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    Bernard Werber fait son cinéma

    "La Reine de Nacre", premier court métrage du romancier français Bernard Werber, sort ce 8 octobre en DVD. Découvrez la bande-annonce du film, et retrouvez notre interview de ce nouveau cinéaste...

    Bernard Werber de l'écrit à l'écran. La trilogie des Fourmis, Les Thanatonautes, L'Empire des anges, L'Ultime secret, Le Père de nos pères, L'Arbre des possibles : autant de romans scientifico-philosophico-fantastiques qui ont fait de l'écrivain français l'un des auteurs contemporains les plus prolofiques et les plus vendus en France. Gagné depuis longtemps par le virus de l'image, Bernard Werber s'essaye désormais à la réalisation avec La Reine de nacre, son premier court métrage disponible en DVD ce 8 octobre. Une enquête inédite de ses deux journalistes de l'étrange Lucrèce et Isidore , accompagnée en bonus du surprenant Nos amis les humains, pilote d'une future série télévisée publiée sous forme de pièce de théâtre le 1er octobre... L'occasion de s'entretenir avec le romancier devenu cinéaste, et de découvrir, en exclusivité pour AlloCiné, la de La Reine de nacre et un de Nos amis les humains.

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    AlloCiné : Passer au cinéma, c'était une étape logique dans votre parcours de conteur d'histoire ?

    Bernard Werber : Non seulement c'était une étape logique, mais il faut savoir que Les Fourmis a été un scénario avant d'être un roman. Quand j'écris, je pense toujours à l'adaptation en film. Ma culture d'origine, c'est la bande-dessinée, le storyboard et c'est pour moi le lien logique entre le cinéma et la littérature. D'ailleurs mes réalisateurs préférés sont issus de la bande-dessinée, que ce soit Terry Gilliam ou Caro & Jeunet. Quand j'écris un roman, je storyboarde certaines scènes d'action pour mieux les visualiser. Je pars d'abord de l'image : je ne suis pas dans l'accumulation de mots qui font des jolies phrases, je suis dans la création d'un monde où le lecteur va s'évader. Et quand nous avons travaillé sur La Reine de nacre, nous avons d'ailleurs réalisé un storyboard, puis un storyboard animé avec sons et images avant le premier coup de manivelle.

    L'écriture est une expérience solitaire... Ici, vous deviez apprendre à travailler en collaboration : comment l'avez-vous vécu ?

    Quand j'écris, je suis l'unique créateur du monde de mes romans. Or là, je suis obligé de partager mon trône, de travailler en équipe, de faire des compromis avec d'autres artistes et de mélanger mon art avec d'autres formes d'art. C'est ce travail collectif qui m'intéresse car le travail d'écrivain, bien qu'il soit des plus passionnants, nous laisse très seuls. Ce qui est bien, c'est d'alterner les deux : ainsi, l'expérience de La Reine de nacre a été tellement forte émotionnellement que j'étais content de retrouver la tranquillité de mes romans.

    Comment avez-vous appréhendé cette nouvelle façon de raconter une histoire ? Contrairement à l'écriture, elle a ses limites en terme de budget, de temps...

    Exactement. Mais j'aime bien la discipline et le fait de ne pas pouvoir faire exactement tout ce qu'on veut : cela nous oblige à trouver des solutions... Toutefois, quand j'ai terminé La Reine de nacre, j'ai énormément apprécié le fait de ne plus être obligé de faire des compromis avec le producteur puisque comme tout coûte de l'argent, il fallait constamment rentrer dans des discussions et des marchandages, ce qui était épuisant surtout que je ne sais pas bien le faire. Il faut également tenir compte du temps, du budget et cela n'a plus rien à voir avec mon métier. Pour moi le tournage d'un film c'est un retour à la terre, alors que quand j'écris, je plane.

    C'était également une première pour vous au niveau des personnages : ici, vous ne pouviez plus vous contenter de leur donner vie par la plume, mais vous deviez diriger des acteurs. Comment avez-vous vécu cette expérience ?

    La direction de comédiens est sans doute la discipline où j'ai le plus de choses à apprendre. Je n'en avais pas saisi la difficulté et j'ai rencontré un problème peu abordé par les manuels de réalisation, qui était que mes deux comédiens n'étaient pas synchrones : l'un était bon à la première prise, l'autre à la troisième... Et j'ai dû apprendre à les gérer pour avoir une scène où ils sont bons simultanément.

    Quel souvenir gardez-vous de votre premier jour de tournage, le jour où la caméra a remplacé le stylo ?

    Une peur totale. La peur de ne pas être à la hauteur et de décevoir toute l'équipe. J'ai bien saisi que j'avais besoin d'aide, et cette aide est venue de Sebastien Drouin qui était au départ une sorte d'assistant et qui m'a tellement aidé que j'ai décidé de le créditer comme co-réalisateur. Il y avait de la bonne volonté car tout le monde voulait vraiment faire le film, mais il y aurait eu de la mauvaise volonté de quelqu'un et tout s'effondrait rapidement. Je ne dis pas que cela a été l'harmonie générale, mais tout a fonctionné plutôt bien. Du coup, sur mon second film Nos amis les humains, j'avais passé le baptême et ça s'est bien mieux déroulé.

    Le pilote de "Nos amis les humains" est proposé en bonus du DVD : comment est née cette surprenante idée ?

    Au départ, il y avait un agacement car j'ai rapidement compris que pour devenir réalisateur il fallait énormément tourner. Et l'agacement venait du temps pour faire aboutir un projet : par exemple pour La Reine de nacre, il fallait l'aide du CNC, de Canal Plus... et cela a pris deux ans ! J'avais écrit une nouvelle intitulée Apprenons à les aimer parue dans L'Arbre des possibles, et j'ai alors eu envie d'un tournage immédiat. J'en ai parlé à mon ami Stéphane Cros en lui expliquant que je voulais simplement une caméra vidéo et deux acteurs... Et au final, cela a amusé tout le monde, de nombreuses personnes ont rejoint le projet et nous nous sommes retrouvés avec une foule de collaborateurs !

    Une série va t-elle voir le jour ?

    Les droits n'ont pas encore été achetés, les chaînes l'ont vu et cela leur a beaucoup plu... On attend maintenant une décision de leur part. Le problème avec les chaînes, c'est que c'est une machinerie très lourde et entre le moment où quelqu'un a un enthousiasme et le moment où cela se fait vraiment, il peut se passer longtemps. Personnellement, je fais d'abord et je vois ensuite comment on peut l'utiliser ou le développer. Mais la plupart des gens sont quand même trouillards, et ceux qui ont les moyens de concrétiser les idées ont peur de l'originalité. Cette réticence à l'originalité est énorme en France, donc je me doute que ça ne va pas être simple...

    Parlons cinéma : quels sont vos goûts en tant que spectateur ? Quels cinéastes vous inspirent particulièrement ?

    2001 : l'odyssée de l'espace en premier lieu ! Ce n'est certes pas très original, mais c'est pour moi un film qui va au-delà du cinéma et qui apparaît comme un véritable cours de philosophie... C'est ce que j'attends d'un film, pas seulement des gens qui s'agitent dans un cadre mais réellement une expérience : j'attends d'un film ou d'un livre d'en sortir transformé, et j'essaye également dans mes livres de transformer les lecteurs, qu'ils aient des comportements différents, qu'ils n'écrasent plus de fourmis par exemple (rires)... Brazil m'a également marqué, Jonathan Livingston le goéland, tous les Monty Python, les Sergio Leone... De manière plus générale le cinéma dans lequel je m'aperçois que le cinéaste ajoute quelque chose qui n'existait pas avant.

    La musique de film semble également être une grande source d'inspiration pour vous...

    Enorme. Mais il faut trouver la bonne musique pour le bon passage. D'ailleurs, dans mon prochain roman Le Royaume des Dieux (la suite de L'Empire des anges, NDLR), je vais carrément préciser au fil des pages –si mon éditeur est d'accord- quelle musique écouter en fonction du passage lu.

    Question que l'on doit vous poser constamment : où trouvez-vous "tout ça", toute cette inspiration ?

    Dans l'angoisse. Je suis un angoissé de naissance, et je trouve dans cette angoisse une énergie pour bâtir. Du coup j'écris pour arriver à supporter, à transformer et à digérer tout ce qui se passe. C'est un processus de survie. Et j'ai besoin d'en parler aux autres, j'ai cet énorme besoin d'être lu, vu ou entendu par beaucoup de gens. Pour moi, l'art est forcément populaire. S'il ne l'est pas, c'est qu'il a échoué...

    La critique vous reproche d'ailleurs souvent ce côté populaire...

    C'est forcément un choix à faire. "L'intelligentsia téléramersque" méprise le grand public et dès qu'on touche le grand public, on déplaît à ceux qui aiment les auteurs maudits. Je ne vais pas me forcer à faire des trucs nuls qui n'intéressent personne pour plaire à quatre ou cinq personnes qui donnent leur avis dans des journaux qui ne sont même pas lus. J'ai envie de laisser ma trace dans le temps et dans l'espace, et je n'ai rien à foutre des quelques has-beens qui tiennent le milieu du cinéma et de la littérature... D'ailleurs, tous mes films préférés ont été descendus par la critique que ce soient Brazil, 2001 : l'odyssée de l'espace et même Fenêtre sur cour, Blade runner ou La Guerre des étoiles. Plaire à ces gens qui n'ont pas de goût ne me semble pas intéressant.

    C'est un peu la même chose avec les producteurs français. Pour l'anecdote, j'ai rencontré récemment deux jeunes producteurs talentueux, mais qui n'avaient jamais vu Brazil, Blade runner ou même 2001 : l'odyssée de l'espace pour la simple et bonne raison qu'ils ne voyaient que des films français ! Tout comme la critique littéraire, les producteurs français se désintéressent de tout ce qui peut ressembler de près ou de loin au fantastique et à la science-fiction. Malgré mon enthousiasme, ça me montre le chemin qui reste à parcourir. A la limite, ça prépare le terrain à de futurs cinéastes qui pourront ainsi développer leurs idées, mais je ne pense pas voir de mon vivant des modifications de l'esprit français.

    Quels sont aujourd'hui vos projets cinéma ?

    Je suis en train d'adapter L'Ultime secret. J'ai déjà un producteur, belge et non français ce qui est encore une fois assez révélateur, à savoir Artémis qui était déjà en coproduction sur La Reine de nacre. Ces producteurs me font confiance, alors qu'en France on cantonne chacun à son secteur : si l'on est écrivain, c'est que l'on est mauvais réalisateur... C'est un préjugé difficile à surmonter, et je le surmonte non pas avec des Français mais avec des Belges. Nous en sommes actuellement au stade de l'écriture du scénario, et j'ai déjà pu effectuer des repérages.

    Sinon, mon rêve secret serait d'adapter Les Thanatonautes en long métrage, mais je suis conscient que peu de gens vont m'aider. Donc je me battrai et j'espère faire des films qui marchent suffisamment pour avoir du crédit et réussir ce challenge. Il y a un facteur chance et un facteur rencontre humaine que je ne maîtrisent pas et qui sont les plus déterminants. Tout ce que je peux faire, c'est fournir une histoire de qualité, puis utiliser mon temps, mon énergie et mon exigence de perfection pour faire avancer les choses. C'est une chaîne complexe dans lequel chaque maillon peut casser l'ensemble. C'est pourquoi je suis content de ne pas faire que du cinéma, car je serais encore plus angoissé ! Quand je vois par exemple Lost in la mancha, je me dis que je ne voudrais jamais vivre ça et qu'il faut éviter de s'entourer de gens qui ne font pas ce qu'il faut pour que le projet aboutisse. C'est pourquoi j'ai également des projets de téléfilms et de bande-dessinée : je vais ainsi pouvoir m'habituer au cadrage et au fait de faire passer une émotion et un message par les images...

    Vous vous sentez déjà les épaules pour assumer un premier long métrage ?

    Non... Pas encore. Mais c'est agréable de chercher sa limite d'incompétence. Ca va être très difficile, mais j'ai intérêt à être bien entouré pour réussir ce challenge. C'est d'ailleurs ça qui est agréable : essayer de se mettre en danger et essayer de flotter plus haut que sa dernière limite. Mais je compte bien être prêt au moment du tournage. Et puis la réussite de Nos amis les humains et l'enthousiasme qu'il a provoqué me donnent un peu plus de confiance...

    Propos recueillis par Yoann Sardet

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