"Une viande ? C'est quelqu'un qui utilise une seule main ou deux doigts pour taper sur un clavier, qui va mettre son prénom en guise de mot de passe. Ou le nom de son chien. Ou sa date d'anniversaire. Une viande, c'est quelqu'un qui n'a pas de conscience numérique, qui par définition est destiné à se faire manger par des cybercriminels".
Tels sont les mots de Rabbin des bois, un hacker repenti de 28 ans, revendiquant tout à la fois sa judéité et son admiration pour le héros légendaire de la forêt de Sherwood. Passé de l'autre côté de la barrière après avoir vendu pendant des années des données volées sur le Darknet, il s'exprime sous couvert d'un vrai cynisme dans le glaçant documentaire diffusé ce soir sur Arte à 22h25, Hackers - l'intimité violée.
On connaissait les ravages que pouvaient provoquer les cyber attaques contre des Etats et leurs intérêts parfois vitaux, comme ce fut le cas en 2007 avec la première cyber guerre de l'Histoire, qui opposa les armées fantômes de Moscou lancées contre les infrastructures informatiques de l'Estonie; un des premiers pays au monde à s'être doté d'une armée pour défendre son cyber espace.
Dans Hackers - l'intimité violée, la vue d'ensemble donne le vertige : cette cyber criminalité serait responsable, selon des experts américains, du vol de 6000 milliards de dollars par an. Vous avez bien lu. En 2022, les cyber attaques ont augmentées de 26% en Europe, et de 38% au niveau mondial. En Suisse, pays riche, cette cyber criminalité représente pas moins de 40% des délits.
À la fois très lucrative et peu risquée pour ceux qui s’y livrent, la cybercriminalité explose. Particuliers, entreprises, administrations, personne n’y échappe. À Nyon, en Suisse, Christian et son épouse ont perdu 10 000 francs suisses dans une arnaque au faux support technique.
Tipi'mages Productions
D’autres hackers, qui agissent en groupes organisés, privilégient les attaques par ransomwares, des logiciels malveillants leur permettant de bloquer les systèmes informatiques, puis d’exiger une rançon pour en rétablir l’accès.
La ville de Roll, en Suisse et choisie au hasard, en sait quelque chose. En août 2021, elle fut victime d'une attaque ransomware revendiquée par un groupe se faisant appeler Vice Society, qui présente, sans rire, ses victimes comme des "partenaires".
Refusant de payer la demande de rançon, la ville de Roll va subir les foudres de l'organisation criminelle, qui se paye même le luxe d'avoir dans ses rangs des responsables "assurance qualité". Leurs buts ? S'assurer que le virus informatique inoculé ne possèdera pas ou peu de bug...
Vice Society a ainsi littéralement pillé de fond en comble toutes les informations possibles et imaginables des habitants de cette ville, pour les balancer sur le Darknet. Plus de 5000 dossiers. Tout, absolument tout : noms, copies de cartes de crédits, registres de signatures, dossiers médicaux, numéros de sécurité sociale, adresses, valeurs des biens des propriétaires... Jusqu'aux cahiers de notes des écoliers du coin.
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Et lorsque les réalisateurs du documentaire parviennent à entrer en contact avec les hackers de ce groupe et leurs demandent s'ils ont un message à faire passer à la maire de Roll, ils répondent : "Vous auriez dû payer. On aurait pu aider et tout réparer rapidement. A la prochaine fois ! On espère que vous serez plus intelligente".
Des remords peut-être ? Aucun, bien entendu. "On n'a pas mauvaise conscience. Pourquoi ? Parce que ce n'est pas nous qui laissons les hôpitaux, les écoles ou les universités sans sécurité". L'art consommé de faire porter la responsabilité de ces cyber attaques dévastatrices aux conséquences parfois dramatiques sur leurs victimes.
Hackers - l'intimité violée, diffusé ce soir sur Arte à 22h25. Egalement disponible sur arte.tv jusqu'au 19 novembre 2023.
