Mon compte
    Interview DVD : Olivier Assayas

    A l'occasion de la sortie DVD de ses films "Désordre" et "Irma Vep", AlloCiné a rencontré le réalisateur français Olivier Assayas. Entretien...

    Hasard ou coïncidence, alors qu'il tourne son dixième long métrage au Canada avec Maggie Cheung, Olivier Assayas fait parler de lui cette semaine dans l'actualité DVD avec la sortie de deux de ses films : Désordre (Prix de la critique internationale au Festival de Venise en 1986), son premier long métrage entièrement remasterisé et présenté avec trois courts métrages inédits et une heure trente d'interviews, et Irma Vep avec Maggie Cheung et Jean-Pierre Léaud, l'une des pièces majeures de la filmographie du cinéaste.

    AlloCiné : Dix sept ans après la sortie de "Désordre", quel regard portez-vous sur ce film ?

    Olivier Assayas : En général je ne revois pas mes films... Une fois qu'ils sont finis, c'est derrière moi. Mais dans le cas de Désordre, nous avons dû refaire le transfert vidéo pour retrouver la qualité de l'image d'origine, et j'ai donc dû le revoir. Ça m'a fait un drôle d'effet. J'avais un souvenir un peu confus... Pour un premier film, on n'est pas tellement conscient de ce qu'on fait, on agit à l'instinct. Je pensais que le film avait des maladresses et, en fait j'ai été très surpris. Disons qu'avec le recul, j'ai trouvé que c'était assez solide. J'ai retrouvé un film qui a une identité forte. Finalement aujourd'hui je peux dire que j'aime ce film, et je n'en étais pas sûr... C'est comme avec les gens qu'on a perdu de vue depuis longtemps : on les retrouve et on ne sait pas comment ça va se passer. Si la vie vous a séparé ou non... Et au fond je me suis rendu compte que je n'étais pas si différent de celui qui a fait ce film.

    Justement, selon vous, est-ce que le DVD peut permettre une deuxième naissance à un film ?

    Je ne suis pas un grand consommateur de DVD, j'aime aller au cinéma... On n'a pas le même rapport avec un film dans une salle ou dans son canapé. Cela dit, le DVD est un support génial. La qualité de reproduction est largement acceptable, et en plus, il y a la possibilité d'apporter des plus, des choses périphériques au film avec les bonus. J'ai l'impression que le DVD, c'est la version du film qui reste. Les gens qui veulent accéder au film peuvent le faire dans les meilleures conditions.

    Vous avez l'image d'un réalisateur un peu "intello", peut être à cause de votre collaboration aux Cahiers du cinéma, pourtant vous clamez votre amour pour le punk-rock. C'est une musique plus viscérale que cérébrale non ?

    (Rires) Oui, intello ! Je pense que ça me poursuivra toute ma vie. Je n'ai plus écrit pour Les Cahiers depuis maintenant dix sept ans. Je l'ai fait à l'âge auquel les gens vont normalement à la fac... Si j'avais fait comme la plupart des réalisateurs, c'est-à-dire porter des caisses et apporter des cafés aux acteurs, on ne me parlerait plus de ces années de ma vie. Maintenant, en tant que réalisateur, je raconte des histoires. Je n'écris pas de traités, ni d'essais. Je fais des films dans lesquels il y a de la chair, de la vie. Le cinéma est instinctif par essence. Et cette chose physique, si on ne l'aime pas, on ne peut pas faire de cinéma. Je me suis toujours considéré comme quelqu'un d'intuitif dans ma pratique du cinéma.

    Quel rôle le rock a-t-il joué dans votre travail ?

    D'abord, il y a eu la peinture. Très jeune, pour moi, l'art c'était se battre avec des couleurs sur une toile. Il y avait ce rapport primaire aux choses qui était déterminant pour moi. C'est pour ça que je me suis reconnu dans le punk rock. Pour moi, c'est de la poésie. Il s'y exprime la vérité d'une génération à un moment donné. C'est fait par des gens de vingt ans qui découvrent le monde et ça s'exprime avec une espèce de colère, de brutalité. C'est vrai que ça m'a beaucoup plus marqué du point de vue de ma pratique du cinéma que la cinéphilie par exemple.

    Vous souvenez vous des groupes que vous écoutiez à l'époque de "Désordre" ?

    Et bien, c'est grosso modo la musique qu'il y a dans le film, New Order ou Woodentops par exemple. Au départ je voulais The Jesus and Mary Chain, mais ça n'a pas pu se faire. J'aimais bien James aussi, qui venaient de faire un très bon disque chez Factory.

    Dix ans après "Désordre", vous tournez "Irma Vep". C'était une façon de célébrer le cinéma et de faire une déclaration à Maggie Cheung ?

    Oui, le film est construit autour d'elle. Il a littéralement été inspiré par ma rencontre avec elle au Festival de Venise. Elle venait présenté Les Cendres du temps de Wong Kar-Wai. J'ai trouvé qu'elle avait une sorte de pureté cinématographique étonnante. Je me suis demandé ce qui se passerait si je confrontais quelqu'un qui vient complètement d'un autre monde, avec le tissu du cinéma français.

    Cette rencontre est la suite logique de votre travail sur le cinéma de Hong-Kong...

    Oui. Ce qui a rendu le film possible c'est aussi que j'avais conservé des liens de la période où j'étais allé à Hong-Kong avec Charles Tesson. Ça a beaucoup facilité ma rencontre avec Maggie Cheung et la possibilité d'envisager un film comme Irma Vep.

    "Irma Vep" est un film sur le cinéma avec Jean-Pierre Léaud. En allant un peu vite, on peut se dire que vous avez voulu faire votre "Nuit américaine"...

    J'aime beaucoup La Nuit américaine. C'est un très beau film, très réussi, mais qui parle d'un cinéma d'une autre époque auquel je ne connais rien. Je pense même que ça ne ressemble pas à la manière dont Truffaut faisait ses films. Il a été tourné en 1972 et ça ressemble à la manière dont on faisait du cinéma dans les années cinquante.Irma Vep essaye de parler de la façon dont on fait le cinéma moderne, avec ce que cela veut dire de fragile, d'instable. Le seul film sur le cinéma qui, éventuellement, pourrait être une référence, c'est Prenez garde à la sainte putain de Rainer Werner Fassbinder. C'est un film qui prend de plein fouet la problématique du cinéma moderne et c'est le premier à le faire, avant L'Etat des choses de Wim Wenders. Alors Irma Vep n'en est pas inspiré, mais ce n'est pas un hasard si Lou Castel est dans les deux films.

    Propos recueillis par Mathieu Beaudou

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Sur le même sujet
    Commentaires
    Back to Top