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    "Virgil" : rencontre avec un boxeur nommé Jalil Lespert

    Pour la sortie du premier long-métrage de Mabrouk el-Mechri, "Virgil", Jalil Lespert monte sur le ring d'Allocine pour un entretien...

    Remarqué dans le rôle d'un body-builder dans Vivre me tue de Jean-Pierre Sinapi (2002), révélé au grand public par son interprétation du jeune journaliste fasciné par François Mitterrand dans Le Promeneur du Champ de Mars de Robert Guédiguian (2004), l'acteur français Jalil Lespert se fait boxeur pour le premier film de Mabrouk el Mechri, Virgil, en salles ce 7 septembre. Morceaux choisis d'une interview musclée...

    Comme vous, Mabrouk el-Mechri a lancé sa carrière par les courts-métrages. C'est ce qui vous a conduit à accepter le rôle ?

    C'est vrai, j'ai fait un casting pour un court métrage il y a 10 ans (Jeux de plage de Laurent Cantet ndlr), j'ai été pris et c'est ce qui m'a permis de lancer ma carrière... mais ce n'est pas ce qui m'a poussé à tourner avec Mabrouk !(rires) J'ai juste adoré son scénario ! J'ai su qu'il était capable de produire une mise en scène efficace et touchante à la fois. C'est rare dans le cinéma français... En plus, c'était fascinant de le voir diriger, tout est très millimétré, les dialogues, les chorégraphies... Pour m'imprégner pleinement de son univers, j'ai ensuite découvert ses courts-métrages dont celui avec Léa Drucker que j'ai aimé (Concours de circonstances, ndlr). Là, je me suis dit que c'était le bon gars !

    En quoi vos rôles précédents vous ont-ils aidé à camper Virgil ?

    C'est toujours enthousiasmant d'avoir un rôle conséquent dans un film : on a des responsabilités et on se dépasse pour les assumer au mieux. Cela étant dit, même s'il s'intitule Virgil, c'est vraiment un film choral... Ce qui m'a stimulé c'est l'univers si contemporain de mon personnage, et donc de Mabrouk el Mechri : j'ai le même âge, j'ai toujours voulu jouer au cow-boy ou au boxeur (rires) ! Plus sérieusement, je suis très sportif et dès que je peux m'exprimer physiquement dans un film, ce qui est rare, je fonce... Plus que mes rôles, ce sont les rencontres qui m'aident. Je pense à Laurent Cantet, sans qui je n'aurais pas commencé, Alain Resnais pour Pas sur la bouche, Jean-Pierre Sinapi pour Vivre me tue et bien sûr Mabrouk el Mechri.

    Vous incarniez un body-builder dans "Vivre me Tue" de Sinapi, il y a sûrement eu des similitudes dans votre préparation physique...

    En fait, j'en ai beaucoup moins bavé pour Virgil ! Pour le film de Jean-Pierre, le travail était beaucoup plus rébarbatif, c'était de la gonflette pure ! Ca a duré 9 mois... Enfin un an car je m'entraînais encore sur le tournage, et j'ai d'ailleurs refusé plusieurs projets pour ça. Daniel (son rôle dans Vivre me tue, ndlr) était un écorché vif, un homosexuel qui ne s'assume pas, un simple d'esprit : bref les failles étaient plus profondes. Par opposition, Virgil est résolument positif. Pour ma préparation physique, l'idée n'était pas de se battre réellement car je ne pouvais pas me permettre d'avoir des bleus, les assurances n'auraient pas apprécié ! Ni Tomer Sisley ni moi ne sommes boxeurs tandis que les autres l'étaient. L'important pour Mabrouk el Mechri était ma maîtrise des chorégraphies et des combats, pas la musculature...

    Avez-vous tout de même visionné des films de genre ?

    Bien sûr. J'ai eu deux ou trois référents de la part de Mabrouk el Mechri. Ceux que j'apprécie sont Nous avons gagné ce soir (Robert Wise, 1949), Sur les quais (Elia Kazan, 1955) évidemment mais malheureusement, je n'ai pas pu voir le dernier Clint Eastwood, Million Dollar Baby qui n'était pas sorti au moment du tournage. Plus que sur la boxe, nous avons travaillé sur la relation de Virgil et Margot (Léa Drucker), on a visionné Punch-drunk love - Ivre d'amour par exemple, de Paul Thomas Anderson pour forger ce personnage plein de bonne volonté mais néanmoins très maladroit. Je me suis aussi inspiré de la série Les Soprano car l'idée pour Mabrouk el Mechri était de faire une série B avec tout ce que ça implique. Moi, je me suis beaucoup inspiré de personnages de BD pour être tout de suite identifiable notamment de XIII où le héros a la gueule carrée, est mal rasé. D'ailleurs si le film fonctionne, c'est parce que les personnages sont tous construits ainsi, que ce soit l'entraîneur sur son fauteuil roulant (Chris Nahon) ou Ernest avec son poing en fer (Jean-Pierre Cassel). On est très loin du naturalisme de mes débuts !

    En tout cas, vous avez l'air très à l'aise dans la peau de ce personnage torturé...

    On se ressemble, car je suis assez carré comme type dans la vie, je ne suis pas très roublard, je n'aime pas ça et je n'aime pas les gens qui le sont... enfin roublard ça peut être sympa mais... bref, je n'aime pas les anguilles ! Un acteur est forcé de donner de soi pour incarner un personnage... Je suis aussi maladroit que Virgil, je ne suis pas un coureur de jupons non plus et mon rapport à Margot me rappelle des choses personnelles... Mais je n'ai jamais crever de pneus pour garder une fille !

    Parlez-nous de votre collaboration avec Léa Drucker ?

    Je l'avais vu au théâtre et je l'ai trouvé très bonne. Pour le cinéma, je l'ai découvert dans le court-métrage de Mabrouk el Mechri, Concours de circonstances. J'étais donc très emballé de jouer avec elle et ça a bien marché du fait de nos caractères opposés, ne serait-ce que physiquement. C'est un plaisir de bosser avec quelqu'un d'adorable. Toute l'équipe bossait énormément d'ailleurs mais dans un tel plaisir !

    Et que pouvez-vous dire sur l'histoire d'amour entre Margot et Virgil ?

    Difficile à résumer... C'est comme une évidence qui crève les yeux et qui pourtant ne se met pas en marche facilement. Si tout est facile, on s'ennuie au cinéma...

    Votre premier baiser, sur le toit de la prison, est saisissant de naturel. Etait-ce votre décision de jouer la scène ainsi ?

    C'est nous qui l'avons jouée à l'instinct, on ne nous a pas dit "Soyez maladroits !" mais ça rejoint ce que Mabrouk el Mechri avait en tête à savoir Punch-drunk love - Ivre d'amour de Paul Thomas Anderson, un film où les personnages sont très maladroits. En plus, ce n'est jamais facile d'embrasser sa partenaire avec qui on a aucun rapport amoureux dans la vie.

    Vos jeux de regard avec Jean-Pierre Cassel au parloir sont fascinants. Etait-ce difficile de soutenir son regard ? Etait-ce délicat de rester silencieux face à un tel "moulin à paroles" ?

    C'était un pur plaisir ! Je suis chanceux, j'ai fait un film la même année avec Michel Bouquet (Le Promeneur du Champ de Mars, ndlr) et Jean-Pierre Cassel qui sont deux grands acteurs français. J'ai eu peur avant de tourner mais çà s'est vite transformé en excitation. S'ils sont acteurs depuis tant d'années, c'est parce qu'en plus d'être talentueux, ils sont très généreux. Les scènes de parloir sont parmi mes préférées, c'est évident. Concernant son débit de paroles, ce n'était pas difficile, en fait c'est un truc que nous avons décidé au tournage. Virgil parlait beaucoup plus au départ, il était blagueur, etc... Mais je me suis dit que ce mec a tapé dans des sacs toute sa vie, donc il ne peut pas avoir autant de répartie ! Alors, on a enlevé les répliques au fur et à mesure. En plus, dans le film, tout marche par paire : Virgil et Ernest (Jean-Pierre Cassel), Virgil et Margot (Léa Drucker) ou Ernest et Louis (Philippe Nahon). Et dans chacune d'elle, il y a en un qui parle pour deux.

    Virgil utilise la boxe pour s'exprimer. Le cinéma est-il votre moyen de communication ?

    Certainement, car on est obligé de se mettre en avant, d'avancer masqué... Tout ça devant une caméra en plus...

    Propos recueillis par Anais Clanet le 23 août 2005

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