Vocation
Christophe Turpin : Je défends vraiment la vocation, le côté "on aime ça depuis toujours". Même un mec comme Guillaume Canet est devenu comédien un peu par opportunisme d'après ce que j'ai compris, pour pouvoir vivre et arriver à faire des films plus tard. J'aime bien ça... A l'inverse, ça m'énerve un peu les gens qui sont comiques ou autre, qui n'ont rien à voir avec ça, et qui du jour au lendemain par opportunité décident de développer des films. Il y en de plus en plus... Ce n'est pas mon approche. Je considère que c'est un métier qui s'apprend, qui demande de la rigueur. Sans vouloir me comparer, mes réalisateurs préférés ont tous commencé en faisant des petits films dans leur coin. Gamin, j'étais fasciné par Steven Spielberg qui tournais des longs métrages à 12 ans, qui avait tout appris sur le tas. C'est vraiment un surdoué, l'exemple à suivre.
Formation
Le Bac, et les études en général, ça ne sert strictement à rien pour faire ce métier. Les écoles de cinéma, c'est bien pour rassurer un peu les parents et se rassurer soi-même en se disant qu'on est dans quelque chose d'un peu structuré. S'il y a une formation que je peux conseiller, qui n'est pas très chère, c'est la collection Dixit. "Comment faire de votre scénario un scénario formidable" ou des choses dans le même style : ce sont souvent des titres un peu alambiqués, mais ces livres vous expliquent de manière très rigoureuse la construction d'un scénario, les pièges à éviter... J'ai beaucoup appris en lisant ces livres, en regardant des films forcément, et en écrivant tous les jours.
La révolution numérique
L'avantage de l'écriture c'est que ça ne coûte rien : n'importe qui peut écrire, jusqu'au moment où ça peut éventuellement marcher. Après, quand on écrit et que les films ne se font pas, ça peut être décourageant. A l'époque, j'ai réussi à monter et réaliser un moyen métrage, grâce notamment à des relations qui m'on permis de faire la post-production de manière correcte. Aujourd'hui, c'est beaucoup plus simple de réaliser et monter des films dans des petites conditions qu'il y a 10-15 ans. Les nouvelles technologies permettent aux jeunes cinéastes de s'entraîner beaucoup plus facilement. J'en ai profité un peu sur le tard, mais ado, j'aurais tourné des films en pagaille !
La "loterie du CNC"
En 1994, l'un de mes courts à eu l'aide du CNC et l'aide de Canal Plus. Ce qui a fait que le film s'est fait dans de bonnes conditions. J'ai continué à écrire des scénarios, je me suis mis au long sans toutefois arriver à monter les films. En 1996, un autre de mes projets a reçu une aide à la maquette de la part du CNC. Quand j'ai eu ces aides du CNC et de Canal Plus, j'étais totalement inconnu. Je n'avais pas de relation dans le milieu, et ça prouve que l'on peut recevoir des aides sans faire partie du "milieu". C'est l'avantage en France : le CNC, c'est un peu une loterie, et même s'il y a sans doute un peu de copinage, ça permet à tout le monde de pouvoir accéder à des aides pour faire des films. Par contre, l'un des gros défauts du CNC, c'est qu'il privilégie le cinéma auteuriste. Dès qu'on leur parle de cinéma de genre, ça passe à la trappe quasiment systématiquement.
Protéger son travail
Il faut toujours protéger son travail, en passant par la SACD. Il faut impérativement le faire. Par contre, on ne peut pas protéger une idée : je me suis renseigné sur toutes ces histoires de plagiat, et il faut savoir qu'on a le droit dans l'absolu de reprendre une idée ou un concept, du type, comme Jean-Philippe, "Je me réveille dans un monde où mon acteur préféré n'existe pas". Il faut juste que l'histoire finale ne ressemble en rien à l'autre. Le plagiat, c'est une succession de ressemblances et de similitudes. Au départ, j'ai pris le risque de raconter l'idée de Jean-Philippe et on aurait clairement pu la reprendre. Après, une fois que le scénario était écrit, tout était bien verrouillé.
Défendre ses choix
J'ai eu la chance de contrôler le scénario de Jean-Philippe tout le temps. Même quand le réalisateur souhaitait essayer quelque chose d'autre, c'est moi qui réécrivais le script. Mais je suis conscient d'avoir eu de la chance, car je pense que les scénaristes perdent très souvent le contrôle de leur "bébé". Comme j'écris depuis dix ans, je connais mon boulot et je pouvais défendre mes choix. C'est essentiel de pouvoir défendre ses choix, de les argumenter, et surtout de bien connaître son scénario. Il faut savoir à quoi sert chaque scène, et surtout ne pas écrire de scènes "inutiles". Si on me demande d'enlever une scène, c'est comme retirer le maillon d'une chaîne : ça risque de tout déséquilibrer et il faudra tout reconstruire derrière. Les producteurs ont parfois du mal à comprendre ça, mais un scénario bien écrit, c'est comme un château de cartes : tu en enlèves une, tout s'écroule.
Propos recueillis par Yoann Sardet à Paris le 30 mars 2006