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    L'équipe d'"Inquisitio" dévoile les dessous du thriller médiéval de France 2

    AlloCiné a rencontré l’équipe d’"Inquisitio", le nouveau thriller médiéval de France 2 embarquant le téléspectateur jusqu’au Moyen-Age, à l'époque de l'Inquisition...

    France, 1378. L’Europe est le théâtre du Grand Schisme d’Occident : deux papes, Urbain VI, à Rome ; et Clément VII, à Avignon, se livrent une lutte sans merci pour diriger l’Eglise. Simultanément, la peste s’abat sur la ville de Carpentras. Le grand inquisiteur Barnal est envoyé par le pape d’Avignon dans cette région pour y chasser les hérétiques soupçonnés d'avoir causé cette punition divine. Barnal se retrouve rapidement confronté à Samuel de Naples, médecin issu de la communauté juive, humaniste et persuadé que la peste trouve son origine non pas dans la colère de Dieu mais dans une explication scientifique… Les deux hommes ignorent que leur affrontement fera ressurgir des secrets…

    A l'occasion de la diffusion de ce thriller médiéval, AlloCiné a pu rencontrer Nicolas Cuche (créateur et réalisateur), Jean Nainchrik (producteur) et Aurélien Wiik (l'interprète de Samuel de Naples).

    En quelle année est-on au départ, et pourquoi cette période ?

    Nicolas Cuche : On est en 1378, au début du grand schisme. A cette époque, parallèlement au pape de Rome, il y a eu l’élection d’un pape dissident, venu s’installer à Avignon. Le monde chrétien est complètement divisé, parce que chaque pape a ses partisans. Le peuple vit dans l’angoisse terrible parce qu’il y a forcément un pape de trop. Et le mauvais pape est forcément le diable, l’antéchrist. Chacun est alors à l’affut du moindre signe pour savoir si jamais le pape sous lequel il est sous l’autorité est le bon ou pas. Chacun vit bien évidemment dans ces temps très superstitieux. J’ai vraiment eu l’envie d’une histoire qui se passe au Moyen-Age. Parce que je voulais vraiment faire une histoire qui soit un miroir, non pas dans le futur, mais dans le passé, de tendre un miroir à des problématiques plus actuelles : repli communautaire, montée de l’intégrisme, fanatisme religieux, terrorisme, avec un recul sur certaines choses qui peuvent paraître acquises. En effectuant des recherches, le Moyen-Age me semblait une période idéale. C’est une période assez barbare, mais aussi sexy, spectaculaire. Je suis tombé sur ce point particulier de l’Histoire. Et tout d’un coup, je me suis rendu compte que les personnages que j’avais imaginés s’intégraient dans cette Histoire.

    Jean Nainchrik : C’est une série qui a un sens formidable aujourd’hui, parce qu’elle est hyper moderne. Tant dans sa conception que dans son sujet, avec les échos qu’on peut avoir aujourd’hui dans la vie, sur l’exclusion, le fanatisme, l’intolérance, le problème des femmes. En même temps, on raconte une histoire dans un contexte complètement réel… Les personnages, enfin, certains d’entre eux, ont existé. On fait quelque chose de complètement romanesque, mais de très moderne. En même temps, il a fallu garder cet itinéraire un peu thriller, c’est-à-dire d’arriver, d’épisode en épisode, à donner des informations, à alimenter une histoire, avec des personnages qui sont de plus en plus impliqués, chargés, à qui il va arriver des choses. Et le comportement des uns et des autres est vraiment formidable. Cela a été aussi un gros travail de documentation, parce qu’il y a très peu de choses sur cette époque. Nicolas et les auteurs ont travaillé énormément sur la crédibilité, c’est-à-dire tout ce qu’on voit, même les médecins avec les becs de corbeau, tout ça a existé.

    © Jacques Morell / FTV

    Aviez-vous fait appel à un historien ?

    Jean Nainchrik : Pas du tout. Parce que quand on arrive avec un historien pur et dur, il nous dit, sans le savoir, "oui mais non, ça ne va pas se passer comme ça" ou "ça ne peut pas se passer comme ça". On est dans le romanesque, donc ce qu’on raconte est crédible. Et puis, la concurrence entre les deux papes a existé, le grand schisme d’Occident a existé. La peste, évidemment, qui était le fléau divin, a eu comme bouc émissaire les Juifs, les hérétiques. Ce qu’il y a d’intéressant, c’est de mettre en parallèle les agissements de l’Eglise au parcours d’un médecin, un humaniste à la recherche de réponses dans cette époque troublée. Faisant partie de la communauté juive, il lui est interdit de faire des accouchements, etc. Il outrepasse ça par rapport à la connaissance qu’il veut apporter. Et ça, c’était intéressant. On a eu plus de 200 décors extérieurs. En Provence, Haute-Provence, et dans le Sud-ouest, Avignon : le palais des Papes, Carpentras, qui sont des hauts-lieux, d’abord, parce que le pape d’Avignon a toujours existé, et en même temps, il y avait une communauté juive dans le comtat Venaissin depuis toujours. Et c’était intéressant de resituer les choses comme ça. Mais ce que je trouve formidable, c’est que c’est d’un modernisme extraordinaire. Ça a une force, au niveau de la mise en scène, au niveau de l’image, de la lumière, c’est sublime.    

    Et l’Inquisition là-dedans ?

    Nicolas Cuche : Alors c’est le début de l’Inquisition, qui a commencé un petit peu avant. Les inquisiteurs, ce sont les enquêteurs de l’Eglise. En fait, les inquisiteurs sont des gens érudits, qui ont des connaissances en droit, qu’ils connaissent parfaitement parce qu’ils jugent des choses du point de vue religieux. En faisant des recherches, par exemple, je me suis rendu compte qu’ils ont brûlé des sorcières, mais c’est long, c’est un vrai travail. Cela ne se faisait pas en un claquement de doigts. Je pense que Raymond de Turenne, lui, peut tuer qui il veut, comme il veut, et la vie n’a aucune valeur. Par contre, l’inquisiteur, il peut décider de tuer quelqu’un, mais il va devoir faire un procès, il va y avoir un jugement, il va devoir argumenter.

    Vladislav Galard & Annelise Hesme

    © Jacques Morell / FTV

    Est-ce qu’il n’y avait pas un peu de subjectivité avec ces procès, c’est-à-dire lorsque l’enquêteur avait une certaine vision, il pouvait ne pas reconnaître qu’il y avait une autre possibilité, et par conséquent ne pas creuser d’autres pistes ?

    Nicolas Cuche : Bien sûr. En fait, c’était une époque où l’Eglise essayait d’affermir son pouvoir, donc elle était très dure à cette époque-là, parce qu’elle était dans un monde très dur. Elle essayait de prendre le pouvoir sur Raymond de Turenne, sur les gens qui sont incarnés par Raymond de Turenne, c’est-à-dire la noblesse qui était une noblesse complètement barbare, qui n’avait aucun respect de la vie humaine. On ne se rend pas compte, parce que c’est quelque chose qui fait complètement partie de notre vie que c’en est difficile de concevoir que ça ne l’est pas, mais par exemple, l’humanisme n’existait pas encore, la valeur de la vie humaine n’existait pas encore. Je suis un seigneur, je peux tuer, violer, piller tous les serfs, ça ne dérangera personne. Et cette noblesse qui s’appelle noblesse n’était en fait que la loi du plus fort, des hommes qui avaient des armées. C’est pour ça que j’ai montré des gens autour de Turenne qui sont un peu à la Mad Max, des chevaliers… Ils levaient des armées qui étaient comme des milices, ils faisaient régner la terreur. Et l’Eglise a combattu ça.

    Ne pensez-vous pas aussi que l’Eglise pouvait faire preuve d’une certaine terreur ? Même si elle combat Turenne, elle se comporte un peu comme lui.

    Nicolas Cuche : Oui, elle se comporte comme lui. Mais en fait, c’est assez complexe. C’est-à-dire que l’Eglise, c’est le pouvoir. Donc, comme c’est le pouvoir, ils ont le pouvoir absolu, ils ont le pouvoir sur les rois, c’est l’autorité. Tout le monde veut le pouvoir, aussi bien au Moyen-Age qu’aujourd’hui. A l’intérieur de l’Eglise, il y avait des guerres de pouvoir terribles. Les gens étaient prêts à tout. Et l’Eglise, bien évidemment, pouvait être totalement injuste et cruelle, quand tout à coup, elle estime que c’est son intérêt. Elle voulait qu’il n’y ait qu’une seule religion, la religion chrétienne. Et dès qu'il y avait des personnages comme la sorcière qui arrivaient et représentaient une autre tradition, culture ou un autre rapport mystique, elle essaie de les éradiquer.

    Est-ce que vous vous attendez à des réactions de la part de la communauté catholique ou des représentants catholiques ?

    Nicolas Cuche : Alors c’est marrant parce que j’ai vu une journaliste du Pèlerin qui a beaucoup aimé visiblement. Ce que je voulais, c’est qu’on parle de fond. C’est très important et je suis très sensible à ça. Mais en même temps, j’avais la volonté de faire un feuilleton haletant, de faire une vraie fiction, qu’on soit pris par les personnages, qu’il y ait une trame dramatique… Et ce n’est absolument pas dans mon intention de faire une série anticléricale. Je ne le vis pas du tout comme ça. Il y a beaucoup de tendresse dans mon inquisiteur. C’est un personnage que j’aime énormément. Vous verrez en allant jusqu’au bout que vous l’aimerez. Il fait un parcours extraordinaire dans l’histoire, et à la fin, on l’aime. Pour moi, ce n’est pas lui le vrai méchant dans l’histoire. Ce n’est pas le Dark Vador même si j’admets qu’il a ce look absolument incroyable. C’est finalement la tragédie de ce personnage qui se punit lui-même de ses blessures pendant l’enfance, et punit les autres parce que lui-même se sent coupable.

    Qu’est-ce qui vous a séduit dans le projet, son côté costume, son côté thriller ?

    Aurélien Wiik : Je trouvais ça fort, d'entreprendre une telle aventure à la télévision, d'explorer une partie de l'histoire méconnue. Ce n’est pas une période très alléchante. Surtout pour la jeunesse. Et le fait que ce soit abordé sous l'angle du polar médiéval, j’ai trouvé que ça pouvait attirer plusieurs sortes de spectateurs, dont des étudiants avides de découvrir cette période. Je trouvais ça intelligent de montrer la confrontation, déjà à l’époque, entre l’Eglise et la médecine, qui n’ont pas du tout le même point de vue sur les choses. Certains disent que la peste est une malédiction, les autres savent déjà que c’est une maladie. Et aussi que mon personnage, en plus de ça, soit juif et médecin… Et d’apprendre que la communauté juive était très implantée à l’époque. Chacun a son point de vue et mon personnage n’est pas d’accord avec celle qu’on considère comme une sorcière, qui exerce une autre sorte de médecine, un autre culte. Et j’aimais beaucoup l’idée de confrontation de ces différents cultes, parce que ce sont des discussions qu’on pourrait avoir aujourd’hui, entre les religions et la Scientologie ou à d'autres choses encore, où personne n’est d’accord parce qu’il y a certains de ces cultes-là qui sont très récents et qui bousculent des idées qu’on avait depuis très longtemps. J’avais déjà fait des films d’époque. J’en avais même fait beaucoup, mais le fait d’être père a amené une autre manière de jouer. Je ne pouvais plus du tout appréhender les situations comme je le faisais avant, à partir du moment où ce garçon a une relation très forte avec sa fille puisque la mère n’est plus là.

    Propos recueillis par Victoria Truong à Paris le 4 Juin 2012

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