De quoi ça parle ? Selma, 15 ans, grandit entre ses deux parents séparés, Michal et Élise. Des nuages de pluies acides et dévastatrices s’abattent sur la France. Dans un monde qui va bientôt sombrer, cette famille fracturée va devoir s’unir pour affronter cette catastrophe climatique et tenter d’y échapper.
Le choix Guillaume Canet (et sa préparation de "dingue" !)
Si Just Philippot a très vite pensé à Laetitia Dosch pour jouer Elise, il ne savait pas qui solliciter pour le premier rôle masculin. C'est l'agent de la comédienne, Cécile Felsenberg, qui est également l’agent de Guillaume Canet, qui a soufflé au réalisateur le nom de l'acteur. "Je n’avais pas vu Guillaume depuis longtemps au cinéma mais en y repensant, je n’avais aucun doute. Il avait toute la complexité pour retranscrire la violence du personnage. Il semblait ne pas avoir peur de la noirceur du récit", se rappelle Just Philippot, en poursuivant :
"Cela s’est confirmé dès la première rencontre et ça m’a plu. À partir de là, ça a été un régal. Guillaume ne laisse rien au hasard. Il se prépare énormément, travaille son rôle très en amont. Physiquement, il a pris du poids. Il a sculpté un corps très athlétique tout en restant extrêmement fragile. Il a cette capacité qu’ont peu d’acteurs à être très juste dès la première prise. Je suis très reconnaissant à son égard. Il n’a jamais douté de l’aventure que je lui proposais, il n’a jamais eu peur d’un film que je situais entre Alfonso Cuaron et David Dufresnes pour le dire vite."
Dans une interview accordée à Madame Figaro, Guillaume Canet a confié quant à sa préparation physique : "Pour être dans l'état d'épuisement physique et émotionnel de mon personnage, je me suis mis en condition : je dormais très peu, et je criais beaucoup pour avoir la voix cassée. Mes voisins de chambre à l'hôtel devaient me prendre pour un dingue ! De plus, au départ, ma fille devait avoir 8 ans. Elle a été remplacée par une ado de 14 ans. Or, je dois beaucoup la porter sur mes épaules dans la boue, à travers champs… C'était un peu plus sportif que prévu !"
Naissance du projet
Acide est d’abord un court métrage que Just Philippot a réalisé en 2018. En 2013, le réalisateur a déménagé de Paris à Tours, où il a fait énormément d’éducation à l’image auprès d’un public jeune avec qui il a beaucoup tourné. En parallèle, il a développé plusieurs projets très différents dont Gildas a quelque chose à nous dire, un documentaire intimiste sur son frère polyhandicapé. Fort de cette relation avec les institutions culturelles de la région Centre Val de Loire, Just a intégré une résidence de films de genre financée en partie par Ciclic, l’agence du cinéma en région Centre. C’est là qu'il a écrit le court métrage Acide. Il se rappelle :
"Effet d’aubaine ou coup de chance, j’arrivais à un moment où le cinéma français, sans doute inspiré par le succès des séries et le bouleversement lié à l’arrivée des plateformes, cherchait de nouvelles créations, plus hybrides, plus à même d’aller chercher tous les types de publics. Grâce au succès du court métrage, j’ai basculé vers le long-métrage avec La Nuée, un projet issu, lui aussi, de la même résidence. J’ai réalisé ce premier film avec le désir de m’éloigner le plus possible du cinéma américain pour proposer un climat singulier, capable d’emmener le spectateur dans une zone de danger trouble, instable, mais toujours extrêmement réaliste."
"Grâce à la société Bonne Pioche Cinéma que j’ai rencontrée très vite, j’ai pu développer le long métrage d’Acide en parallèle. La Nuée, mon premier long-métrage, a été une formidable première expérience et m’a permis de nourrir de nouvelles ambitions de réalisation pour Acide."
Un scénario inspiré des crises récentes
Just Philippot et son co-scénariste Yacine Badday se sont imprégnés de la Covid, de la guerre en Ukraine et du mouvement des Gilets jaunes. Les pluies acides leur permettaient de converger vers toutes ces crises sans les citer de façon explicite : "Nous ne voulions pas trouver une explication rationnelle au phénomène de pluies acides. Au contraire, il fallait être aussi « naturellement irrationnel » que les crises d’aujourd’hui. Il fallait qu’on sente qu’un nuage en Amérique du Sud pouvait rapidement devenir une catastrophe en Europe."
"Il fallait connecter l’état du monde à une nouvelle catastrophe qui n’est pas liée à une erreur dans l’Histoire, mais une somme de dérèglements. Notre époque nous a « malheureusement » nourrie. Elle nous a permis d’être le plus réaliste possible, tout en évitant de protéger le spectateur à l’aide d’un discours ou d’une explication rationnelle. Ce qui est effroyable aujourd’hui, c’est que nous sommes devenus des spectateurs impuissants devant les bouleversements naturels de notre monde", explique le metteur en scène.
Trouver refuge
Le père et sa famille trouvent un refuge précaire dans une maison habitée par une femme et son fils. Just Philippot et son équipe ont conçu cette demeure comme un bateau échoué dont la cave a été pensée comme la cale où il est possible de se protéger. "Coupés du monde, mes personnages n’ont pas conscience que le bateau a dérivé. Ils seront bientôt complètement perdus en haute mer. Autour d’eux, il n’y aura plus d’issue", précise le réalisateur.
Repenser les trucages
Tel qu’il était décrit à l'origine, le film coûtait trop cher. Just Philippot a ainsi choisi, avec son chef décorateur Gwendal Bescond et Yacine Badday, de réétudier la progression des effets des pluies acides pour éviter de tomber dans une échelle de destruction impossible à tenir : "Avec Pierre Dejon, nous avions de nombreuses références en commun, notamment le photographe Saul Leiter. Nous nous sommes inspirés de ses nombreuses photos de matière, des gouttes d’eau sur des vitres, ou de ses textures métalliques..."
"Et puis nous avons rapidement évoqué notre désir de noir et blanc, ou plus précisément le désir de fabriquer un film qui pourrait perdre ses couleurs... Tous les trucages visuels ont été réalisés en direct sur le plateau. Les effets de patine ont été réalisés par Gwendal et son équipe. Je souhaitais avec lui recréer une nouvelle nature : une nature créée par les pluies acides. Dans la maison où ils se réfugient, je voulais que les infiltrations d’eau acide ressemblent à des racines, à une végétation nouvelle", se souvient le cinéaste.