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    Scorsese : un an après la sortie des Affranchis, la Justice américaine rendait cette décision étonnante
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    "Les Affranchis", film culte signé Martin Scorsese, est adapté d'un ouvrage qui a été au cœur d'une affaire judiciaire majeure. On vous raconte.

    Entre l'élégance de la mise en scène, la BO aux petits oignons, comme toujours chez Scorsese; ses dialogues cultes et même (partiellement) improvisés offrant une des scènes les plus démentes de l'Histoire du cinéma ; l'abattage phénoménal de Joe Pesci, justement récompensé par l'Oscar du Meilleur second rôle ; un casting tout autant au diapason, dont un Ray Liotta qui n'a sans doute jamais été aussi bon que sous la direction de Martin Scorsese... Ce ne sont pas les raisons qui manquent pour hisser Les Affranchis au rang de film culte.

    Mais si l'on parle des Affranchis, c'est avant tout cette fois-ci à propos du roman écrit par Nicholas Pileggi, Wiseguy en V.O, adapté par Scorsese. Une oeuvre littéraire qui a aidé d'une étrange manière les criminels derrière les barreaux aux Etats-Unis...

    Les Lois du fils de Sam

    Durant l'été 1977, la ville de New York fut en proie à la terreur avec un tueur en série, surnommé "The Son of Sam". Il s'agissait d'un homme appelé David Berkowitz, qui frappa dans le quartier italo-américain de South Bronx.

    Au moment même de l'arrestation de ce tueur en série, en 1977, l'Etat de New York fit passer les "Lois du fils de Sam", qui visaient à empêcher un criminel de tirer profit de la publicité qui résulte de ses crimes. Près de 30 Etats emboitèrent le pas de New York.

    Ces lois autorisent la plupart du temps que l'État prenne possession de tous profits qui viennent de cette publicité, qu'il s'agisse de contrats de films ou de livres, ou même d'interviews. L'argent saisi par l'État lors de ces situations est remis aux victimes et/ou à leur famille en compensation.

    En 1986, l'éditeur Simon & Schuster publia le livre de Pileggi, Wiseguy : Life in a Mafia Family, qui relate donc l'histoire authentique de l'ex mafieux repenti, Henry Hill.

    Warner Bros.

    Un affranchi privé de la liberté d'expression

    L'année suivante, après avoir découvert que l'éditeur avait signé un accord avec Pileggi qui avait engagé Henry Hill en août 1981, figure reconnue du crime organisé, pour la production d'un livre sur la vie de Hill, les autorités de New York estimèrent que l'éditeur avait violé la loi Son of Sam, et lui a ordonné de restituer tout l'argent versé à Hill.

    L'éditeur porta alors l'affaire en Justice. Une affaire au long cours d'ailleurs, puisqu'il alla jusqu'à la Cour Suprême. En 1991, soit un an après la sortie du film de Scorsese, celle-ci a rendu son verdict : à l'unanimité, elle déclara que les Lois du fils de Sam violaient le sacro-saint Premier Amendement de la Constitution américaine, qui garanti l'inviolabilité de la liberté d'expression.

    En d'autres termes, même les criminels aux méfaits les plus atroces ont droit à la liberté d'expression, et par conséquent le droit de s'épancher sur leurs affaires et surtout d'en faire commerce, sous forme de livre ou autre, sans être spolié des sommes éventuellement touchées.

    Les victimes peuvent toujours intenter des poursuites pour obtenir une part des bénéfices d'un livre; les tribunaux se prononcent alors au cas par cas. Mais toute loi limitant la liberté d’expression doit être aussi étroite que possible.

    Et voici comment un Wiseguy a donné un sérieux coup de pouce aux criminels derrière les barreaux, tentés eux aussi de faire commerce de leurs histoires respectives...

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