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    34 ans après, l'un des meilleurs films d'horreur des années 1980 revient au cinéma !
    Vincent Formica
    Vincent Formica
    -Journaliste cinéma
    Bercé dès son plus jeune âge par le cinéma du Nouvel Hollywood, Vincent découvre très tôt les œuvres de Martin Scorsese, Coppola, De Palma ou Steven Spielberg. Grâce à ces parrains du cinéma, il va apprendre à aimer profondément le 7ème art, se forgeant une cinéphilie éclectique.

    34 ans après sa sortie en salles, ce long-métrage devenu culte débarque à nouveau dans les salles obscures dans une version restaurée !

    En 1989, David Cronenberg, le maître du body horror, nous offrait un de ses films les plus fascinants et dérangeants, Faux-Semblants. L'œuvre ressort en version restaurée 2K le 25 octobre grâce à Capricci Films. Réputé inadaptable et échec commercial cinglant, cet autre film culte de Cronenberg est également ressorti le 11 octobre !

    L'histoire de Faux-Semblants nous présente deux jumeaux, Beverly et Elliot Mantle (Jeremy Irons). Gynécologues de renom, ils partagent tout : le même appartement, la même clinique, les mêmes idées et les mêmes femmes. Un jour, une actrice célèbre vient les consulter pour stérilité.

    Les deux frères en tombent amoureux. Si pour Elliot, elle reste une femme parmi d’autres, pour Beverly elle est "la" femme, et il refuse de la partager avec son frère. Pour la première fois les frères Mantle vont penser, sentir et agir différemment. Ce n’est que le début d’une descente vers la folie.

    Faux-Semblants
    Faux-Semblants
    Sortie : 8 février 1989 | 1h 55min
    De David Cronenberg
    Avec Jeremy Irons, Geneviève Bujold, Heidi von Palleske
    Presse
    5,0
    Spectateurs
    3,6
    Voir sur Prime Video

    David Cronenberg commence à penser au scénario de ce film en 1974. Le cinéaste lit dans le journal l’histoire de deux jumeaux retrouvés morts dans un appartement à New-York. Ils étaient gynécologues. Quand le metteur en scène découvre ce fait divers, il pense aussitôt que c'est fantastique et qu’il doit en faire un film.

    "J’ai attendu, attendu, et personne ne l’a jamais fait. J’ai compris finalement que si je voulais voir ce film, je devais le réaliser moi-même. Plus tard, quelqu’un m’a parlé de l'existence d’un roman intitulé Twins, qui était plus ou moins inspiré du même sujet. La première version du scénario date de 1981, à peu près à l’époque de Scanners", confie Cronenberg.

    Si le réalisateur va acheter les droits du roman, c'est surtout pour des raisons légales et non artistiques. En effet, il n'aime pas vraiment la direction prise par l'auteur et va prendre beaucoup de liberté dans son scénario.

    "Dans le livre, par exemple, un des jumeaux est homosexuel et l’autre pas. Pour moi, cela faisait une grande différence entre eux et j’étais fasciné par leur ressemblance, pas par leur différence… De nombreux aspects du livre étaient sans doute importants, mais pas pour moi", explique Cronenberg.

    LA PERFORMANCE DE JEREMY IRONS

    Pour incarner les jumeaux Mantle, le metteur en scène a contacté les meilleurs acteurs américains mais ils ont tous refusé. L'artiste explique que certains n’aimaient pas le scénario ou ne voulaient peut-être pas travailler avec lui.

    "Mais, en général, ils avaient peur du film. Peur de deux choses : l’une était la peur de la schizophrénie. On imagine que c’est un rêve pour un acteur que de jouer des jumeaux. Mais en fait, dans ce film, c’est un rôle très difficile parce qu’ils sont réels", indique David Cronenberg.

    Pour le cinéaste, dans la plupart des films de jumeaux, l’un des deux est un tueur dérangé. Il y a un bon jumeau et un mauvais jumeau. Mais, dans son film, ils sont plus complexes, et ils ont de nombreuses scènes ensemble, avec beaucoup de dialogues.

    "Alors certains acteurs ont pensé que s’ils faisaient ça, ils deviendraient schyzophrènes. Et puis, de nombreux comédiens américains pratiquent la 'Méthode' de l’Actor’s Studio. Un acteur qui pratique la Méthode a besoin de donner la réplique à une vraie personne afin de sentir la réalité de la situation."

    Dans ce film, le comédien qui incarne les jumeaux n’avait personne en face de lui, il devait imaginer son interlocuteur. Le Britannique Jeremy Irons n'a pas été effrayé par ce challenge. "Bien sûr, l'acteur jouait avec une doublure qui lui donnait la réplique, ce qui lui permettait de diriger son regard, mais la doublure ne jouait pas vraiment", souligne Cronenberg.

    D'après le réalisateur, une chose rebutait aussi les comédiens : la gynécologie. "Beaucoup d’acteurs américains, soucieux de leur image, sont très machos. C’était un vrai problème pour certains acteurs très célèbres dont je tairai le nom…

    Finalement, j’ai compris qu’il fallait aller en Angleterre pour trouver un acteur. Jeremy Irons est le tout premier que j’aie contacté là-bas", révèle le metteur en scène.

    Capricci

    DEUX IRONS POUR LE PRIX D'UN SEUL

    Pour filmer deux Jeremy Irons en train de se donner la réplique, David Cronenberg explique avoir utilisé la technique employée habituellement pour les films de jumeaux : le split screen (écran partagé en deux verticalement).

    "Le split screen est aussi vieux que le cinéma. C’est la méthode la plus simple. On couvre, rembobine le film et on cache l’autre moitié de l’image. L’acteur passe de l’autre côté et on tourne à nouveau. Alors on développe et on les voit parler ensemble tous les deux."

    Cronenberg et son équipe ont fait la même chose, mais avec un équipement plus sophistiqué. Ils ne font pas le trucage à la prise de vue, mais au laboratoire. Selon l'artiste, il y a beaucoup de scènes qui utilisent le split screen dans Faux-Semblants : la condition absolue, c’est que la caméra et les lumières ne bougent pas du tout.

    "Mais là, c’est un split screen très raffiné. Il n’a pas à être vertical, au milieu de l’image. L’image peut être partagée de n’importe quelle façon, horizontalement, verticalement ou en oblique. La ligne de partage peut aussi bouger ou même être annulée au milieu d’une scène.

    Si deux hommes sont assis sur un divan, la séparation est au milieu, par exemple. Puis l’un d’eux se lève et passe derrière. La séparation bouge en fonction de son mouvement, elle pivote. Dans le résultat final la séparation est fondue dans l’image, c’est invisible."

    Si l’on veut bouger la caméra en même temps, c’est possible, mais il faut qu’elle reste rivée au sol, explique David Cronenberg. "Le cadreur fait un mouvement une première fois et ce mouvement est mis en mémoire par un ordinateur. Comme ça, la caméra pourra refaire exactement le même mouvement tant qu’on le voudra."

    Capricci

    Un rôle intense

    Par exemple, pour une scène très simple où les jumeaux marchent dans le couloir, l'équipe a eu trois jours de tournage. "Normalement, avec deux acteurs, on aurait mis à peu près deux heures pour la tourner. Là, si Beverly et Elliott se rapprochaient trop quand ils marchaient, le split ne marchait plus."

    Quand Jeremy Irons jouait dans la seconde partie de l’image, il devait écouter le dialogue du frère avec un écouteur dissimulé sous une fausse oreille moulée exactement d’après la sienne, pour que Cronenberg puisse le filmer de face.

    "Le dialogue doit être parfaitement synchronisé, sinon tout se décale. Quand il marche, il doit faire attention à ne pas se pencher vers l’intérieur, être sûr que son regard est dans la bonne direction, tout en écoutant son dialogue à l’écouteur. En même temps, il doit jouer de manière vivante."

    "Donc la performance de Jeremy est encore plus impressionnante quand on sait tout cela. Le reste du travail se fait au laboratoire. Ils ont deux plans à fondre en un : un plan avec Jeremy à gauche et la doublure à droite, et un autre avec Jeremy à droite et la doublure à gauche.

    On doit assembler les deux plans image par image en faisant bouger la séparation en même temps que les personnages. C’est très difficile", estime le réalisateur.

    En France, Faux-Semblants a tout de même attiré 600 000 curieux en 1989. Il est ressorti au cinéma le 25 octobre si vous voulez une séance de rattrapage ! À noter que le magazine Première l'a classé parmi les "25 films les plus dangereux". De son côté, Entertainment Weekly le hisse parmi les "20 films les plus effrayants de tous les temps".

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