Classification : mode d’emploi
dimanche 2 juin 2013 - 01h00

Certains films ne sont pas classés « tous publics ». Pourquoi ? Qui prend ces décisions ? Quelles sont les tranches d’âges concernées ? Découvrez le fonctionnement de la Commission de Classification des films. Dossier réalisé par Gauthier Jurgensen.

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Jean-François Théry, le 24/10/2012 - © Gauthier Jurgensen

 

 

En vingt ans de présidence, Jean-François Théry, aujourd’hui conseiller d’Etat honoraire, a profondément marqué cette institution. Il l’a intégralement réformée, au point qu’aujourd’hui elle reste largement ce qu’il en a fait. Pour en parler librement, il a reçu AlloCine.


AlloCiné Vous êtes entré à la Commission de Classification en 1974 ?

Jean-François Théry Oui, j’en ai d’abord été président suppléant. Pierre Soudet, qui la présidait alors, m’avait fait venir. C’était un vieil ami : il avait été mon maître de conférences à Sciences-Po, puis nous nous sommes retrouvés au Conseil d’Etat ! Je garde un excellent souvenir de ces années – non pas tant des films que j’ai pu voir, parce que j’en ai vu beaucoup de mauvais – mais de la commission elle-même. Sa composition à l’époque était très équilibrée et chaque fois qu’un film posait un problème, nous avions un vrai débat, et c’était très sympathique et très agréable.

 

Quel souvenir fut particulièrement marquant ?

Nous avons tenu une grande réunion internationale, un peu avant le décret de 1990, à Toronto, sur le thème violence/médias/cinéma. Et ce fut extrêmement stimulant, d’abord par les échanges, et par l’attitude des différentes délégations, ainsi que leur appréhension du problème. Notre approche n’est pas universelle.

 

Est-ce que vous éprouvez de la nostalgie, en pensant à la Commission de Classification ?

De temps en temps, oui. Quand je vois un film, parfois, je me dis : « Si j’avais été à la Commission, celui-là, on en aurait vraiment parlé ! ». Je trouve que les avis de la Commission ne sont pas assez bien exposés. On ne les voit même plus sur les affiches ! Quand le film passe à la télévision, quelque chose s’affiche en bas de l’écran, mais ce n’est pas la décision de la Commission. C’est celle des chaînes de télévision, approuvée par le CSA.

 

Comment faire pour que le public soit mieux informé ?

A l’époque où j’étais président de la Commission de Classification, ce problème n’existait pas. Les exploitants de salles jouaient le jeu. Avec les multiplex, ça devient plus compliqué. Les exploitants devraient afficher à la caisse l’avis de la Commission, mais ils ne le font jamais. Le CNC ne dispose plus des inspecteurs qui pourraient procéder à des vérifications.

 

La classification française est-elle la plus tolérante du monde ?

Non, je ne crois pas. Ses décisions sont différentes de celles des autres. Les Américains sont d’un laxisme total sur la violence. En revanche, sur le sexe… leur rigueur est effrayante ! Ce qui est vrai, c’est que nous sommes probablement les moins prévisibles. L’avis rendu va dépendre du débat, et de ce que les uns et les autres auront vu. En tout cas, je me suis toujours bagarré contre l’idée de critères objectifs, ce que les producteurs voulaient par-dessus tout. Ils voulaient un système ressemblant au modèle anglo-saxon et j’ai toujours dit non. Si on avait fonctionné comme ça, on aurait été obligés d’aiguiller vers le circuit porno un film tel que L' Empire des sens. Une absurdité !

 

On entend souvent dire que la Commission de Classification devient de plus en plus permissive…

Je n’en suis pas sûr. C’est vrai qu’à l’époque, on avait infligé à des petites bluettes charmantes des interdictions aux moins de 18 ans, souvent résiliées par la suite à la demande des distributeurs. Dans le domaine de la sexualité, on s’est beaucoup tempéré. Il faut dire quand même que les jeunes n’ont plus la même attitude. On pouvait provoquer des perturbations avec des films pornographiques, par exemple, chez des garçons de 14 ou 15 ans. Aujourd’hui, les films pornographiques n’existent plus au cinéma : ils sont sur Internet ou en DVD.

 

Votre livre s’appelait « Pour en finir une bonne fois pour toutes avec la censure ». La censure est-elle toujours là ?

Je crains qu’on n’en ait jamais totalement fini avec la censure. C’est un problème philosophique – ou plutôt moral ! Il s’agit de savoir si l’Etat a un rôle moral à jouer ou non. Quand un film risque vraiment de perturber l’esprit d’un jeune de 12 ou 16 ans, il faut l’interdire. Etant entendu que cette interdiction signifie : « Tu attendras trois ou quatre ans pour le voir ! ». Ça ne veut pas dire : « Je l’envoie en enfer ! ». Un adulte peut choisir son président de la République, il peut aussi choisir ses films. S’il va voir une horreur, c’est son choix.

 

Le mot « censure » est-il approprié, concernant la Commission de Classification ?

Distinguons deux périodes. Avant la fin de la 2ème Guerre Mondiale, on aurait pu dire ça, puisque soit le film était diffusé, soit il était totalement interdit. Mais depuis la création du CNC, c’est moins vrai. C’est d’autant plus que, depuis 1990, « classification  » a remplacé « contrôle ». Ce qui souligne que nous ne touchons pas au contenu du film. Le mot « censure » restera collé à la Commission de Classification car il est solidement ancré dans l’esprit des gens. Mais moi, je prétends que dans ce pays, il n’y a plus de censure.

 

Pensez-vous qu’une nouvelle réforme devrait simplifier ce système ?

Je pense qu’il faudrait essayer de réfléchir à un ensemble. L’une des faiblesses du contrôle des films actuellement, c’est qu’il ne concerne que le cinéma. Or, le cinéma est en concurrence avec Internet, avec la télévision, etc. Il faudrait réfléchir à un système de classification audiovisuel global. Ce qui n’est pas commode.

 

Ne gagnerions-nous pas à avoir des paliers clairs, type 10, 12, 14, 16, 18 ans, au lieu de tous ces paliers avec ou sans avertissements ?

Plus c’est compliqué, moins ça marche, bien sûr. Mais vous ne pouvez pas demander à une caissière de cinéma de trier son public. C’est impossible. Il faut simplifier davantage.

 

Les questions qui se posent aujourd’hui sont les mêmes qu’avant votre réforme de 1990. Cette réforme est-elle un échec ?

Quand Jack Lang est devenu ministre de la Culture, il voulait supprimer la censure, en particulier la possibilité de l’interdiction totale d’un film. C’est impossible sans débat au Parlement. Et il n’a jamais eu le culot de le provoquer. Revenu à la Culture en 1988, Jack Lang m’a d’ailleurs dit qu’il ne signerait aucune interdiction totale, et il m’a prié de mettre une réforme en chantier. On est arrivé à se mettre d’accord sur la baisse des paliers à 12 et 16 ans, au lieu de 13 et 18 ans. Mais beaucoup continuaient à dire qu’il fallait des paliers à 12, 16 et 18 ans, du moment qu’on gardait 18 ans pour les films pornographiques. Pour ma part, j’avais combattu ce courant-là, en arguant qu’on ne pouvait pas demander aux caissières de cinéma de faire la différence entre un jeune de 16 ans et un jeune de 18 ans. Au moins, entre 12 et 16, pas d’erreur possible. Et puis 12 ans et 16 ans, ce sont des âges charnières dans la vie d’un jeune. Ils correspondent en gros à l’entrée au collège et au lycée. Ce sont des âges qui ont une signification que n’avaient pas 13 et 18 ans.

 

Voyez-vous des évolutions possibles de la Commission de Classification ?

Je m’étais interrogé sur le statut du visa. La bonne solution ne serait-elle pas d’avoir une sorte d’autorité morale, et non pas une autorité administrative ? Par exemple, toutes les semaines, au moment des sorties, on pourrait publier des conseils. Une solution qui pourrait rallier plus de suffrages : les professionnels de la télévision, d’Internet, du DVD et du cinéma accepteraient plus volontiers un regard extérieur plutôt qu’une mesure administrative. Mais c’est vrai que dans ce temps et dans ce pays, les recommandations, tout le monde s’en fout.

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Commentaires

  • Bill MovieFan

    Moi je pense qu'il manque sérieusement un -14 ans.. Alors oui on en parle beaucoup mais ça ne fait jamais. et pourtant beaucoup de films auraient le mérite d'avoir cet avertissement, car entre 12 et 14 ans, c'est sans doute à cette période que l'esprit gagne en maturité et en sensibilité. Les films comme Seven devraient être -14ans. Je vois mal un gosse de 12 ans regarder ce film (surtout pour la fin..) enfin c'est mon point de vue !

  • robin L.

    Même si vous faites un dossier sur la question, on reste un peu à la surface du sujet. En ce qui concerne le système lui-même, je pense qu'il faut s'inspirer des USA et faire un tableau de ce qui est acceptable ou non dans une certaine tranche d'âge au cinéma, pour faire reculer l'écart des classifications au cinéma (Commission) et à la télévision (CSA). Combien de films tous publics parfois même sans avertissement se retrouvent avec un logo -12 voire -16 à la télé? Un gros paquet! Alors, qui a tort, qui a raison? Ni l'un, ni l'autre malheureusement. Mon dernier exemple en date dans le laxisme de la Commission (et des parents) est Fast & Furious 6, qu'un enfant de 5-6 ans (qui était à ma séance) ne devrait pas voir au cinéma. Il est très bien, mais franchement il fait partie de ces films nombreux qui ne devraient pas être annoncés tous publics.
    P.S.: je ne suis pas réac' mais j'aimerais juste voir un système qui fonctionne et qui est cohérent avec ce qu'on regarde à l'écran.

  • DanielOceanAndCo

    Après vérification sur wikipedia, le R précise juste que les moins de 17 ans doivent être accompagnés d'un adulte ou tuteur et que certains cinémas refusent les enfants de moins de 6 ans après 18h. Donc, ne dites pas qu'ils sont de toutes façons interdit aux moins de 12 ans!!

  • MisterBoub

    C'est toujours touchant, ces gens qui prennent wikipédia pour référence...

  • Cosmicm

    Bon à savoir (même si on le savait déjà dans les grandes lignes)

  • AmericanFox

    La classification ne sert à rien. Chacun voit différemment ce qui est choquant ou pas, il est impossible de faire une norme qui correspond à tout le monde. Les parents regardent le logo "interdit au -12 ans" avant de filer le film à leur gosse? Ou bien ils regardent la jaquette, lisent le résumé et jugent eux même si c'est bon ou pas? Et encore, combien font attention à cet avertissement? Ils se fichent que leur gosse achète GTA mais feraient un contrôle sur les films? C'te blague. Quand au cinéma, ça empêche seulement les gosses d'entrer dans la salle, problème vite réglé de retour à la maison où ils téléchargent le film en douce. Selon moi il ne devrait y avoir que des mentions du genre "ce film contient des scènes violentes", c'est largement suffisant. après, c'est juste mon opinion. Si un jour j'ai un gosse, je contrôlerai moi même, je me fierai pas à ces logos "-12 ans" etc...

  • R4z13l

    Vous avez mis Zombieland en tout public. Il est pas -16 ans normalement?

  • MisterBoub

    Eh non. Il est tous publics :
    BIENVENUE A ZOMBIELAND Ruben FLEISCHER 124272 Tous publics ETATS-UNIS 25/11/2009

  • GANMU

    REC, "Interdiction aux moins de 12 ans avec avertissement" ?
    Je l'aurais mis dans la catégorie - 16 ans, mais bon...

  • MisterCinoche

    Y a pas un problème pour Zombieland ? Il a été classé tous publics au cinéma mais interdit aux moins de 16 ans à la télévision.

  • Titouan-de-Troy

    Existe-t-il une grande différence entre la télé et le cinéma? Etant donné que la télé demeure plus accessible.

  • WalterWood

    En accord à 1000% avec CharlieFox911.

  • Anthony A.

    ouais c'est n'importe pour zombieland: sa vraie classification est "interdit aux moins de 12 ans"!

  • illys-chan

    Il y a du vrai dans ce que tu dis, mais en même temps je pense que certaines personnes ne réalisent pas forcément qu'on ne montre pas Drive a un enfant de moins de 12 ans... Nous sommes habitué à une violence au cinéma qui peut parfois nous rendre inconscients que certaines scènes peuvent être très choquantes pour un jeune public.

    Dans tous les cas, c'est vrai que c'est d'abord aux parents de faire attention par eux-même (et les avertissements sont là pour les y aider).

  • Anthony A.

    'fin bref, pas mal ce dossier :)

  • Anthony A.

    c'est abusé l'écart entre la classification française, américaine et britannique O_o...certaines classifications sont franchement trop subjectives.....

  • Anthony A.

    franchement pas mal le dossier sur la classification cinématographique en France (et à l'étranger)!
    :)

  • Zalaa

    Robin L, il est impossible d'avoir un système "cohérent" puisque chacun voit une chose différente dans un film. Chacun juge à partir de sa propre échelle de valeur. (c'est d'ailleurs dit dans l'interview à propos d'une grille de critères objectifs, il me semble). Je rejoins bien sûr ton avis sur certains films mais interdire un film aux moins de 8 ans, ça a quelque chose d'absurde. Après tout, la première responsabilité ne revient ni à l'état, ni à aucune commission ou distributeur mais bel et bien aux parents et aux spectateurs eux-mêmes!

    Quant à moi, j'ai beaucoup apprécié ce petit dossier. Même si les premières pages sont du domaine "public" (tout le monde le sait, ou devrait au moins), cela change un peu des dossiers plus racoleurs (quoique intéressants également ^^) de d'habitude.

  • David Cloitre

    Dossier intéressant, je me demandais depuis longtemps comment ça fonctionne.

  • MisterBoub

    A la télé, ce sont les chaines qui décident des pastilles qu'elles mettent sur les programmes qu'elles diffusent, sous le contrôle du CSA (et pas du CNC, comme pour le cinéma). Du coup, un film tous publics au ciné peut très bien se retrouver avec une pastille -16 à la télé.

  • Desbeauxrats

    En Allemagne, c'est beaucoup plus strict. Par exemple Fast and Furious est interdit aux moins de 16 ans. Et à la différence des boitiers français sur lesquels c'est écrit en minuscule au dos, sur les boitiers allemands, c'est affiché en gros devant.

  • Crillus

    C'est vrai que le système de classification par âge n'est pas forcément idéal, puisque l'âge pour voir un film dépend de la maturité de l'enfant/adolescent, de son développement moral et mental mais l'âge est plus un ordre d'idée et quand même peu importe le niveau de maturité, il y a des films qu'on ne montre pas avant 12 , 16 ou même 18 ans.

    Le plus utile reste quand même les signalements annexes: langage ordurier, sexe, violence etc...

    Donc à mettre au cas par cas et aux parents d'être stricts avec l'usage des média quels qu'ils soient.

  • Amine E.

    normalement the punisher devaient méritait une inderdiction aux moins de 12 ans pareil pour die hard 1,2 et 3

  • _BUZzKILLeR_

    REC mérite 16 ! The Descent 2 aussi, par contre le 1, 12 ans avec avertissement. Ouais c'est plus aproprié !

  • titiazerty

    le pire,c'est au us la moindre scene est interdite ,exemple, kirikou:
    le film a été interdit a tous mineurs car kirikou et sa famille sont nus !

  • hdfreferfr

    heu, die hard 1 ne la mérite pas !!! Dans ce cas, tu mets du -12 à LE 13e GUERRIER aussi !

  • Rose Mc Neil

    Pour mois tout les SAW méritent -18 , car après les avoirs tous vu , les -16 ok , ça fait plus commercial , ça sort dans beaucoup de salle , le -18 c'est diffèrent , peu de cinéma le diffuseront ...

  • Max Martin

    Juste pour l'anecdote le PG13 a été crée en 1984 à la sortie du 2ème volet des aventures d'Indiana Jones (Le Temple Maudit)

  • Thortillass

    ouais, enfin ... Un moins de 12 pour le 13ème guerrier est plus approprié que pour Die Hard. Faut avouer que certaines scènes dans le 13ème guerrier sont pas tops ... Mais Die Hard 1 ne mérite pas un -12.

  • hdfreferfr

    C'est ce que je dis : "die hard 1 ne la mérite pas" son interdiction.

  • Thortillass

    Ah oui, scuse, j'avais pas compris comme ça ^^

  • hdfreferfr

    aucun problème :)

  • hdfreferfr

    ... qui passe à la TV mardi ^^

  • hdfreferfr

    N'est-ce pas un peu exagéré ? Un -18, ça arrive avec un film comme Cannibal Holocaust, mais ce n'est pas quelque chose de fréquent.
    Dans ce cas, on met aussi -18 les Hostels, les The Collector et tous les films de Takashi Miike, de torture-porn sans parler des Tetsuo, de Nekromantiik etc.
    Par contre, le -18 devrait être attribué à Salo, qui est seulement -16 pour le moment.

  • hdfreferfr

    Oui, ça arrive que l'interdiction change du ciné à la TV : pareil avec The Dead Pool de Buddy Van Horn (5e et dernier "Inspecteur Harry") qui est -12 à la TV et tout publics en DVD.

  • I Saw Sinister

    Un trc con, c'est ke la plus part des film d'horreur arrive toujours a etre mal renseigner au niveau des jaquettes, examples j'ai acheter tout les paranormal activity a la fnac, il y a écrit tout plublic alors que normalement c'est -16 sur les jaquettes US, comme la version nippon de ce film, idem c'est tout public, vous rigolez? c'est le pire de la saga des paranormal activity, il aurez fallu un -16, comme les saw....

  • Movie Young

    Mais Watcmen,John Rambo et Sin City méritent moins 16 non ?

  • Butters777

    watchman et john rambo sont interdit aux moins de 16 a la télé

  • jean D.

    j'ai 23 ans j'ai regarder saw 1 et 2 ainsi que drive et only god fogives et bah honnetement moi qui suis adulte j'ai été plus choqué par drive et only god forgive que saw 1 et 2 .
    Drive et only god forigives devrait etre moins de 16 ans

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