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    "A droite toute" : l'équipe au micro

    Réalisateur, acteurs, compositeur... A l'occasion de la diffusion d'"A droite toute", rencontre avec une équipe unie autour d'un projet brillant.

    Bernard, vous trouvez que votre personnage est décalé, comme le disait Marcel Bluwal ?

    Bernard-Pierre Donnadieu : Tous les metteurs en scène disent à leurs acteurs qu'il les ont mis dans un rôle où on ne les avait jamais vu. Dans tous les films que je fais, à chaque fois, le metteur en scène me dit : "Ah, tu n'as jamais été comme ça". Là, tu as envie de leur dire gentiment d'aller regarder ta filmographie pour qu'ils voient qu'ils se sont trompés. Pour le coup, Marcel a du bol ce coup-ci, puisque sa mini-série est passée avant (dans le cadre de festivals). Mais cette année, j'aurais pu faire le film de Christophe Barratier (Faubourg 36) dans les costumes d'A droite toute et inversement. J'ai fait le film en même temps et j'ai exactement le même look dedans...

    C'est agréable pour vous de porter enfin le costume ?

    Non, j'ai horreur de ça. Je ne supporte pas... Parce que lorsque j'étais petit, je ne supportais pas l'habit du dimanche. On ne pouvait plus courir, il fallait faire attention de ne pas faire de tâches. C'était une prison pour moi. Mais bon là, c'était pour la bonne cause, j'étais payé...(rires) Le truc, c'est que ce n'est pas une question d'être bien habillé, mal habillé. J'ai déjà fait des rôles de notables ou des trucs comme ça, mais ce qui m'a plu dans cette mini-série là, c'est d'être bien servi sur le plan de la qualité. Je me souviens quand j'étais petit, j'étais allé voir Andrey Rublyov. Et je me souviens m'être dit en sortant de la salle de cinéma : quand on a fait un film comme ça, c'est fini, on ne peut plus en faire d'autre derrière. C'est quelque chose qui m'a toujours traumatisé. Je me dis qu'il faut commencer par faire des mauvais films et augmenter en qualité parce que si on commence par un très bon film comme Andrey Rublyov, qu'est-ce qu'on peut accepter après ? Moi, je suis toujours confronté à ce problème... Et à chaque fois que je rencontre un metteur en scène, comme Marcel, comme Failevic, je lui dit : "Tu me fous dans la merde. Parce qu'une fois que j'aurai fait celui-là, qu'est-ce que je vais faire après ? Je suis au chômage pendant combien d'années ?" Je ne veux pas baisser en qualité. Je veux toujours rester au niveau. Quand j'ai fait Jusqu'au bout, je lui ai donc dit qu'il me mettais dans l'embarras et effectivement, je suis resté trois ans sans rien faire. Et maintenant, Marcel, on est dans la merde, qu'est-ce qu'on va faire ! C'est donc une question de qualité de film et pas de rôle.

    Qu'est-ce que vous diriez de votre personnage ?

    Je dirais que c'est un type qui souffre. Et la souffrance le fait basculer... Moi, je vois dès que ma fille se blesse, la première chose que je fais c'est que je l'engueule parce que je souffre. Et ma souffrance, je l'exprime comme ça...

    Marcel Bluwal : Moi quand j'ai écris le film, j'ai écrit un père qui tuait les femmes autour de lui. L'une se saoule, l'autre se suicide et la troisième résiste. Toutes subissent la dictature du père.

    Bernard-Pierre Donnadieu : Il les tue mais il les aime quand même.

    Béatrice Agenin : Il y a cette tenue, l'impossibilité de faillir par rapport à un but. A l'époque, et ce qu'on ne trouve plus du tout dans les entreprises d'aujourd'hui, c'est cette idée de l'entreprise familiale. Les ouvriers c'étaient la famille, c'était quelque chose à faire tenir... Il y a quelque chose d'humain de vouloir que tout tienne droit. Les costumes, c'est pareil... Ce sont des gens qui ne s'abandonnent pas, il y a une tenue, une respectabilité.

    Samuel, vous avez lu autour de la période pour vous préparer ?

    Samuel Labarthe : Le film est tellement riche en tout. On a l'impression d'assister à une fresque totalement véridique de l'époque... Il m'avait dit que mon personnage était très largement inspiré de Pierre Drieu La Rochelle, mais je n'ai pas forcément eu besoin de lire toute son oeuvre pour y arriver. Tous les éléments du personnage sont là. En plus, l'écriture est là. Il n'y a pas une virgule à changer, pas un mot : le texte est là. Marcel a la vision du personnage, on n'a qu'à se glisser dans un fourreau. Et en plus, on a en face des acteurs magnifiques...

    Bernard-Pierre Donnadieu : Dans ce film, je n'ai pas senti d'égo... Tout le monde s'est fondu. Tout le monde voulais jouer ensemble.

    Comment s'est passé le tournage ?

    Marcel Bluwal : Je vais vous dire la vérité... J'ai tourné le film pour mon 82ème anniversaire. Je me disais : 45 jours de tournage, je vais tenir ou je ne vais pas tenir ? Le 4ème jour, je me suis demandé si j'allais revenir le lundi ou téléphoner. Et puis je suis revenu... Plus tard, je me suis aperçu que j'étais encore capable de tenir 45 jours. Mais, il y a une chose que je déteste faire, c'est les heures supplémentaires. Or, c'est la mode. Là, on en a fait trois et il y a même des jours où l'on a fini avant l'heure.

    Samuel Labarthe : Pour ce film, il y a eu un énorme travail de préparation derrière qu'on ne rencontre plus sur les tournages.

    Marcel, c'est quoi votre prochain projet ?

    Je voudrais réussir le même coup qu'avec A droite toute, c'est-à-dire parler aux Français d'une époque qu'ils ne connaissent pas. Avec A droite toute, c'était la première fois qu'on parlait de "La Cagoule". Cela ne s'est jamais fait. Et il ya une deuxième période que j'ai vécue et dont les Français ne savent rien... Pour les Français, la fin de la guerre, c'est la libération solaire de Paris, tout est extraordinaire. C'est les 30 glorieuses, le retour à la puissance, De Gaulle qui parle, qui tape sur la table... Les deux pires années de cette époque-là, c'est 1945-46. On a eu froid, on a eu faim et la France était sur le bout des fesses, sur un strapontin, elle peinait à tenir. Les Américains nous occupaient et les Français n'aimaient pas les Américains à cette époque-là. Les Français se disaient alors : On n'avait rien parce que les Allemands nous prenaient tout mais maintenant les Américains sont là, ils amènent et ils bouffent tout de chez eux, mais on mange toujours pas !" Donc, dans mon prochain projet je voudrais parler de cette époque-là et de la condition féminine.

    Interview réalisée lors du 10ème Festival de Luchon, en février 2008

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