Claude Chabrol vient de disparaître à l'âge de 80 ans : pilier de la Nouvelle vague, portraitiste de la bourgeoisie, amoureux du polar, grand directeur d'actrices, personnage médiatique truculent... AlloCiné revient sur les multiples facettes du réalisateur. Dossier réalisé par Julien Dokhan
2010, une année noire pour la Nouvelle vague. Quelques mois après la disparition d'Eric Rohmer, c'est son compère Claude Chabrol qui s'est éteint ce dimanche 12 septembre au matin à l'âge de 80 ans. Revenons sur le parcours d'un cinéaste qui fêtait en 2008 ses 50 ans de carrière mais refusait catégoriquement de se prendre au sérieux.
L'aventure de la Nouvelle Vague
Fils de pharmacien, Claude Chabrol tient un ciné-club dans la Creuse pendant la guerre. De retour à Paris, il suit des études de droit et de lettres, mais fréquente surtout assidument les cinémas de la ville. Il y côtoie de jeunes passionnés (dont les "Jeunes Turcs" Godard, Rivette, Rohmer et Truffaut) avec qui il participe à l'aventure des Cahiers du cinéma de 1952 à 1957, et rencontre le romancier Paul Gégauff, dont l'influence le détourne de son éducation bourgeoise. Attaché de presse à la Fox, il profite d'un héritage de son épouse pour produire Le Coup du berger (1957) de Rivette et réaliser Le Beau Serge (1958), son premier long métrage. En grande partie autobiographique, ce film-clé de la Nouvelle vague, prix Jean Vigo, est un beau succès public et critique.
Bourgeoisie : bas les masques !
Le destin du cinéaste est alors lié à ceux de Gégauff, fidèle coscénariste, et de Stéphane Audran qu'il épouse en secondes noces et dirigera à 23 reprises. Remportant l'Ours d'or à Berlin en 1959 pour son deuxième opus, Les Cousins, il rencontre des succès divers avec ses films suivants : Les Bonnes Femmes (1960) et L'Oeil du malin déconcertent les spectateurs, plus séduits par Landru (1962) ou le parodique Le Tigre aime la chair fraîche. A la fin de la décennie, sa collaboration avec le producteur André Génovès lui permet de revenir à des oeuvres plus personnelles, comme La Femme infidèle, Le Boucher ou Que la bête meure (1969). Le cinéaste y règle ses comptes avec la bourgeoisie de province et ses faux-semblants à travers des récits de crimes et d'adultères.
Galeries de portraits
Bénéficiant de la présence de Belmondo, le satirique Docteur Popaul est, en 1972, l'un des plus gros succès publics du réalisateur, qui tente à la même époque des incursions dans le thriller politique (Nada) et le fantastique (Alice ou la Derniere fugue). Mais Chabrol est plus à son affaire lorsqu'il adapte des romans policiers ou s'inspire de faits divers, comme pour Violette Noziere, qui, en 1978, marque le début d'une fructueuse collaboration avec Isabelle Huppert. Dans les années 80, le réalisateur tourne une série de polars aux allures de jeux de massacre, et signe ainsi, avec le concours de grands comédiens, une savoureuse galerie de portraits : Serrault en assassin méthodique dans Les Fantômes du chapelier, Poiret en inspecteur gourmet dans Poulet au vinaigre, ou encore Noiret en vedette de télé cynique dans Masques.
Des affaires de femmes
Par la suite, c'est pourtant avec de grands personnages de femmes que le cinéma de Chabrol trouve un nouveau souffle. Si le réalisateur offre à Marie Trintignant son plus beau rôle dans Betty (d'après Simenon, 1992), c'est Isabelle Huppert qui incarne le plus souvent ces héroïnes, tantôt victimes d'une société oppressante (Une affaire de femmes en 1988, Madame Bovary en 1991) tantôt criminelles perverses (Merci pour le chocolat) ou femme à la fois manipulatrice et manipulée (L'Ivresse du pouvoir). En 1995, La Cérémonie, adaptation d'un polar de Ruth Rendell, constitue un sommet de l'art chabrolien, entre peinture sociale et étude de cas clinique.
Noirceur et truculence
Le maître s'intéresse ensuite à la jeunesse, faisant appel à Benoît Magimel pour La Fleur du mal (2003), La Demoiselle d'honneur et La Fille coupée en deux, dans lequel figure aussi Ludivine Sagnier. Ignoré par les Césars mais chéri par la critique, le malicieux Chabrol est devenu au fil des ans un personnage médiatique paradoxal, gourmet et gourmand, affichant sur les plateaux de télévision une bonhomie qui n'a d'égale que la noirceur de ses films. En 2008, alors qu'il fête ses 50 ans de carrière, il tourne pour la première fois avec un autre monument du cinéma français, Gérard Depardieu (Bellamy). Une rencontre au sommet pour ce qui restera donc son dernier film en tant que réalisateur (on a vu depuis les épiodes qu'il a tournés pour la collection Maupassant de France 2), un an avant une ultime petite apparition dans Gainsbourg, sous les traits d'un patron de maison de disques. A la fin du mois d'août dernier, entouré de ses actrices-fétiches, celui qui était affectueusement surnommé "Chacha" était l'invité d'honneur des Rencontres cinématographiques de Cavaillon.
Dossier réalisé par Julien Dokhan
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