Il y a 50 ans, l'assassinat de JFK : la fin d'un rêve américain
Par Olivier Pallaruelo ▪ jeudi 21 novembre 2013 - 20h00

22 novembre 1963 - 22 novembre 2013. Il y a 50 ans, le président des Etats-Unis John Fitzgerald Kennedy était assassiné à Dallas. Une tragédie qui continue encore à littéralement hanter la mémoire collective des Américains, tandis que le film de Zapruder, qui immortalisa en direct les événements, constitue le film le plus analysé, commenté et repris de toute l'histoire du cinéma...

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Le 21 novembre 1963, John Fitzgerald Kennedy s'envole à bord d'Air Force One à destination du Texas, première étape de sa campagne de réélection à la présidence des Etats-Unis. Un voyage à haut risque sur le plan politique. L'Etat est traversé par des courants ultra conservateurs et d'extrême-droite, qui reprochaient violemment aux Kennedy non seulement leur soutien à la population noire dans son combat pour les droits civiques, mais aussi d'être beaucoup trop tendre envers le communisme.

 

22 Novembre 1963. Le cortège présidentiel fait route vers la Chambre de Commerce de la ville, passant par la place Dealey. A bord d'une berline découverte, JFK salue la foule. A 12h30, des coups de feu retentissent. Après avoir marqué un temps d'hésitation, la voiture présidentielle accélère, tandis que Jackie Kennedy semble vouloir s'en extraire en enjambant le coffre arrière. Un agent du Secret Service se précipite sur le marche-pied arrière de la voiture et empêche l'épouse du président de sortir du véhicule. Le 35e président des Etats-Unis a été assassiné.

 

"Qui que vous soyez, vous vous souviendrez toujours du lieu où vous étiez et ce que vous faisiez lorsque vous avez appris la mort du président Kennedy" lance le présentateur du journal télévisé de la chaîne NBC, la voix étranglée par l'émotion. 50 ans après, le souvenir de cet assassinat continue de hanter la mémoire de l'Amérique.

 

Image extraite du film de Zapruder : l'agent du Secret Service Clint Hill monte sur le marche-pied de la limousine, tandis que Jackie Kennedy semble vouloir sortir du véhicule. Elle expliquera plus tard qu'elle était en fait en train de récupérer les morceaux du crâne de JFK...

 

L'importance capitale du film d'Abraham Zapruder

 

Dans l'histoire des images du XXe siècle, il y en a deux (trois en fait si on compte celles diffusées par les médias pendant la guerre du Viêtnam) qui constituent de profonds traumatismes aux Etats-Unis : les images de l'assassinat de JFK, filmé en direct, et celles, également en direct, des attentats du 11 septembre 2001.

 

Abraham Zapruder, propriétaire d'un magasin de vêtements parti filmé en 8mm le passage du président sur Dealey Plaza, a fixé sur pellicule un moment unique dans l'histoire. Car il a fourni aux enquêteurs un élément qui existe rarement  dans un crime : des images qui montrent les faits, qui permettent de voir ce qui s'est passé.

 

Ci-dessous, le film de Zapruder, sensiblement ralenti :

 

 

Des images qui ont effectivement fait le tour du monde. Pourtant, il faudra attendre des années avant que l'intégralité du film ne soit visible par le grand public. Et il ne sera diffusé pour la première fois à la TV américaine qu'en mars 1975, dans le cadre de l'émission Good Night America. Vous pouvez voir ici un extrait de cette fameuse émission, à partir de 05''00 : en hors-champ, on entend clairement la réaction du public, horrifié de découvrir les images. Avant cela, On n'en diffusa dans un premier temps que des photos, puis de très courts extraits. Zapruder vendit son film au magazine Life pour 250.000 $.

 

Ces images furent remises à la Commission Warren, du nom du président de la Cour Suprême des Etats-Unis, chargée de faire la lumière sur l'assassinat. Le film de Zapruder resta dans ses coffres jusqu'en 1969, date à laquelle Jim Garrison, procureur de la Nouvelle Orléans, obtint sa communication et sa diffusion lors du procès qu'il intenta à un riche industriel, Clay Shaw, soupçonné par le procureur d'avoir trempé dans un complot visant à assassiner JFK.

 

Polaroid pris par le témoin Mary Moorman, juste après que JFK se soit pris la balle fatale. Âgée de 31 ans au moment où elle a pris cette photo, elle attendra...48 ans avant de parler pour la première fois de ce jour-là.

 

Journaliste-critique de cinéma, Jean-Baptiste Thoret évoquait avec passion ce petit film début novembre;  "il s'agit du film le plus analysé, commenté et repris de toute l'histoire du cinéma américain" explique-t-il. "A l'époque, Kennedy avait comme conseiller technique le réalisateur Arthur Penn, qui rendra un hommage au fameux plan "Z313" (celui avec l'impact de la balle fatale sur le crâne de JFK) dans la séquence finale de son Bonnie and Clyde en 1967. Il y a aussi une référence évidente dans le Blow Out de Brian De Palma, dans lequel Travolta rajoute une bande-son qui permet d'identifier les tueurs. La violence des images de Zapruder est même la matrice du cinéma "gore réaliste", comme par exemple les effusions de sang dans la Horde sauvage de Sam Peckinpah...En fait, des années 60 jusqu'à la fin des années 90 - début 2000, le cinéma américain n'a jamais cessé de se nourrir du film de Zapruder".

 

Ci-dessous, le désarroi de la population, le jour des funérailles de Kennedy, filmées par les caméras de l'émission Cinq colonnes à la une :

 

 

 

 

La thèse du tireur isolé et la théorie de la "balle magique"

 

Le 27 septembre 1964, la Commission Warren rendit son rapport au président Lyndon B. Johnson. Ses conclusions furent simples : Lee Harvey Oswald est l'assassin de JFK; il a agi seul pour des motifs personnel, et a tiré trois balles sur le cortège. Donc en agissant seul, il ne peut y avoir de complot. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, officiellement, c'est toujours cette version qui prévaut. Alors même que les témoignages et autres expertises les plus solides taillent en pièce depuis des années cette version. Et que l'analyse au peigne fin du film de Zapruder, ainsi que les trajectoires des balles et les angles de tirs montrent qu'il y avait plusieurs tireurs, et non un seul.

 

Parmi les éléments retenus par la Commission Warren figure en effet ce que ses détracteurs ont appelé la "Théorie de la balle magique". Le rapport affirme que des trois balles tirées sur le cortège présidentiel, la seconde a traversé les corps de kennedy et Connally, le gouverneur du Texas : elle a frappé le président dans le dos, est ressortie par la gorge puis a traversé son torse, le poignet et la cuisse du gouverneur, finissant sa course dans les plis de son pantalon.

 

Ci-dessous, le schéma reproduisant la trajectoire de la balle, telle que validée par la Commission :

 

 

Cette balle a été retrouvée presque intacte, posée sur un chariot de l'hôpital Parkland...Une théorie et une trouvaille invraisemblable, ce qui lui a valu le surnom de "balle magique". En fait, aussi saugrenue soit-elle, cette théorie a surtout le mérite de conforter la thèse officielle : le tireur unique. Oswald n'aurait pu tirer quatre balles dans le temps de l'attentat, et il fallait que toutes les blessures soient causées par deux balles seulement.

 

"Balle magique" aussi en raison de son invraisemblable trajectoire : touchant Kennedy de haut en bas dans le dos, elle remonte vers sa gorge, se déplace vers la droite de plusieurs centimètres et frappe Connally en trois endroits, après avoir une nouvelle fois modifié sa trajectoire...La commission Warren a pourtant retenu cette version, allant jusqu'à écrire : "il n'est nécessaire à aucune conclusion essentielle de la commission de déterminer quel est exactement le coup qui a frappé le gouverneur Connally".

 

Ci-dessus, l'autopsie de JFK à l'hôpital de Parkland, avec l'examen de l'impact de balle dans le dos.

 

Pire, en dépit de toutes les contestations des experts et les multiples expériences qui prouvaient le contraire, le House Select Committee on Assassination (HSCA), une nouvelle commission chargé d'enquêter sur l'assassinat et qui travailla de 1976 à 1979, a pourtant retenu dans ses conclusions la théorie de la "balle magique".

 

A l'aune de ces observations, notre entretien en septembre dernier avec le réalisateur de Parkland, Peter Landesman, prend une saveur particulière. D'autant que l'intéressé est un ancien journaliste. "L'assassinat de Kennedy et le 11 septembre sont pour moi les 2 éléments les plus importants de la culture américaine, voire occidentale" nous disait-il. Et d'ajouter : "il y aura toujours un débat sur le vrai responsable, bien sûr, mais la vérité, c'est que l'acte a été commis par un tireur triste, solitaire et sociopathe". En l'occurence Lee Harvey Oswald. Un avis que ne partage évidemment pas les partisans -nombreux- du complot, à commencer par Oliver Stone, comme nous allons le voir page suivante de notre dossier...

 

Ci-dessous, la bande-annonce de Parkland :

 

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Voir les commentaires

Commentaires

  • scarface666

    Cool ! Merci pour la lecture ;)

  • Sebacca

    C'est bien, ce réalisateur connait donc la vérité. Très fort, alors que tous les enquêteurs sérieux ont démontré depuis des lustres qu'il ne pouvait pas s'agir d'Oswald.
    Heureusement que le ridicule ne tue pas, lui.
    Quant à Oliver-complotiste-Stone, tous les éléments de son film n'ont été jamais remis en cause puisqu'il s'est contenté des faits, par l'intermédiaire de son personnage, non inventé également.
    Visiblement, les intérêts pour continuer dans le mensonge sont encore très (trop) puissants.

  • Jean-Michel Nguyen

    À voir aussi : 'Complot à Dallas' (David Miller, 1973), premier film sur l'assassinat de JFK, bien avant le chef-d'oeuvre d'Oliver Stone. La particularité de ce film : l'assassinat de JFK vu du côté des conspirateurs !

  • Docteur Jivago

    Le film de Oliver Stone sur le sujet est génial. Il montre surtout la vérité et le combat d'un procureur de l'époque pour la vérité...

  • DBZ

    Le plus sordide dans cette affaire, ça reste sans doute l'exécution en direct d'Oswald. Ou comment réduire au silence le seul qui pouvait éclaircir tout ce mystère. Clairement l'assassinat de JFK est le plus grand et le plus effrayant des complots.

  • AmericanFox

    Hommage à ce grand homme et à l'excellent film d'Oliver Stone.

  • Messiah014

    C'est la première fois que je vois la vidéo de Zapruder... (si si) ça m'a donné les frissons. Je veux dire, son crâne... huf, quelle horreur... pauvre Jackie, le traumatisme que ça a dû être. Balle magique... quelle ironie. C'est tout de même incroyable, cette trajectoire... ce terrible manque de chance pour JFK. Et l'assassinat de Oswald, mais pourquoi?! si ce patron de boîte de nuit avait retenu son flingue (ou si on ne lui avait pas demandé de le faire...) la vérité aurait peut-être pu être faite? Ne jamais savoir... c'est le plus terrible! Est-ce que les documents étant toujours sous scellés seront suffisant...? pas sûr...

  • Sebacca

    Hier Oswald, aujourd'hui Ben Laden, qui aurait eu des tas de choses passionnantes à raconter. Surement une coïncidence.

  • Blaste

    Cette "fin d'un rêve américain" a eu aussi et surtout des répercussions irréversibles sur le rapport de tout spectateur occidental à l'image, au sens général du terme. C'est ça l'intérêt de parler aujourd'hui encore de ce lâche assassinat. Y a eu quelques grands films sur la désillusion et l'impossible croyance en une autorité sociale - militaire ou médiatique. The Manchurian Candidate, de Frankheneimer en 62 (terriblement prophétique : son utilisation du hors-champ et "d'écrans" est juste incroyable), et The Parallax View, de Pakula en 74, sont 2 sommets du film de complot : qui croire, quelle parole et, par conséquent, quelle image croire ? Plus anecdotiquement, peut-être (pour moi, en tout cas), y a eu Dans la ligne de mire, de Petersen en 93, ou avant, si on extrapole, Blow Up d'Antonioni en 66, et Conversation secrète de Coppola en 74. Et l'intérêt serait peut-être d'extrapoler, chercher les thématiques qui continuent d'habiter le cinéma : c'est une problématique qui n'a jamais arrêté de hanter, de manière plus ou moins lointaine, notre rapport à l'image en mouvement, qui se retrouve aussi bien dans le cinéma américain (cf la filmographie de De Palma : Blow Out en 81, Mission : Impossible en 96, Snake Eyes en 98, Femme fatale en 2002, etc.) que le cinéma européen (les segments de Dreileben par Petzold et Hochhäusler, éventuellement Trance de Boyle, etc.). On peut (re)penser à cette espèce de naïveté avec laquelle on croyait, derrière Bazin, que l'image était forcément une empreinte de réel, était une "preuve" du vrai (si c'était filmé, c'est que ça c'était passé, que ça avait été "là"). Ça a même clairement inspiré des "objets" de la culture pop encore d'actualité à cette heure : la BD XIII, les romans / films Jason Bourne (la question de la mémoire s'y ajoutant... c'est abyssal tout le discours théorique qu'on pourrait en tirer)... On n'est pas obligé de n'y repenser qu'à travers la question, un peu trop valise, du numérique. D'ailleurs, l'image proprement médiatique, des journaux télévisés comme autorité scientifique postmoderne (quelque chose d'aberrant, si on y réfléchit) est aussi aujourd'hui récurrent dans les blockbusters : District 9, Pacific Rim, The Bay, etc. A une époque où on place le réalisme comme objectif artistique absolu, encensant des films comme Gravity, je trouve ça étonnant de passer à côté... Parce que là, se contenter de lister des acteurs dans un même rôle, chose qu'on peut faire avec Imdb, c'est très peu intéressant. Bref, bref. Y a un super article par france24 : http://www.france24.com/fr/201... ; et un bouquin à lire puis à discuter : "26 secondes l'Amérique éclaboussée : L'assassinat de JFK et le cinéma américain", de JB Thoret, sur cette évolution pessimiste du rapport à l'image en mouvement, à mettre en perspective avec ce qui nous est donné à voir aujourd'hui (puisqu'on n'est pas obligé d'accepter les films et les images sans essayer de réfléchir un peu sur ce qu'elles nous disent du monde et sur ce qu'elles veulent que nous soyons).

  • DBZ

    D'accord sur tout !

    Bon sang, qu'est-ce qui ce serait passé si Zapruder n'avait pas tourné ce fameux film ?

  • Docteur Jivago

    Sauf que Oswald c'est une certitude...

  • biboo B.

    mais Jackie n'essaye pas de sortir elle ramasse un bout de cerveau de son mari

  • drzoidberg50

    Excellent reportage dans le Nouvel Obs de la semaine dernière qui démontre par A+B (notamment en décortiquant les faits avérés tels que l'emploi du temps de Ruby le jour du meurtre d'Oswald qui montre qu'il n'avait pas prévu de le croiser ce jour là et donC élimine toute préméditation ou le fait qu'Oswald ait été engagé dans cette boîte bien avant qu'on sache que le cortège présidentiel allait passer devant) que la thèse la plus crédible est ... la thèse officielle. Mais les adeptes du complot (comme pour l'homme sur la Lune ou le 11 septembre) ne seront jamais convaincus.

  • Alex*56*

    Le 11 septembre 2001 c'est pas le XXème siècle Allociné :)

  • Solids

    Alex*56* Techniquement non mais on peut dire que dans l'esprit de tous ce sont ces attentats du 11 septembre qui ont fermé morbidement le XXe Siècle (ou ouvert le XXIe). Il y a un avant et un après 11/09 dans beaucoup de domaines.

  • Blazphem

    Ah bon pas Ben Laden ? C'est nouveau ça...

  • Blazphem

    J'trouve ça un peu déplacé le "sang qui coule" rajouté sur la photo de JFK en limousine la mais bon.. je dit ça je dit rien.

  • Alex*56*

    Pour moi c'est plutôt l'inverse en faite ^^'
    C'est le 11 septembre qui a morbidement ouvert les années 2000 , ba comme tu le dit entre parenthèse quoi ^^

  • Alex*56*

    ça ouvre surtout morbidement un nouveau centenaire , ou même dans ces plus grandes largeurs , un nouveau millénaire.

  • GrandMaster Splash

    Dossier assez intéressant.

  • KevinKevin

    Non pas du tout, ça a été scientifiquement prouvé. Les chercheurs ont pu trouvé l'arme de Hoswald grâce à ses balles. Ses coups ont été tirés à 1,6 secondes d'intervalle, alors que son arme ne permet de tirer qu'à 2,3 secondes d'intervalle... Donc même si c'est Hoswald, il était loin d'être seul

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