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    Interview : "Antigone 34" selon Claire Borotra

    Dans "Antigone 34", Claire Borotra est Hélène de Soyère, une psycho-criminologue qui inspire la confiance mais qui la donne peu, qui lit les gens tout en restant elle-même mystérieuse, qui est intégrée à la police tout en restant en marge. AlloCine a interviewé la comédienne...

    AlloCine: Vous n’aviez jusque-là jamais joué dans une série policière. Pourtant vous avez exploré nombre de genres différents à la télévision, parfois même très "rares" (je pense aux "Zygs" notamment). On vous en a sûrement proposé auparavant. Quel a été le déclic pour "Antigone 34" ?

    Claire Borotra : Le projet m’a été présenté par une productrice indépendante que j’admire particulièrement, Bénédicte Lesage (La Journée de la jupe, Le procès de Bobigny) et j’avais envie de participer à son combat courageux pour innover et créer à la télévision. Il y avait une vraie volonté de sortir des sentiers battus et cela m’a plu.

    Hélène de Soyère, votre personnage  dans "Antigone 34", est un personnage en marge. Au mieux elle apparait comme un "alibi de modernité" dans la police d’aujourd’hui (les flics peuvent être "psychologisés" ou "psychologisants"), au pire elle est vue comme une "fouille-merde" qui peut empêcher les flics de faire leur boulot. En outre, elle agit également en tant que psycho-criminologue, capable de dresser un portrait psychologique des gens qui l’entourent. C’est une dynamique qui est une arme à double-tranchant, pour et contre elle, non ?

    Son point de vue "psychologisant" lui apporte une compréhension différente du monde et des gens. C’est une force je crois et une vision du monde qui, personnellement, ma passionne. Est-ce que cela peut lui nuire ? Je ne crois pas, son silence et son sens de l’observation sont des armes puissantes, des outils de pouvoir surprenants même !! Sa culture du mystère, une force protectrice !

    Ses meilleures armes face à cette agression constante sont son sourire, son calme, son écoute et sa disponibilité, semble-t-il à toute épreuve, non ? (et il est vrai que cela peut être désarmant). Mais justement ce sourire semble être aussi bien une arme pour faire craquer l’armure de la personne en face d’elle qu’une armure qu’elle porte pour se protéger. Je me trompe ?

    Derrière un sourire peuvent se cacher beaucoup de choses en effet. Sa douceur apparente et son écoute lui permettent d’avoir accès à des caractéristiques de la personnalité qui ne sont pas forcément lisibles au premier abord. Mais son sourire reflète sûrement aussi une forme de pudeur ou d’ambiguïté.  Un sourire est mystérieux, il ne dit rien et dit tout. Regardez la Joconde, si elle faisait la gueule vous croyez qu’on en parlerait encore ?!

    Claire Borotra et Xavier Gallais dans Antigone 34

    ©Mascaret Films/France Télévisions

    Votre personnage demande à ce que les gens qui la consultent lui fassent confiance… mais, elle, fait difficilement confiance et craint à peu près tout le monde. Il lui faut du temps pour confier à Léa son "affaire" de terrain et de corruption. Et d’ailleurs une des premières choses qu’elle lui dit à ce moment-là est une remarque sur le peu de confiance qu’elle accorde aux autres ! C’est un sacré paradoxe pour le personnage non ?

    Evidemment, mais ce sont ces paradoxes qui rendent un personnage intéressant à interpréter ! Nous ne sommes tous d’ailleurs que la somme d’un nombre incroyable de paradoxes, non ?! Alors oui… Elle veut qu’on lui fasse confiance mais ne fait confiance à personne, elle observe les autres mais ne dévoile rien de sa vie, elle incite les gens à se livrer mais parle peu d’elle, elle a l’air lisse et sans histoire mais attention…

    Et cette dualité se retrouve aussi dans sa personnalité. On a paradoxalement l’impression que c’est le personnage le moins cash de la série. Celle qui cache le plus, la plus secrète, la plus "illisible". Léa est fermée mais on la "lit" un peu plus facilement. Le parcours de vie de Victor est une des clés de lecture du personnage. Pour Hélène, on est dans le flou, dans la diversion (par le sourire ?)… c’est au final le personnage le plus mystérieux de la série non ?

    J’espère !! En tous cas , j’ai fait ce que j’ai pu pour lui apporter mystère et ambiguïté. Car qui dit mystère dit rêve, fantasme, évasion, et ça vaut souvent tellement mieux que la réalité ! Et quand le spectateur rêve, il est actif et ne consomme pas passivement ce qu'on lui offre.

    Vous avez indiqué dans une interview qu’"Antigone 34" avait davantage ses racines dans la télé-réalité que dans le monde des séries américaines. Dans son rapport avec le réel (qui est généralement un réel fabriqué et manipulé en ce qui concerne la "télé-réalité") ou avec la façon dont les téléspectateurs ont évolué dans leur rapport avec le réel (en général) et l’image du réel créé à la télévision ?

    Oui je crois que la télé réalité a changé la donne. Elle est extrêmement scénarisée (même mieux scénarisée que certaines fictions !!) et les interprètes ne jouent pas, ils "sont" les personnages et sont souvent d’ailleurs manipulés pour être au service de l’histoire. Du coup, je crois que cela a changé le rapport à la fiction en apportant le besoin d’avoir un sentiment de vérité. Mais la fiction est partout, aujourd'hui, regardez comment les médias scénarisent et exploitent certaines informations ou faits divers, cela dure des jours, des semaines et parfois des mois, ce n’est d’ailleurs plus de l’information, cela devient du divertissement !! Ils nous piquent notre job !!!

    C’est aussi une remarque que l’on peut faire avec le jeu du comédien à la télévision, non ? Sa marge de manœuvre a-t-elle diminué/changé ? Doit-il jouer "réel" ou faire "réel"  ? (dans ce cas, la transgression serait de ne pas coller au réel, non ?)

    Je crois qu’il doit en tous cas rechercher une forme de vérité dans son jeu. Jouer réel ne doit pas vouloir dit jouer à plat et sans relief. Les personnages doivent être investis d’une émotion, d’un enjeu, le fil de la narration doit rester tendu autrement c’est irregardable ! Quant à s’affranchir totalement du réel pourquoi pas ? Quand je revois Peau d'âne [ndlr: Affiche ci-contre], je me régale du jeu de Catherine Deneuve et de Jean Marais., je rêve d’en faire un remake déjanté !!

    C’est le même mécanisme avec "Les Experts". Les téléspectateurs ont désormais conscience de certains éléments scientifiques qui ont totalement changé leur vision d’une enquête policière (la recherche d’ADN ou la balistique par exemple). On ne peut plus faire de séries "comme avant". Cette évolution a-t-elle réduit le champ des possibles ou a-t-elle aiguisé davantage encore la fiction ?

    En tous cas la fiction américaine a changé la fiction française, ou du moins les attentes des spectateurs français en matière de fiction ! Il faut dire qu’ils maîtrisent bien leurs sujets (dans les projets qui arrivent  jusqu’à nous en tous cas), et quand ils racontent une histoire ils ont un point de vue et n’ont pas peur d’oser !!!.

    Et est-ce que ce rapport "forcé" avec le réel est spécifique d’une série policière ? En clair, est-ce qu’une série policière doit-elle être plus "réelle" qu’un autre genre fictionnel ?

    Je ne sais pas, j’aime la fiction documentée car pour y croire j’ai besoin de sentir qu’elle est imprégnée du réel. J’ai l’impression que quel que soit le genre et le sujet, il faut être juste et proche de la réalité pour que ça marche, mais une réalité racontée avec un point de vue, sous tendue par une analyse, une réflexion…

    En quoi le fait d’enraciner la série dans une ville comme Montpellier, ou plus généralement en Province, change la donne pour une série ? Et plus spécifiquement pour une série policière.

    Montpellier, et particulièrement  le quartier d’Antigone, offre des paysages très graphiques. Le quartier dessiné par Bofill est très photogénique et participe à la sensation de modernité qui, j’espère, se dégage du projet. Montpellier est cosmopolite, multi-culturelle, originale, comme la France Moderne !!

    Sur le tournage d'Antigone 34 à Montpellier

    ©Mascaret Films/France Télévisions

    Vous avez écrit et produit "Vive les vacances", vous vous êtes également investie dans les fictions "Les enfants j’adore" et "Autopsy". Quel est votre prochain projet derrière la caméra ? Une idée de téléfilm ou de série en tête ? Une envie de long-métrage en particulier ? J’ai l’impression que votre sensibilité à la narration, au cadrage et à l’utilisation de la lumière dans "Antigone 34" cache une envie particulière de mettre en scène…

    La mise en scène…peut-être un jour ! Mais avec des acteurs sympas alors, pas avec des casse pieds !! Cela dit j’ai ma liste, depuis le temps que je fais ce métier, je sais avec qui travailler et avec qui éviter de travailler !!! J’ai des projets de production et d’écriture mais bon je préfère agir que parler… Je vais essayer de faire et nous en parlerons après

    Pour en revenir à "Antigone 34" justement, en quoi sa forme (cadrage et lumière en particulier) a quelque chose en plus ? Ou plutôt, puisqu'il est parfois vain de comparer, qu’est-ce qui vous séduit dans cette forme et qu’est-ce que cette forme raconte et apporte de particulier dans "Antigone 34" ?

    Il ya avait à chaque poste une volonté d’inventer. La caméra mouvante vient de cette envie là, donner la sensation de documentaire, faire comme si le spectateur était le 3 ème homme de l’histoire ! Louis-Pascal Couvelaire, Brice Homs et Roger Simonsz ont apporté beaucoup à cette forme originale !!

    Claire Borotra sur le tournage d'Antigone 34

    ©Mascaret Films/France Télévisions

    Il y a un peu une structure particulière dans "Antigone 34", avec des enquêtes successives (résolues à chaque épisode) qui tournoient autour d’un récit central éclaté entre les différents personnages, un récit qui est l’épine dorsale de la série et qui prend de plus en plus d’importance au fil des épisodes jusqu’à en devenir le moteur principal. Une affaire centrale qui a d’ailleurs plus d’impact émotionnel du fait qu’elle touche des protagonistes qui se sont révélés/dévoilés au fil des enquêtes successives et dont les relations ont grandi au fil des épisodes. C’est une structure de narration qui vous plait / qui vous parle en tant que comédienne / scénariste / téléspectatrice ?

    Oui j’aime bien cette structure mais en tant que spectatrice, je regrette un peu qu’il y ait une affaire bouclée par épisode. Dans la première version du scénario ce n’était pas le cas et je préférais. C’était plus proche d’une narration à la "State of Play" produit par BBC. Boucler une enquête par épisode empêche d’aller au bout de l’univers exploré et de sa complexité car on n’a pas le temps. Mais bon, cela permet de visiter deux nouveaux univers par soirée !

    Quels souvenirs gardez-vous du "Bleu de l’Océan" ? Le meilleur feuilleton estival selon moi…

    Merci !! Y’en a eu d’autres ?????  Plus sérieusement, je garde le souvenir ému d’avoir eu la chance de tourner dans la région natale de mon père ! Et puis je revois, en vrac, les loups, les faucons, les Pyrénées, l’ours que le dresseur avait dû amener car il ne pouvait pas le laisser seul et qu’il promenait sur le parking de la residence Pierre et Vacances !, l’Atlantique, les fous rires avec mon vieux copain Tinivelli, les longues journées de travail, le froid,  l’eau glacée dans laquelle il a fallu que je me baigne… Ouf, rien que d’y penser je suis à nouveau crevée !!

    Nous allons bientôt interviewer Guillaume Cramoisan. Pourriez-vous nous révéler une anecdote de tournage amusante sur le téléfilm "10 jours pour s’aimer" ? Auriez-vous une question à lui poser avec le recul ? Quel partenaire de jeu est-il ? Quelle est sa particularité ?

    Guillaume a été un partenaire plein de délicatesse, attentif, et talentueux. Je souhaite à toutes les actrices de tourner avec lui c’est comme des vacances ! En revanche on en a souvent débattu et je peux dire aujourd hui qu’il se trompe quand il dit que Jack Johnson est nul, j’adore la musique de surfeur et Jack est le meilleur "épicétou" !!!

    Propos recueillis par Thomas Destouches à Paris le 30 mars 2012

    Remerciements à Claire Borotra et Nathalie Rouanet

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    Imaginée par Alexis Nolent et Brice Homs, est diffusée sur France 2 tous les vendredis à 20h35.

    Antigone 34, c’est le nom du commissariat où exerce Léa (Anne Le Nen). Sous la pression d’un ennemi invisible et puissant, elle s’attache à un médecin radié et marginal, Victor Carlier (Bruno Todeschini), et à une psychologue anticonformiste Hélène de Soyère (Claire Borotra). Ses enquêtes sur des crimes "ordinaires" croisent des enjeux locaux et universels...

    Découvrez ci-dessous la bande-annonce :

    Antigone 34

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