsi se payer le luxe de délaisser son département "recherche et développement" pour l'unique profit de ses "démonstrateurs"....?!!!"
Le billet de Pascal Rogard, directeur général de la SACD, "Hypertension", à lire ici :
www.rogard.blog.sacd.fr/hypertension/
"L’année 2012 est terminée. Il était temps pour un cinéma français au bord de la crise de nerf. (...) Notons d’abord que la tribune publiée par « Le Monde » est une spéciale dédicace à Dany Boon archi-millionnaire en spectateurs depuis "Bienvenue chez les ch’ ti" et récemment acteur dans "Astérix au service de sa majesté", film au budget considérable, financé en partie avec un très important à valoir distributeur de Wild Bunch la société de Maraval. Un film qui bien qu’ayant réuni un large public n’a pas répondu aux espérances économiques de ses investisseurs. Règlement de comptes à OK Corral du coté de Gergovie… peut-être. Constatons aussi aussi que déclarer d’entrée de jeu que « l’année 2012 est un désastre pour le cinéma francais » revient à confondre des résultats globaux dont beaucoup de secteurs de notre économie pourraient se satisfaire et les pertes d’exploitation de certains films commerciaux pertes impossibles à évaluer tant est opaque l’environnement financier de la production."
"Jeter la pierre à des artistes au talent incontestable, très appréciés du public et indispensables au succès populaire de notre cinéma relève du masochisme – peut-être de la déception sentimentale – mais surtout me semble profondément injuste s’agissant de personnalités dont les rémunérations sont régulièrement exposés au grand public et dont la valeur économique repose comme celle des grands créateurs, sportifs, animateurs de télévision, etc… sur la singularité de leur talent auquel s’ajoute pour certains une incroyable popularité."
Le billet de voeux de Manuel Alduy, directeur du cinéma de Canal+, "2013, année vedette?", commentant brièvement la polémique, à lire ici : http://manuelalduy.wordpress.com/2013/01/02/2013-annee-vedette/
Le billet d'Aurélien Ferenczi, critique de cinéma, "Les acteurs français sont trop payés ? C'est un peu plus compliqué que ça...", à lire ici : www.telerama.fr/cinema/les-acteurs-francais-sont-trop-payes-c-est-un-peu-plus-complique-que-ca,91306.php