Mon compte
    "Mensonges et trahisons" : rencontre avec le réalisateur

    Pour AlloCiné, le réalisateur (et ancien journaliste ciné) Laurent Tirard revient sur l'aventure "Mensonges et trahisons et plus si affinités..." avec Edouard Baer. Morceaux choisis.

    Ancien lecteur de scénarii pour Joel Silver à Hollywood, ancien journaliste pour Studio Magazine, script-doctor à ses heures, Laurent Tirard a réalisé son rêve de cinéma avec Mensonges et trahisons et plus si affinités..., comédie emmenée par Edouard Baer, Clovis Cornillac, Marie-Josée Croze et Alice Taglioni sortie le 8 septembre dernier. Un pari gagnant pour le jeune cinéaste, qui a déjà déridé près de 500 000 spectateurs. L'école Studio Magazine, les débuts derrière la caméra, le trublion Edouard Baer : Laurent Tirard revient avec nous sur ce premier film...

    AlloCiné : Le film a bien démarré avec déjà près de 500 000 entrées. Heureux ?

    Laurent Tirard : Rassuré ! C'est assez amusant parce qu'au début du tournage, on se dit "Pourvu qu'un peu de monde vienne le voir !" Puis on fait le film, on voit qu'il plaît, on fait une tournée en Province et on voit qu'il plaît vraiment beaucoup, le distributeur commence à y croire... Nous étions persuadés que la film allait s'adresser aux Parisiens trentenaires principalement. Et j'ai été très surpris de voir que le film touchait autant les ados de 14 ans qu'un public beaucoup plus âgé. Ce qui m'a également fait plaisir, c'est que le film semble beaucoup toucher les femmes.

    Comme Thierry Klifa ou Marc Esposito, vous venez de "l'école Studio”...

    C'est un pur hasard. Ce n'est pas vraiment une école dans le sens où on n'y va pas en espérant être formés. Maintenant c'est vrai que dans le cas de Thierry Klifa (Une vie à t'attendre) ou le mien, nous sommes arrivés au journal en disant "On est ici en transit, on veut faire des films et on finira par partir pour aller faire nos films". Et ça s'est fait, même si cela a pris un peu plus de temps que prévu. C'était également un peu le cas de Marc Esposito (Le Coeur des hommes) ou Denis Parent (Rien que du bonheur), qui ne voulaient pas forcément faire du journalisme mais qui aimaient le cinéma et avaient cette envie de faire du cinéma.

    En tant qu'ancien critique, que ressent-on quand on passe de l'autre côté de la barrière et que l'on se retrouve soumis au regard et au jugement des autres ?

    Ca me faisait peur, mais finalement, les quelques critiques méchantes que j'ai lues m'ont plutôt fait rire car elles ne m'attaquaient pas personnellement et venaient de gens qui rejetaient le film de façon globale, ne correspondant pas à leur vision du cinéma. Donc je ne l'ai pas mal vécu de ce point de vue. J'avais peur de lire des choses qui pointeraient du doigt des doutes ou des craintes que j'avais moi-même, mais cela n'a pas été le cas au final. Pour être totalement honnête, les critiques méchantes ne m'ont pas atteint et les critiques positives m'ont fait plaisir, même si je trouvais toujours qu'il n'y en avait pas assez ! (Rires)

    Mais est-ce qu'on ne prend pas un peu de recul une fois dans le siège du réalisateur, en se disant que finalement ce n'est pas si facile...

    Bien sûr. Quand on souffre pendant des mois, on se dit qu'on va être descendu par la critique et que les journalistes ne se rendent pas compte à quel point c'est dur. Mais cela fait partie du jeu : si les critiques commencent à rentrer en empathie avec les cinéastes, ils ne font plus leur boulot et le public est trahi quelque part. Le public, il s'en moque que vous ayez ramé. Et puis personne ne vous met un pistolet sur la tempe en vous obligeant à faire un film. C'est quelque chose que vous décidez de faire parce que vous pensez avoir des choses à prouver et à dire. Si vous vous trompez, il faut l'assumer, ne pas se plaindre et ne pas demander la clémence. Si on monte sur scène en disant "J'ai un truc incroyable à vous raconter" et qu'au final ça n'intéresse personne, c'est notre faute et à personne d'autre. Fallait pas monter sur scène, c'est tout ! (Rires)

    Vous avez déclaré avoir écrit le scénario de façon chaotique, alors que vous avez plutôt une formation académique en matière d'écriture...

    C'était vraiment une volonté de ma part. Je suis quelqu'un de très carré et je visualise très bien la structure d'un film, d'où mon métier de script-doctor qui me permet de remettre les histoires en place quand les cinéastes sont un peu perdus. Mais au bout d'un certain temps, surtout après avoir travaillé en télé, je commençais à prendre de mauvaises habitudes avec des choses très linéaires qui manquaient finalement de surprise et d'âme. Il fallait donc que je me force à démarrer un film sans commencer à réfléchir à l'organisation des actes... Je l'ai écrit d'instinct et c'était un peu douloureux parce que j'allais vraiment contre ma nature. Mais c'est ça qui fait que le film fonctionne au final. Et puis je travaille depuis avec un co-scénariste qui me remet beaucoup en question, car le penchant naturel de tout auteur est d'aller vers le cliché. Après, tout le travail consiste à détourner le cliché.

    La rupture de ton qui survient dans le film avec la mort d'un personnage découle de cette approche ?

    Absolument. J'ai perdu quelqu'un de proche pendant la phase d'écriture, et j'étais assez déprimé. Forcément, cela a influé sur l'écriture, et je me suis dit qu'il fallait aussi parler de la mort dans ce film. Dès lors comment surprendre ? En faisant mourir l'un des personnages au moment le plus inattendu. Ce que j'ai fait, sans savoir quelles conséquences cela aurait... C'est quelque chose qui surprend beaucoup les spectateurs, qui le vivent plus ou moins bien. Certains m'ont dit qu'ils ne savaient pas s'il fallait rire ou pleurer. Et c'est ce que je voulais, placer le spectateur en instabilité émotionnelle, car ce sont des sentiments qu'on n'arrive pas forcément à créer. C'était un vrai pari. Mais il y a eu vraiment débat au moment de l'écriture. Au final, je pense que 90 % des gens y adhèrent et sont contents d'être surpris et d'être ramenés à la réalité.

    On trouve dans votre film des emprunts allant des génériques de Saul Bass à la voix-off de "Fight Club”...

    On vole à gauche et à droite ce dont on a besoin. A priori, on ne voit pas une cohérence immédiate entre Fight club et Saul Bass. Puis on l'emprunte et c'est comme ça que l'on crée son propre univers. Fight club m'a profondément marqué et je voulais un film à la première personne, dans lequel on est dans la tête du personnage : c'était donc un outil que je pouvais adapter à ce que je voulais raconter. En même temps, je voulais un film élégant, rappelant les comédies romantiques hollywoodiennes des années soixante, d'où ce générique qui donne le ton.

    Le film fonctionne également grâce à Edouard Baer. Et on se dit que personne d'autre n'aurait pu jouer Raphaël...

    La plupart des gens sont persuadés que je l'ai écrit pour Edouard Baer. Quand je regardais les comédiens de sa génération, il y avait soit des acteurs comiques qui n'ont pas sa sensibilité, soit des acteurs très sérieux qui n'affichent pas cette autodérision. Raphaël, c'est un personnage qui peut être facilement antipathique sur le papier, mais il fallait le rendre touchant. A part Edouard, je ne voyais pas qui pouvait le faire parmi les gens de sa génération. Ou alors c'étaient des gens anglo-saxons ou américains comme Hugh Grant, Ben Stiller ou Edward Norton. Puis Edouard s'est approprié le personnage, lui a donné une dimension plus humaine et c'était encore mieux que ce que j'espérais. Et même s'il fait tout le temps le clown entre deux prises, il était dans le personnage quand il fallait tourner. Il n'est jamais dans l'analyse mais vraiment dans la spontanéité, et je crois que si on l'obligeait à se calmer avant de tourner, il ne penserait qu'à son personnage et ça le bloquerait plutôt qu'autre chose.

    Dans le film, j'ai pu apercevoir dans un kiosque le numéro de Studio avec "8 femmes" en couverture. Il a mis si longtemps que ça à sortir ?

    Pas du tout ! Cela voudrait dire que le film a été tourné il y a trois ou quatre ans et ce serait vraiment mauvais signe... (Rires) C'était un clin d'oeil. Edouard Baer s'arrête à un kiosque à journaux, donc je me dis que je vais faire un clin d'oeil à mes amis de Studio. Ensuite, j'ai cherché une couverture du magazine qui renverrait à Fidélité Productions : c'était celle avec 8 femmes. C'est aussi simple que ça.

    "Mensonges et trahisons” sortait le même jour que "Catwoman", signé d'un Français parti à Hollywood. Quand on y pense, on se dit que votre histoire –celle d'un biographe de l'ombre qui doit écrire sur une star du sport dont la petite amie est son amour de jeunesse- peut clairement faire l'objet d'un remake...

    Et bien c'est en cours figurez-vous. Nous sommes actuellement en discussion avec une société de production hollywoodienne à ce sujet.

    Et vous seriez intéressés par repartir vers Hollywood et le mettre en scène ?

    Non, je ne pense pas, tout simplement parce que j'aurais l'impression de refaire quelque chose que j'ai déjà fait. J'ai porté ce film pendant assez de temps et je sens que je dois passer à autre chose. Et puis c'est à quelqu'un d'autre de donner sa vision de cette histoire...

    Propos recueillis par Yoann Sardet

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Commentaires
    Back to Top