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AlloCiné : Comment en êtes-vous arrivé à doubler le personnage du "Dr House" ?
Féodor Atkine : La directrice artistique Nathalie Rimbaud m'a demandé un jour si ça ne m'embêtait pas de faire des essais. Comme je ne fais pas énormément de doublage, dans la mesure où j'ai toute mon activité cinéma-théâtre-télévision et autres, et que c'est quelqu'un d'extrêmement sympathique, je lui ai dis que ça ne me posait strictement aucun problème. Donc j'y suis allé, et tout le monde a trouvé que je collais parfaitement au rôle.
Qu'est-ce qui vous a séduit chez le "Dr House" ?
Tout à fait au début, on m'a fourni un certain nombre d'épisode parce que j'étais inquiet. Je me disais que 5 saisons, c'était 120 épisodes. Ça voulait dire des périodes assez intenses sur les 6 premiers mois de l'année. Et par rapport à ce que j'entreprends par ailleurs, je me disais que ça allait pas mal me bloquer. J'ai donc demandé à voir les épisodes. Quand j'ai vu ce que faisait Hugh Laurie, j'ai été absolument subjugué, conquis, bouleversé par ce personnage. Et ça ne m'a plus posé de problème une seule seconde, j'ai accepté tout de suite. J'aimais cet anti-héros qui ne tombe pas dans les schémas classiques du gentil et du méchant. C'est un personnage complètement polymorphique, qui a la possibilté d'aborder la situation sous un angle qui n'est pas celui auquel on s'attend. House a un charme indéniable. Il est capable de renverser des situations qui jouent à sa défaveur par un jeu de l'esprit qui est d'une précision, d'un tranchant qui dépassent toute imagination.
Hugh Laurie est-il difficile à doubler ?
J'ai dû travailler une voix pour le Dr House. Ce n'est pas ma voix habituelle dans la série. Il fallait faire un travail d'assimilation de son rythme, de son timbre. En outre, il y avait une chose qui n'était pas très facile, et qu'il a fallu réaliser en l'accord avec Nathalie Rimbaud. Hugh Laurie est britannique. Même s'il parle parfaitement américain - il n'a pas une trace, une once d'accent anglais dans son parler -, il conserve néamoins une façon bien particulière de passer en dessous et de lancer des pics extrêmement acérés, avec un humour à froid. Il se trouve que la perception de cet humour est assez difficile pour le large public français. C'est pour ça que j'ai tiré, toujours en accord avec la directrice artistique, le personnage vers un excès vocal qui me semblait plus facile à percevoir pour le public français.
Vous découvrez il me semble les répliques au fur et à mesure. Comment faites-vous pour anticiper, pour vous préparer ?
C'est la complicité que nous avons avec la directrice artistique, Nathalie Rimbaud, qui est absolument essentielle. C'est-à-dire qu'elle connaît très très bien les épisodes pour les avoir reçu à l'avance, pour avoir travaillé avec les traductrices, deux jeunes femmes qui traduisent les textes, qui les adaptent au langage français et les donnent ensuite aux techniciens et calligraphes qui transposent sur la bande rythmo le travail qu'elles ont fait, qui est supervisé par un médecin français, le Professeur Van Stein. Celui-ci voit, par rapport au texte américain, s'il n'y a pas d'erreurs, et bien entendu fait passer les épisodes par le filtre de sa connaissance très précise de la médecine, pour savoir s'il n'y a pas d'erreurs fondamentales dans le développement d'un processus de soins ou d'une thérapie particulière. Nathalie visionne ensuite les épisodes, encore et encore. Elle les étudie véritablement bien, ce qui fait que quand nous arrivons, on a d'abord un briefing qui nous donne la couleur générale de l'épisode qu'on va doubler. Et une fois qu'on l'a, - et c'est ça qui est formidable de sa part - elle nous réserve des surprises. C'est-à-dire qu'on n'a pas la résolution de l'énigme qui est développée dans le scénario de l'épisode en amont de notre travail. On le découvre au fur et à mesure. Ce qui nous permet d'avoir suffisamment de fraîcheur pour ne pas faire d'erreur d'interprétation comme si nous étions déjà blasés et connaissant la fin de l'épisode ou connaissant la résolution du problème.
Un épisode de "Dr House" se double en combien de temps ?
C'est variable en fonction du nombre de personnages qu'il peut y avoir. Généralement, nous avons aux alentours de 3 à 4 jours pour 2 épisodes. Mais des journées entières ! Nous commençons à travailler à 9h le matin et nous finissons à 8h le soir. Et parfois même beaucoup plus ! Il nous est arrivé de rester au studio beaucoup plus longtemps pour affiner le travail, pour aller jusqu'au bout de ce qu'on nous demande de faire, de ne pas nous contenter d'un doublage disons "classique". Nous faisons 4 épisodes par mois. Ceux de la saison 4 sont entamés depuis janvier. La grève des scénaristes va nous amener à repousser le boulot dans le courant de l'été en fonction de nos disponibilités à tous.
Vous avez également fait du doublage pour des dessins animés. Est-ce plus facile ?
Quand je suis allé faire Jaffar dans Aladdin, la directrice artistique Pierrette Pradier, m'a demandé de venir voir si on pouvait le faire ensemble. Et elle m'a dit "Féodor, le dessin animé, c'est vraiment quelque chose de particulier. C'est-à-dire que pour que ça paraisse naturel, il faut que ça soit très excessif. Mais vraiment très excessif." Et elle m'a dit : "Bon, on va essayer, voilà une scène, tu vas dans la cabine, et tu en fais des tonnes." Alors je me suis agité comme un malade, j'en ai fais des tonnes, vocalement j'entends, pour coller au personnage. Et une fois l'enregistrement terminé, elle a ouvert la porte de la cabine et elle m'a dit : "Non Féodor, tu n'as pas très bien compris. J'ai dit DES TONNES !" Effectivement, dans le dessin animé, il faut être très excessif. Pour pouvoir coller à quelque chose qui est hors-réalité, on est obligé de dépasser le stade du naturalisme.
Pensez-vous qu'il y a une spécialisation dans le doublage ?
Personnellement, je serai très gêné, irrité et déçu si quiconque venait un jour me dire "Ah mais vous êtes comédien de doublage...". Non, absolument pas. Ce n'est pas le cas. Je veux dire, n'importe lequel d'entre nous est capable de faire comme je le fais moi, de jouer La dispute, en ce moment, tous les soirs (ndlr : jusqu'au 17 février, l'interview a été réalisée le 8 février), de tourner un long métrage dans quelques semaines où je pars en Espagne travailler avec Dominique Maillet (ndlr : Tierra (s) de sangre), d'être il y a quelques jours à la Maison de la radio en train de lire un texte contemporain pour France Culture, de tourner un épisode ou un film de télévision, et d'aller faire le commentaire d'un documentaire de la BBC dans un studio d'enregistrement à l'autre bout de Paris. Tout simplement parce que ça fait partie d'un tout, d'un ensemble qui est celui de l'interprétation.
Quelles sont vos séries TV préférées ?
Je dois vous avouer que jusqu'à Dr House, je n'avais pas une passion particulière pour les séries télévisées. Je suis un amateur de cinéma depuis longtemps. A une période de ma vie, je devais aller au cinéma 10 fois par semaine. Pour moi, les séries étaient quelque chose que je n'avais pas pénétré du tout. Les seules séries que je connaissais étaient des séries françaises, ou les séries américaines des années 80 comme Dallas. Ça ne m'avait pas laissé un souvenir impérissable. Je n'avais donc pas eu conscience du tout de l'évolution de l'écriture, de l'évolution de la capacité de raffinement et d'exploration qu'ont pu faire les scénaristes et les réalisateurs. Tout a commencé lorsqu'un ami commun, à ma femme et moi, nous a prêté le coffret DVD de Six Feet Under. Nous avons été totalement accros. C'est une pure merveille. La qualité du travail de cette série est exceptionnelle. Nous avons vu aussi Desperate Housewives, Oz et Carnivàle qui est totalement atypique et remarquable. Maintenant évidemment, il y en a d'autres que nous avons bien envie de découvrir.
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Propos recueillis par Benoît Gonnot & Pascal Muscarnera le 8 février 2008
Montage réalisé par Frédéric Heusse
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