Certains films ne sont pas classés « tous publics ». Pourquoi ? Qui prend ces décisions ? Quelles sont les tranches d’âges concernées ? Découvrez le fonctionnement de la Commission de Classification des films. Dossier réalisé par Gauthier Jurgensen.
Jean-François Théry, le 24/10/2012 - © Gauthier Jurgensen
En vingt ans de présidence, Jean-François Théry, aujourd’hui conseiller d’Etat honoraire, a profondément marqué cette institution. Il l’a intégralement réformée, au point qu’aujourd’hui elle reste largement ce qu’il en a fait. Pour en parler librement, il a reçu AlloCine.
AlloCiné Vous êtes entré à la Commission de Classification en 1974 ?
Jean-François Théry Oui, j’en ai d’abord été président suppléant. Pierre Soudet, qui la présidait alors, m’avait fait venir. C’était un vieil ami : il avait été mon maître de conférences à Sciences-Po, puis nous nous sommes retrouvés au Conseil d’Etat ! Je garde un excellent souvenir de ces années – non pas tant des films que j’ai pu voir, parce que j’en ai vu beaucoup de mauvais – mais de la commission elle-même. Sa composition à l’époque était très équilibrée et chaque fois qu’un film posait un problème, nous avions un vrai débat, et c’était très sympathique et très agréable.
Quel souvenir fut particulièrement marquant ?
Nous avons tenu une grande réunion internationale, un peu avant le décret de 1990, à Toronto, sur le thème violence/médias/cinéma. Et ce fut extrêmement stimulant, d’abord par les échanges, et par l’attitude des différentes délégations, ainsi que leur appréhension du problème. Notre approche n’est pas universelle.
Est-ce que vous éprouvez de la nostalgie, en pensant à la Commission de Classification ?
De temps en temps, oui. Quand je vois un film, parfois, je me dis : « Si j’avais été à la Commission, celui-là, on en aurait vraiment parlé ! ». Je trouve que les avis de la Commission ne sont pas assez bien exposés. On ne les voit même plus sur les affiches ! Quand le film passe à la télévision, quelque chose s’affiche en bas de l’écran, mais ce n’est pas la décision de la Commission. C’est celle des chaînes de télévision, approuvée par le CSA.
Comment faire pour que le public soit mieux informé ?
A l’époque où j’étais président de la Commission de Classification, ce problème n’existait pas. Les exploitants de salles jouaient le jeu. Avec les multiplex, ça devient plus compliqué. Les exploitants devraient afficher à la caisse l’avis de la Commission, mais ils ne le font jamais. Le CNC ne dispose plus des inspecteurs qui pourraient procéder à des vérifications.
La classification française est-elle la plus tolérante du monde ?
Non, je ne crois pas. Ses décisions sont différentes de celles des autres. Les Américains sont d’un laxisme total sur la violence. En revanche, sur le sexe… leur rigueur est effrayante ! Ce qui est vrai, c’est que nous sommes probablement les moins prévisibles. L’avis rendu va dépendre du débat, et de ce que les uns et les autres auront vu. En tout cas, je me suis toujours bagarré contre l’idée de critères objectifs, ce que les producteurs voulaient par-dessus tout. Ils voulaient un système ressemblant au modèle anglo-saxon et j’ai toujours dit non. Si on avait fonctionné comme ça, on aurait été obligés d’aiguiller vers le circuit porno un film tel que L' Empire des sens. Une absurdité !
On entend souvent dire que la Commission de Classification devient de plus en plus permissive…
Je n’en suis pas sûr. C’est vrai qu’à l’époque, on avait infligé à des petites bluettes charmantes des interdictions aux moins de 18 ans, souvent résiliées par la suite à la demande des distributeurs. Dans le domaine de la sexualité, on s’est beaucoup tempéré. Il faut dire quand même que les jeunes n’ont plus la même attitude. On pouvait provoquer des perturbations avec des films pornographiques, par exemple, chez des garçons de 14 ou 15 ans. Aujourd’hui, les films pornographiques n’existent plus au cinéma : ils sont sur Internet ou en DVD.
Votre livre s’appelait « Pour en finir une bonne fois pour toutes avec la censure ». La censure est-elle toujours là ?
Je crains qu’on n’en ait jamais totalement fini avec la censure. C’est un problème philosophique – ou plutôt moral ! Il s’agit de savoir si l’Etat a un rôle moral à jouer ou non. Quand un film risque vraiment de perturber l’esprit d’un jeune de 12 ou 16 ans, il faut l’interdire. Etant entendu que cette interdiction signifie : « Tu attendras trois ou quatre ans pour le voir ! ». Ça ne veut pas dire : « Je l’envoie en enfer ! ». Un adulte peut choisir son président de la République, il peut aussi choisir ses films. S’il va voir une horreur, c’est son choix.
Le mot « censure » est-il approprié, concernant la Commission de Classification ?
Distinguons deux périodes. Avant la fin de la 2ème Guerre Mondiale, on aurait pu dire ça, puisque soit le film était diffusé, soit il était totalement interdit. Mais depuis la création du CNC, c’est moins vrai. C’est d’autant plus que, depuis 1990, « classification » a remplacé « contrôle ». Ce qui souligne que nous ne touchons pas au contenu du film. Le mot « censure » restera collé à la Commission de Classification car il est solidement ancré dans l’esprit des gens. Mais moi, je prétends que dans ce pays, il n’y a plus de censure.
Pensez-vous qu’une nouvelle réforme devrait simplifier ce système ?
Je pense qu’il faudrait essayer de réfléchir à un ensemble. L’une des faiblesses du contrôle des films actuellement, c’est qu’il ne concerne que le cinéma. Or, le cinéma est en concurrence avec Internet, avec la télévision, etc. Il faudrait réfléchir à un système de classification audiovisuel global. Ce qui n’est pas commode.
Ne gagnerions-nous pas à avoir des paliers clairs, type 10, 12, 14, 16, 18 ans, au lieu de tous ces paliers avec ou sans avertissements ?
Plus c’est compliqué, moins ça marche, bien sûr. Mais vous ne pouvez pas demander à une caissière de cinéma de trier son public. C’est impossible. Il faut simplifier davantage.
Les questions qui se posent aujourd’hui sont les mêmes qu’avant votre réforme de 1990. Cette réforme est-elle un échec ?
Quand Jack Lang est devenu ministre de la Culture, il voulait supprimer la censure, en particulier la possibilité de l’interdiction totale d’un film. C’est impossible sans débat au Parlement. Et il n’a jamais eu le culot de le provoquer. Revenu à la Culture en 1988, Jack Lang m’a d’ailleurs dit qu’il ne signerait aucune interdiction totale, et il m’a prié de mettre une réforme en chantier. On est arrivé à se mettre d’accord sur la baisse des paliers à 12 et 16 ans, au lieu de 13 et 18 ans. Mais beaucoup continuaient à dire qu’il fallait des paliers à 12, 16 et 18 ans, du moment qu’on gardait 18 ans pour les films pornographiques. Pour ma part, j’avais combattu ce courant-là, en arguant qu’on ne pouvait pas demander aux caissières de cinéma de faire la différence entre un jeune de 16 ans et un jeune de 18 ans. Au moins, entre 12 et 16, pas d’erreur possible. Et puis 12 ans et 16 ans, ce sont des âges charnières dans la vie d’un jeune. Ils correspondent en gros à l’entrée au collège et au lycée. Ce sont des âges qui ont une signification que n’avaient pas 13 et 18 ans.
Voyez-vous des évolutions possibles de la Commission de Classification ?
Je m’étais interrogé sur le statut du visa. La bonne solution ne serait-elle pas d’avoir une sorte d’autorité morale, et non pas une autorité administrative ? Par exemple, toutes les semaines, au moment des sorties, on pourrait publier des conseils. Une solution qui pourrait rallier plus de suffrages : les professionnels de la télévision, d’Internet, du DVD et du cinéma accepteraient plus volontiers un regard extérieur plutôt qu’une mesure administrative. Mais c’est vrai que dans ce temps et dans ce pays, les recommandations, tout le monde s’en fout.
- 1
- 2
- 3
- 4
- 5
- 6
- 7
- 8
- 9
- 10
-
Bill MovieFan
-
robin L.
-
DanielOceanAndCo
-
MisterBoub
-
Cosmicm
-
AmericanFox
-
R4z13l
-
MisterBoub
-
GANMU
-
MisterCinoche
-
Titouan-de-Troy
-
WalterWood
-
Anthony A.
-
illys-chan
-
Anthony A.
-
Anthony A.
-
Anthony A.
-
Zalaa
-
David Cloitre
-
MisterBoub
-
Desbeauxrats
-
Crillus
-
Amine E.
-
_BUZzKILLeR_
-
titiazerty
-
hdfreferfr
-
Rose Mc Neil
-
Max Martin
-
Thortillass
-
hdfreferfr
-
Thortillass
-
hdfreferfr
-
hdfreferfr
-
hdfreferfr
-
hdfreferfr
-
I Saw Sinister
-
Movie Young
-
Butters777
-
jean D.
-
- Terrifier 3 J-22
- Gladiator 2 J-1
- Sur un fil J-15
- Louise Violet J-15
- Vaiana 2 J-6
- Jamais sans mon psy J-27
- Wicked Part 1 J-6
- Mufasa: le roi lion J-27
- The Lord Of The Rings: The War Of Rohirrim J-20