Attention, spoilers. Il est conseillé d'avoir vu l'épisode 3 de la saison 6 de Black Mirror avant de poursuivre la lecture de cet article.
Il aura fallu attendre quatre ans avant de découvrir de nouveaux épisodes de Black Mirror mais ils sont bien là ! La saison 6 de la série d'anthologie de Charlie Brooker est disponible sur Netflix et elle contient cinq épisodes, aux thématiques très différentes.
Le troisième épisode, intitulé "Mon cœur pour la vie" ("Beyond the sea", en version originale), est le plus long (80 minutes !) mais il est surtout celui qui a peut-être le plus conquis le cœur des fans et surpris les abonnés.
Il reste proche des thématiques qui font le sel de Black Mirror, avec une critique des nouvelles technologies, mais offre aussi une intrigue qui amène le public dans un passé alternatif, avec un sous-texte très contemporain. Et surtout, "Mon cœur pour la vie" se termine par un twist hallucinant et une fin choquante.
L'épisode 3 de la saison 6 de Black Mirror vous semble trop familier ? C'est normal !
"Mon cœur pour la vie" est situé dans une version alternative de l'année 1969, où la technologie est très avancée pour l'époque. Deux astronautes, Cliff (Aaron Paul) et David (Josh Hartnett), sont chargés d'une mission high-tech périlleuse dans l'espace.
Pour leur permettre de continuer à vivre une vie normale quand ils n'ont pas de tâche spatiale à faire, des doublures robotiques ont été conçues et ce sont ces répliques androïdes qui vivent sur Terre avec leurs familles respectives pendant que leurs véritables corps sont en repos dans l'Espace pour leur mission censée durer six ans.
Leurs consciences peuvent être transférées de leurs véritables corps lorsqu'ils doivent travailler dans l'Espace à leurs doublures robotiques pour vivre avec leurs proches quand ils ne sont pas en action.
Mais cet équilibre fragile est chamboulé lorsque la famille de David est agressée et tuée par une secte de fanatiques hippies dont le leader pense que le robot de David est contre-nature.
Avant de se rendre à la police, les tueurs brûlent la réplique de David, ce qui bloque le véritable David dans l'espace et l'empêche de revenir sur Terre avant la fin de la mission, quatre ans plus tard. Cliff tente de lui venir en aide, mais David sombre dans une profonde dépression en étant enfermé seul dans la navette spatiale.
Sa femme Lana (Kate Mara) suggère à Cliff de prêter sa réplique à David le temps de quelques visites sur Terre pour qu'il puisse retrouver goût à la vie. Sauf que David, dans le corps de Cliff, ne fait pas que revivre, il se rapproche aussi dangereusement de Lana et développe même une obsession pour elle qu'il retranscrit dans ses dessins.
Lorsque Cliff le découvre, il interdit à David de reprendre sa réplique. David élabore alors un stratagème pour bloquer Cliff dans l'espace le temps de retourner sur Terre pour tuer Lana et Henry, le fils de Cliff. Complètement meurtri, Cliff n'a pourtant d'autre choix que de rester dans la navette avec David pour terminer la mission puisque David pourrait tuer son véritable corps en son absence.
Outre des inspirations historiques précises pour l'intrigue de "Mon cœur pour la vie", comme l'année 1969 où l'Homme a posé le premier pas sur la Lune ou Charles Manson comme leader d'un culte hippie, Charlie Brooker s'est surtout inspiré d'un évènement bien plus contemporain pour écrire cet épisode : le confinement.
Lors d'une interview pour The Hollywood Reporter, Josh Hartnett a expliqué ce que le créateur de Black Mirror lui avait dit :
"Il l'a écrit pendant le confinement en réaction au confinement. Il se sentait isolé et - il ne le dira probablement pas - je pense qu'il avait un peu le syndrome FOMO [Fear Of Missing Out, une anxiété sociale caractérisée par la peur de manquer quelque chose d'important, ndlr] en regardant la vie des autres dans le monde.
Et il a pensé que peut-être vous comparez votre propre situation à la situation de quelqu'un d'autre. [...] C'est une situation dans laquelle les gens se retrouvent lorsqu'ils sont isolés sur leurs réseaux sociaux, et je pense que c'était une réaction à ce sentiment paradoxal d'isolation et de présence sur les réseaux sociaux."
Même s'il est situé en 1969, Kate Mara trouve cet épisode "très pertinent et universel" même s'il est basé sur la récente expérience traumatique de la pandémie de coronavirus et du confinement qui en a suivi :
"Le thème de la connexion humaine est aussi pertinent dans les années 60 qu'aujourd'hui. [...] Il est important pour nous tous de survivre et d'aimer. Pas seulement dans une relation amoureuse, mais pour se sentir aimé et faire l'expérience de l'amour.
C'est ce que j'ai trouvé de si fascinant à ce sujet mais aussi le fait de regarder ces deux hommes vivre l'isolement et aussi mon personnage, Lana, vivre l'isolement dans sa propre maison."
L'épisode "Mon cœur pour la vie" prend un tournant extrêmement tragique et destructeur pour les personnages et tout espoir de bonheur est annihilé à la fin. Malgré l'inspiration du confinement, Josh Hartnett explique que le choix de l'année 1969 a été mûrement réfléchi par Charlie Brooker :
"L'espoir et l'optimisme ont été annulés par ce meurtre à la Manson. Parce qu'à ce moment-là, le programme spatial était le grand espoir du peuple américain et l'espoir de l'humanité, en quelque sorte. C'était à la pointe de la technologie à l'époque; les gens qui vont dans l'espace signifiaient quelque chose, comme si nous allions tous coloniser la Lune ou vivre dans le futur des Jeston.
Les années 60 ont mis fin à l'optimisme, à l'espoir. Toute l'expérimentation s'est terminée avec les meurtres de Manson. C'était la fin. Et je pense que cette grande expérience s'est terminée il y a si longtemps, que Charlie a voulu revenir à cette époque pour réinventer et ensuite, bien sûr, mettre en place ce thème de l'isolement."
La saison 6 de Black Mirror est disponible sur Netflix.