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    David Simon : "Je suis un meilleur reporter que je ne suis un romancier"

    A l'occasion de la sortie en français de "Baltimore", ouvrage emblématique qui a marqué son entrée vers la télévision, David Simon, le créateur de "The Wire, "Treme" ou encore "Generation Kill", s'est entretenu avec nous. Rencontre avec l'une des plumes les plus talentueuses de ces 20 dernières années.

    © Allocine

    Allociné Séries : Votre livre "Baltimore" ("Homicide:Life on the Killing Streets") sort en français aujourd'hui alors qu'il date de 1991. Est-ce que c’est important pour vous que les gens continuent à le découvrir si longtemps après ?

    David Simon : Oui, vous savez, c'est un travail de tant d'années. Cela m’a pris trois ans et demi à faire ce livre, entre les recherches puis l’écriture. [Tous les projets que l'on porte], ils sont tous un peu comme vos enfants. Ils sont lancés dans le monde et ils deviennent tous un peu des orphelins, car c’est dur de vendre un livre. Et ce livre en particulier a connu une longue vie. Il y a d'abord eu la série Homicide qui s'en est inspirée puis The Wire. Quand bien même, ca m'épate qu'il sorte maintenant en Europe. Il y a une réelle improbabilité dans tout ça, dans le fait qu'un livre qui raconte la Brigade Criminelle de Baltimore en 1988 et qui a été publié en 1991 ait encore une vie aujourd'hui.

    Est-il toujours présent en vous ?

    Ils sont tous comme vos enfants, vous voyez… C’est dur de se souvenir à quel point il était improbable qu'ils me laissent ne serait-ce qu'être dans la Brigade Criminelle. Quand on y pense, j'ai demandé au Chef de la Police, le Commissionnaire de Baltimore, une ville majeure des Etats-Unis, de me laisser intégrer l'unité d'investigation criminelle de son Département et de me laisser suivre une équipe de 19 détectives durant une année entière... Et aussi incroyable que cela puisse paraître, il a dit oui. Et ça, ce n'est pas censé arriver. Rien qu'à la base, l'accès qu'on m'a offert, donne au livre quelque chose d'invraisemblable. Puis, le fait que tout se soit aussi bien goupillé. Et pour finir qu'il y ait eu cette série qui ait donné au livre une seconde vie dans la durée. Ce qui est assez remarquable, c'est que même si le livre est aujourd'hui vieux de 20 ans, l'investigation autour des meurtres dans les grandes villes américaines n'a pas changé tant que ça. Il y a eu peut-être certaines avancées techniques au niveau médico-légal mais en gros, 95% des affaires sont résolues grâce au travail qu'effectuent les détectives dans la rue, en trouvant des témoins et en tentant d'obtenir des déclarations de la part des suspects. Et ça, ça n'a pas changé en 20 ans. Le livre est toujours d'actualité par rapport à ce qui se passe dans les villes américaines.

    Ce livre marque votre première étape vers quelque chose de complètement différent : votre carrière à la télévision.

    Ca a pris un peu de temps. Je suis resté au Baltimore Sun jusqu’en 1995. J’étais encore parmi eux quand je faisais mes recherches pour "The Corner" [son second livre]. Je pensais que j’allais rester journaliste, c’était mon intention. Je me suis retrouvé à travailler pour la télévision presque par accident. En grande partie parce que ce que j'estimais précieux dans le journalisme était devenu de moins en moins important. Et ce que les autres personnes du journal trouvaient précieux, j'en faisais peu de cas. Le Baltimore Sun était en train de changer. J’ai fini par travaillé pour la télévision et même à ce moment, je me disais : bon ok, je fais ça jusqu’à ce que "The Corner" aboutisse en minisérie et puis je retournerai au journalisme. Je trouverai peut-être un job ailleurs, peut-être pour le Washington Post. Et très rapidement, The Corner est sortie, The Wire aussi, et j’ai bien dû admettre que j’avais été dans l’industrie télévisuelle aussi longtemps que j’avais fait du journalisme. Je devais arrêter de me faire passer pour un journaliste (rires). Je veux dire, tout ça n’était vraiment pas planifié. Au moment où ce livre est sorti, je pense qu’il me restait 3 ou 4 ans de journalisme devant moi.

    Les détectives de The Wire © HBO

    Dans le livre, l'un des détectives, Edgerton, subit la critique car il ne sait qu'agir en solo et selon des méthodes approfondies qui, forcément, prennent du temps. Vous soulignez alors qu'à la Brigade, la quantité passe avant la qualité. Vous n'avez pas trouvé qu'il y avait là-dedans une certaine résonnance avec le journalisme ?

    Je pense que c’est le problème du monde moderne. La majorité de ce que nous faisons est désormais basé sur les statistiques. Comment apprennent les enfants à l’école ? Et bien, qu’est-ce que disent leurs notes ? Est-ce que le crime augmente ou baisse ? Et bien, jetons un œil sur les statistiques d’arrestation ou sur les rapports d’incident. J'ai réalisé quelque chose lorsque j'étais reporter, après avoir observé le phénomène pendant des années. Je couvrais des statistiques sur le maintien de l'ordre et mon partenaire, Ed Burns, avec qui j’ai fait The Wire, travaillait dans le système éducatif. Je me suis rendu compte que dès que quelqu’un sort une statistique qui dit "nous faisons des progrès ou nous faisons du bon boulot" et que la statistique est imprimée quelque part, il y a 5 autres mecs de cette agence ou de cette organisation qui vont essayer de trouver un moyen de faire en sorte que cette statistique reflète un progrès ou un non progrès. Examiner de manière qualitative si quelque chose marche ou pas est plus dur à faire pour nous tous, nous tous dans la société. Nous dépendons tellement des statistiques alors qu'elles contiennent quelque chose de l'ordre de la manipulation. Et j’ai trouvé que c'était particulièrement le cas dans une brigade criminelle. Et oui en effet, c'est aussi le cas concernant le journalisme, d'une manière différente.

    Est-ce que c'est pour ça que dans vos shows, justement, la qualité prime sur la quantité ? Vous prenez votre temps, vous faites dans la nuance et vous ne prenez pas les téléspectateurs par la main. Ils doivent faire un effort pour comprendre.

    Si on commence à tout expliquer, on gâche tout. Cela ne ressemblera pratiquement plus à la vie. Quand on pense à la manière dont la vie nous accueille jour après jour... Quand on entre dans une pièce, on ne nous explique pas immédiatement le passif de toutes les personnes présentes. On ne saisit pas toutes les dynamiques du moment et tous les procédés de manière linéaire. On entre au milieu de quelque chose et, là, on commence à récolter quelques informations et puis finalement, les choses commencent à devenir claires. Mais tout ne vient pas d'un coup et dans l'ordre. C’est comme ça que nous expérimentons la vie. Il y a longtemps, quand j’ai commencé à faire de la télé, enfin même avant cela, pendant que j’étais en plein dans Homicide, je voulais une seule chose : abandonner le lecteur dans la Brigade Criminelle, à Baltimore. Pareil pour The Corner, le livre que j'ai écris ensuite, je voulais juste que le lecteur soit laissé dans un quartier, une rue ouverte sur un marché de la drogue... Vous abandonner dans un coin de rue, là où vous ne savez encore rien sur rien, mais allons-y ! J'ai réalisé qu'il y avait là-dedans quelque chose qui pouvait mettre dans une position de faiblesse, que cela pouvait désorienter les gens, les rendre réticents à poursuivre. Mais j'ai trouvé plein de lecteurs et de téléspectateurs intelligents. Ca les a justement poussés à trouver du sens à la série ou ils se sont encore plus concentrés sur les pages. Cela a été un bénéfice inattendu, ce n'était pas passif. En un sens, on sent tous que beaucoup de séries nivèlent par le bas parce qu'ils veulent garder un maximum de personnes devant le poste quoi qu'il arrive. Ils ne veulent pas prendre le risque de faire autrement. Mais je pense que, justement, l'inverse pousse les gens dedans, les pousse à s'investir. Mais bon, ce n’est pas comme si je faisais de grosses audiences donc à un moment quelqu’un pourra sûrement déboulonner ma théorie. Mais jusqu’à présent, ils m’ont laissé faire de cette manière, depuis 10 ans que je fais de la télévision.

    Khandi Alexander dans Treme - © HBO

    Il se passe quelque chose à la lecture de ce livre. Tout y est vrai et dans le même temps, on a le sentiment d'être devant un vrai polar, car il y a un réel suspense qui s'instaure. Comment avez-vous réussi à créer cette narration avec tout le matériel d'investigation dont vous disposiez ?

    Dans Homicide, ce sont les vrais noms des détectives, les dates, c’est ce qui s’est passé en 1988. J’y étais. Tout ce que j’avais à faire c’était remplir mes carnets de notes. C'est du journalisme, rien n'est inventé. Mais ce qui s’est effectivement passé, c’est que la vraie vie a pris le dessus sur ce qui aurait pu être une narration somme toute basique. Dans le sens, où je ne savais pas ce qui allait se passer, je ne savais pas ce que j’allais voir, mais les choses ont suivi leur cours et plus fondamentalement, la tragédie du meurtre et du viol de la petite Latonya Wallace est devenue la colonne vertébrale du livre, tôt dans l’année, en février. En général, les détectives ne s’impliquent pas autant sur les meurtres, il y en a tellement à Baltimore. Mais ils se sont focalisés sur l’affaire Latonya et ce, durant l’année entière. Ca aurait pu ne pas arriver. Mais si cela n’était pas arrivé quelque chose d’autre serait arrivé. Dans un sens, je ne suis pas très doué pour imaginer des choses, il y a des auteurs qui sont bien plus doués que moi dans ce domaine. Je suis un meilleur reporter que je ne suis un romancier. Même pour The Wire, lorsqu'on se conformait à des faits réels, il y avait de la triche, car on se trouvait dans le drama, contrairement à "Baltimore". Mais même là, notre règle était : c'est arrivé ou ça aurait, sans conteste, pu arriver ou il y a des rumeurs selon lesquelles c'est arrivé mais on ne peut pas tout à fait prouver que c'est arrivé. Mais si cela n'aurait pas pu se produire, nous n'en voulions pas dans l'épisode. Appliquer cette rigueur, cette règle, a modelé une série différente. C'est devenu quelque chose d'autre qu'un divertissement. Et le livre "Baltimore" est devenu quelque chose de plus chargé en émotions que le simple récit d'un meurtre après l’autre.

    Passer une année avec tous ces détectives, cela créé forcément des liens...

    Ça a été une année étrange pour moi. Je venais juste de divorcer de ma première femme. Je vivais dans un appartement où il n'y avait pratiquement pas de meubles (rires), à part un matelas et une cagette avec le réveil posé dessus. Et j'avais beaucoup de temps pour moi. Et voilà que je découvre ces 19 mecs qui évoluent dans les bureaux de la Brigade et qui enchaînaient ces horaires de dingue. Beaucoup de ces mecs savaient vraiment boire. Mais vraiment... Ils m'ont appris à boire comme jamais je n'avais su le faire. Et c'était vraiment très marrant. C'était comme un week-end de perdition qui se répète encore et encore. Mais, heureusement je n'ai jamais arrêté de prendre des notes, je n'étais pas perdu à ce point. Terry McLarney, qui est toujours lieutenant, je continue de le voir de temps en temps. Donald Worden, Jay Landsman, aussi. Jay Landsman qui a d'ailleurs joué dans The Wire. Mais oui, je suis encore proche de certains d'entre eux…

    Ils semblaient tous être très drôles. L'humour, qui est très présent dans "The Wire", est partout dans les pages de "Baltimore".

    Leur humour s'exprime aux dépens de grandes tragédies. Ils rient de ces horribles crimes, de ces violences... Et ils trouvent des raisons de rire de l'inhumanité de l'homme contre l'homme. Pourquoi ? Oh mon Dieu, s’ils ne le faisaient pas, si tu ne ris pas, tu pleures. Tu te suicides si tu approches chaque meurtre tout au long de 10 ans de carrière avec l'émotion intacte de ce que tout cela signifie vraiment. Donc, au lieu de ça, tu te détaches, tu cherches à trouver ce qui est drôle dans le monde qui t'entoure. Et s'il y a peu de choses sur lesquelles rire dans ton métier, tu te démènes encore plus durement.

    Et ils étaient très forts dans ce domaine. On se retrouve tous à rire de choses sur lesquelles on ne devrait pas rire. Ce n'est pas uniquement vrai pour les détectives, mais aussi pour les gens qui travaillent à la morgue ou les directeurs de services funèbres. La mort reste la mort. C’est une grande terreur et ce n’est pas étonnant qu’elle génère autant de comédie et d'humour.

    Corey Parker Robinson dans la peau de Sydnor - The Wire © HBO

    Vous adorez réutiliser les noms de ceux que vous avez croisés. En marge de Landsman, on trouve aussi dans "Baltimore" le vrai Sydnor, l'un des futurs personnages de "The Wire"...

    Oui, ce sont les moments où je leur tire mon chapeau. C’est comme faire un "Salut" dans un film. Où que tu sois, Marvin Sydnor, j’utilise ton nom ! Dès qu’on avait de la place pour un nom, je plaçais celui d'un vrai détective de la brigade. Pourquoi pas !

    On trouve aussi dans le livre des éléments que vous avez ensuite utilisés dans "The Wire". La photocopieuse détecteur de mensonges, les endroits paumés près des rails de train où les détectives se retrouvent, le Pub, certains des dialogues...

    On vole toujours à la vie… Des années après [une expérience comme celle-là], tu te retrouves à écrire un drama et tu cherches à le rendre le plus réel possible. Tu as ces souvenirs dans ta tête, tous meilleurs que tout ce que tu pourrais inventer. Si tu voles à quelqu’un d’autre, c’est du vol. si tu te voles toi-même, c’est autorisé. (rires)

    The Bunk et McNulty sur leur lieu de rencontre favori - The Wire © HBO

    Les téléspectateurs qui connaissent vos séries savent très bien que vous connectez tout à l'intérieur d'une même oeuvre. Dans "Treme", l'un des personnages dit d'ailleurs : "Everything is connected". C'est quelque chose qui s'applique à vous, vous êtes devenu celui qui connecte les choses les unes aux autres.

    Treme est reliée d’une manière très légère à The Wire et aux livres Homicide et The Corner. La raison étant que beaucoup de gens ayant lu ces livres et vu The Wire, sont arrivés à la conclusion erronée que ces œuvres allaient à l’encontre de la ville de Baltimore. Que ces histoires, ces narrations prenaient position contre l’idée de la vie urbaine, de ce que cela signifie d’être américain et de vivre dans une ville américaine. Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité. Je vis à Baltimore, je crois en cette ville, je suis investi dans l'idée de la Ville. Nous n'allons pas devenir moins nombreux en avançant... [Il suffit de regarder] La manière dont avance le monde, pas seulement les Etats-Unis. Peu après la seconde Guerre Mondiale, je crois que Karachi au Pakistan avait 400 000 habitants et aujourd'hui, il y en a 25 voire 30 millions. Et ça grandit tous les jours. Nous devenons plus urbain et pas moins. Et la manière dont nous allons comprendre comment vivre de plus en plus ramassés, entre personnes de cultures diverses, de confessions différentes, avec ce mélange social, cette densité sociale... Que nous y arrivions ou pas en tant qu'espèce, à mon sens, c'est la grande question du XXIème siècle. Notre survie est en quelque sorte connectée à ce débat. Et la Nouvelle-Orléans... Il n’y a pas de meilleur melting-pot en Amérique que cette ville. Ce n’est qu’à travers le fratras multiculturel de la ville que les Etats-Unis ont fait naître leur plus beau cadeau au monde : la musique afro-américaine, le jazz, le blues… Où que vous alliez, Paris, Tombouctou, Johannesburg, peu importe, Dakar, Stockholm, s’il y a un juke-box, il contiendra de la musique américaine. Et tout est venu d'un pâté de maison de huit blocks à la Nouvelle Orléans où l'expérience des afro-américains s'est mixée aux rythmes de l'Afrique de l'Ouest et le système pentatonique s'est mixé aux arrangements et à l'instrumentation européenne. Si les Etats-Unis disparaissaient demain, ça restera notre plus beau cadeau. Ca et peut-être les jeans (rires). Je ne dis pas ça avec désinvolture... C’est un héritage culturel extraordinaire à lui tout seul, et c’est arrivé parce que les Etats-Unis sont le produit de cultures tellement disparates. Nous sommes des bâtards. Et le jazz est le triomphe de tout cela. En quelque sorte, Treme va en faveur de la ville. C'est l'argument que j’ai toujours cru implicite dans The WireBaltimore et The Corner. Je pense que beaucoup de gens ont manqué cela et on voulait trouver un moyen de le dire... Vous avez Treme en France ?

    Oui, elle passe sur le câble et elle est disponible en DVD.

    Je pense que c’est plus facile de la vendre ici qu’aux Etats-Unis. Les Américains ont un sentiment ambivalent au sujet de leur héritage culturel. Peut-être parce que nous en sommes trop proches. Il y a cette fameuse histoire concernant John Lennon la première fois où il est venu aux USA. Il descendait à peine de l’avion à New York et un reporter lui a demandé quel était la première chose qu’il voulait voir. Et il a répondu : Muddy Waters, le superbe bluesman de Chicago. Et le reporter lui a dit : "Qu’est-ce que Muddy Waters ?" Et John Lennon lui a dit - c’est un grand moment : "Vous ne connaissez donc pas vos héros ?" (rires) Personne ne savait qui était Muddy Waters aux Etats-unis, enfin très peu de gens. Mais John Lennon le savait (rires).  Nous sommes très ambivalents sur notre culture. Il y a beaucoup de brillants musiciens à la Nouvelle-Orléans qui travaillent pour des cachets de 40 $ la soirée parce que le niveau des musiciens est tellement extraordinaire. Et les Etats-Unis ont fait un formidable boulot pour ne pas y prêter attention.

    Antoine Batiste (Wendell Pierce) - Treme © HBO

    En France, nous avons encore cette attirance, cet espèce de fantasme autour de la Nouvelle-Orléans, autour de sa culture...

    Oui elle était à vous ! Vous l'avez eue pendant un temps ! Vous savez après Katrina, lors du premier Mardi gras qui a été fêté, un gars très marrant était présent, Ashley Morris, un bloggeur et un professeur d’université, qui été une grande voix pour la Nouvelle-Orléans après Katrina, et qui est depuis décédé. Lors de la première parade du Vieux Carré, the Krew du Vieux Carré, il s’est déguisé en mime. Je ne sais pas pourquoi nous associons les français aux mimes, mais c’est ce que l’on fait. Il était déguisé en mime et il brandissait une pancarte qui disait : "Rachète-nous Chirac !" Il était tellement énervé contre le gouvernement fédéral qu’il était prêt à ce que vous interveniez, il ne vous restait qu'à faire une offre !

    Vous l'avez d'ailleurs placée dans "Treme" cette anecdote…

    Oui. On l’a fait. C’était une recréation de ce qui s'est vraiment passé lors de cette première Parade du Vieux Carré après la tempête.

    Mais John Goodman, lui, était habillé en spermatozoïde...

    Oui, il l'était… Et quel adorable spermatozoïde il faisait… (rires) Tout est vrai. Comme je le disais, je n’ai pas tant d’imagination que ça. Il y a bien une Krewe, appelée Krewe of Spermies. Et tous les ans, ils s’habillent en spermatozoïdes, et s’ils ne se costument pas, ils portent des bâtons avec un spermatozoïde géant au bout et ils descendent dans la rue comme s’ils nageaient tous ensemble.

    Creighton Bernette (John Goodman) et son épouse, Toni (Melissa Leo) - Treme - © HBO

    Il y a quelques semaines, vous avez déclaré que HBO renouvelait "Treme" pour une dernière et quatrième saison.

    Oui c'est vrai. Nous espérions avoir une quatrième saison pleine. Nous pensions que nous pourrions l'achever avec 10 épisodes. Pour des raisons de programmation et de budget, HBO nous demande de faire une saison plus courte pour finir. C'était de toute manière notre intention d'achever la série après quatre saisons. Je crois que l’un des problèmes des séries américaines, les feuilletonnantes en particulier, quand ça s'emballe, tout le monde veut que la franchise continue. Il y a tellement d’argent impliqué qu’ils veulent que ça continue encore et encore. Le contenu a une importance pour moi. Je ne veux pas faire simplement un divertissement. Je ne veux pas faire quelque chose qui ne sert qu’à occuper les gens dans leur temps libre. Dans mon esprit, une histoire doit avoir un début, un milieu et une fin. Nous prévoyons toujours bien à l'avance nos fins, que ce soient celles de The Wire ou de Treme ou autres. Aujourd'hui, la question est de savoir comment nous pourrons faire entrer [les résolutions de nos intrigues] dans le nombre d'épisodes qu'on obtiendra tout en préservant leur intégrité. Ca va être une bataille. Nous avons cette phrase aux Etats-Unis pour signifier le fait d'être dans une situation pas facile : "Trying to fit 10 pounds of shit in a 5 pound-bag". (rires) C'est une phrase élégante que nous avons chez nous.

    Vous savez donc déjà comment chaque histoire va s’achever ?

    J'espère qu'on aura assez de marge de manœuvre pour terminer toutes les histoires de manière significative. Ça va être très serré, j'aurai préféré qu'on ait quelques heures de plus mais nous savons bien comment chaque histoire est censée s'achever et ça, on le sait depuis deux ans maintenant. Comme je disais, on ne veut pas continuer juste pour continuer.

    Que prévoyez-vous de faire après "Treme" ? Avez-vous un autre livre, une autre série de prévu ?

    Mon Dieu, je ne sais pas... "From your mouth to God’s ear", comme on dit... Je dois un livre à mon éditeur. Cela fait déjà plusieurs années maintenant. C’est un homme extrêmement patient. Sinon, j'ai aussi un autre projet avec HBO. Il se pourrait qu'ils donnent le feu vert, comme on dit. Ou pas. Une chose me concernant, c'est que je continue à faire des shows que les gens découvrent 3, 4 ou 5 ans après la fin de la diffusion. Les gens découvrent maintenant Generation Kill, la minisérie sur l'Irak. Je suis allé aussi loin qu'un être humain peut aller en télévision sans réussir à faire d'audience. Si vous y pensez... Je fais des séries pour HBO depuis 1999. A un moment, ils vont peut-être se dire : "mais ce mec ne sait pas faire de télé en fait !" Ils vont dire : "Merci, mais non merci" ! Peut-être que ce moment m'attend au coin de la rue...

    Propos recueillis par Raphaëlle Raux-Moreau

    A Paris, le 11 octobre 2012

    Ci-dessous la bande-annonce de la saison 3 de Treme, actuellement diffusée aux Etats-Unis sur HBO :

    Treme

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