Rencontre avec Jean-Marc Vallée, réalisateur de "Dallas Buyers Club", en salle ce mercredi. Une drame poignant, figurant parmi les favoris aux Oscars avec six nominations, et surtout porté par deux impressionnants comédiens : Jared Leto et Matthew McConaughey, totalement transfigurés. L'occasion de balayer aussi en 24 photos sélectives la carrière de ce dernier.
Jean-Marc vallée - ©Mila Deth / AlloCiné
Lundi 20 janvier, dans un hôtel parisien. Calé sur un coin de son canapé, le réalisateur québécois Jean-Marc Vallée enchaîne les interviews depuis le matin. La cinquantaine à peine entamée par une chevelure poivre et sel, l'homme est chalheureux, a de la faconde. Et semble heureux d'être là, même s'il nous avouera en fin d'interview regretter de ne pas pouvoir nous accorder plus de temps; "le timing ne dépend pas de moi" en prenant à témoin l'attaché de presse.
Timing serré donc. Il faut dire que les demandes d'interviews ont semble-t-il grimpé de façon exponentielle, depuis la double victoire de Matthew McConaughey et Jared Leto aux Golden Globes et les six nominations aux Oscars pour le film, dont celui, prestigieux, de meilleur long métrage. Depuis sa présentation en septembre 2013 au Festival de Toronto, Dallas Buyers Club a été couvert de prix. Le buzz autour du film et des performances de ses deux interprètes n'est non seulement jamais retombé, mais s'est même largement amplifié.
AlloCiné : Dans son discours de remerciements aux Golden Globes, Matthew McConaughey ironisait sur le fait qu'il était récompensé pour sa performance pour un film qui s’était vu refusé des financements 86 fois… Avec tous les prix reçus pour le film, en ajoutant les 6 nominations aux prochains Oscars, c’est une belle revanche du coup.
Jean-Marc Vallée : Ah oui c’est sûr, c’est une belle revanche ! On est très fier de tout ce qui se passe autour du film en ce moment. On a fait ce film dans un élan de folie et de passion. On n'avait pas assez de fric, pas assez de jours de tournage, mais on était malgré tout très motivé. C’est une histoire qui nous tenait tous à cœur, on était tous touché par ce récit, par ce que le personnage de Ron a vécu. On avait d’ailleurs aucune idée de ce qu’étaient les Buyers Club. Et pourtant je suis né en 1963, j’avais la vingtaine au plus fort de leurs activités lorsque le SIDA faisait des ravages au début des années 80. Donc lorsque j’ai lu l’histoire, j’ai été scotché. Si les scénaristes ont imaginé des personnages autour de Ron, le film reste très fidèle à son combat et à ce qu’il a vécu.
© Ascot Elite Filmverleih
AlloCiné : Il s’est écoulé un peu plus de 20 ans entre le premier jet du script, et le résultat à l’écran. Pourquoi ? Sujet pas assez porteur ? Question de frilosité au sein des studios ?
Jean-Marc Vallée : je pense que le sujet faisait effectivement peur. A l’origine, le scénario avait été acheté par une Major ; en l’occurrence Universal. Les premières versions du scénario donnaient un film très politique, Brad Pitt était attaché au film à la production, on a aussi parlé de Woody Harrelson, Ryan Gosling, on a parlé de différents metteurs en scène aussi, comme Marc Forster… Au final, Universal avait dépensé une fortune, près de 6 millions de dollars je crois, en développement sur ce film, pour finalement être plus ou moins au point mort.
Faire un film, c’est toujours un combat, pour trouver l’argent, convaincre les gens de le financer, convaincre les talents d’y participer. Certains étaient réticents ; ils n’avaient pas envie que leur nom soit associé à une histoire ayant pour toile de fond le SIDA…C’est donc aussi une question de timing et de prise de risques… Moralité : le temps passe…Je reçois le scénario en 2010, alors que je travaillais avec la productrice Robbie Brenner sur un autre projet. Le scénario écrit par Craig Borten circulait quand même depuis 1992, année où il a rencontré Ron Woodroof à la suite d’un article écrit par le journaliste Bill Minutaglio dans The Dallas Morning News. J’ai eu accès à 25h d’entretien passé entre Craig et Ron ; c’était absolument fascinant de l’entendre parler.
Jean-Marc vallée - ©Mila Deth / AlloCiné
AlloCiné : selon vous, en terme de mise en scène, de narration, etc...quel écueil fallait-il à tout prix éviter en réalisant ce film ?
Jean-Marc Vallée : Le souci, c'est qu'il fallait maintenir coûte que coûte un équilibre entre les faits et la fiction ; ça c’était primordial et c’était un des pièges du film. En même temps, veiller aussi à préserver un subtil équilibre entre émotion et film politique. Ceci dit, avec la qualité du travail de scénarisation fait en amont, on était très confiant. On savait qu’on avait un sujet qui pouvait être difficile, dramatique. Et trouver l’équilibre entre parfois l’humour, le drame et l’émotion était un challenge. Finalement, le plus gros défi selon moi, c’était surtout de tourner avec une enveloppe de 5 millions de dollars en 25 jours, m’imprégner de l’univers du film qui se déroule au Texas. Je dois dire qu’à ce niveau, Matthew McConaughey était un très bon instructeur, lui qui vient du Texas justement.
AlloCiné : vous parlez de Mc Conaughey justement ; est-ce que vous avez suivi sa carrière, ses choix de rôles ? Quel regard portez-vous dessus ?
Jean-Marc Vallée : pour être honnête, au départ, je n’étais pas du tout convaincu par la productrice [NDR : Robbie Brenner], qui me demandait de rencontrer Matthew. Quand j’ai lu scénario, avec ce personnage victime du SIDA, physiquement émacié, cow boy moustachu, j’ai dit : "attendez, c’est pas possible ! Conaughey est trop beau, trop marqué belle gueule , trop musclé !"…J’avais évidemment en tête ses rôles précédents. Du coup j’avais un peu la perception de pas mal de monde en fait. Le beau gosse, avec du talent certes, mais qui a pris des décisions qui l’ont amené vers des choix peut-être faciles avec l’enveloppe qu’on lui a donné, parce qu’il est beau comme un dieu.
"Matthew a senti qu’il était à un tournant, peut-être la crise de la quarantaine, et qu’il fallait donner une nouvelle impulsion à sa carrière"
Sauf que depuis un moment, non seulement avec Dallas Buyers Club mais avec d’autres films comme Mud - Sur les rives du Mississippi, Killer Joe, Magic Mike, La Défense Lincoln [NDR : un listing auquel on rajoute volontiers sa géniale composition de Trader dans Le Loup de Wall Street]…il nous a obligé à changer de perception sur lui. En fait, je pense qu’il a senti qu’il était à un tournant et qu’il fallait donner une nouvelle impulsion à sa carrière; peut-être la Mid-Life Crisis ; la crise de la quarantaine / cinquantaine. Il en avait marre de jouer les beaux mecs creux, sans oublier qu’il a déjà tout ce qu’il pouvait désirer : une belle femme, la santé, des enfants, la fortune…donc ces rôles représentent de nouveaux et vrais challenges pour lui. Il y a des acteurs qui commencent ce cheminement plus tôt, qui prennent des risques plus tôt. Concernant Matthew, c’est à la quarantaine.
© Ascot Elite Filmverleih
Avec Dallas Buyers Club, il s’investit encore plus loin. D’abord physiquement, avec sa transformation vraiment impressionnante. Il est très Method Acting, la méthode Actor’s Studio, comme Jared d’ailleurs. Matthew a perdu 48 livres, soit environ 21 kg. Il n’y a pas beaucoup d’acteurs qui sont allé jusque-là. Etait-ce nécessaire ? Pour lui, oui, absolument. Pour le rôle, je trouvais qu’il entrait déjà dans le personnage après avoir perdu 30 livres (environ 13 Kg), la transformation physique était déjà là, il était quelqu’un d’autre. Mais il voulait aller plus loin.
Sur le tournage, Matthew était toujours dans le mouvement. C’est d’ailleurs là, peut-être, la seule divergence que j’ai eu avec lui, sur la première semaine de tournage. Il était toujours dans le mouvement, alors que moi je lui demandais l’absence de mouvement. D’en faire très très peu, l’économie de gestes ; l’école du "Less is More". Alors que lui me servait du "More is More", en me disant "fais-moi confiance !" Jared faisait pareil aussi. Du coup j’avais l’impression de faire un truc caricatural au début. Mais j’ai fait le choix de leur faire confiance. Et en salle de montage, j’ai finalement davantage gardé les prises de "More is More" comme Matthew le suggérait, plutôt que ce que je pensais. Et le résultat est là.
© Anne Marie Fox
Il m’a fallu une semaine pour trouver la bonne distance pour filmer Matthew et Jared ; ne pas les filmer en gros plans mais mettre de la distance entre eux et moi, laisser faire l’alchimie entre les deux personnages. Le soir, quand on reçevait les images de ce qu’on avait tourné, sans musique, sans rien, juste la puissance de leurs jeux d’acteurs, c’était impressionnant. Dans le film, il y a très très peu de gros plans. Je ne voulais surtout pas casser la formidable dynamique qu’il y avait entre eux.
AlloCiné : selon vous, les thèmes abordés dans le film trouvent des résonnances particulières dans le monde actuel ?
Jean-Marc Vallée : absolument. A commencer par celui de l’acceptation de l’autre, de la différence. L’histoire d’un personnage qui se retrouve malgré lui et par la force des choses, porte-parole d’une communauté homosexuelle. Une communauté qu’il a pourtant maltraité toute sa vie avant de découvrir sa séroposivité. Le thème de la tolérance est au cœur du récit mais reste plus que jamais d’actualité. De même, le pouvoir ahurissant des lobbies des groupes pharmaceutiques, qui exercent aussi des pressions sur les autorités chargées justement de contrôler la mise sur le marché de leur médicaments, comme on le voit dans le film avec la FDA [NDR : la Food & Drug Administration, l’organisme américain chargé de l’autorisation –ou non- de la mise sur le marché des médicaments notamment]. De tels organismes ne prennent pas toujours des décisions pour les bonnes raisons ; elle sont trop souvent financières…Malheureusement, c’est non seulement toujours d’actualité, et ça ne semble pas prêt de changer…
Propos recueillis par Olivier Pallaruelo
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