En décembre 2019, l'acteur britannique Abubakar Salim cofondait aux côtés de Melissa Phillips, ancienne responsable des programmes et événements des BAFTA Games, le studio de développement Silver Rain Games.
Si le grand public connait Abubakar Salim pour ses contributions aux séries TV, comme Black Mirror, Raised by Wolves, Fortitude ou Jamestown : les conquérantes, le comédien a fait plusieurs contributions vocales dans les jeux vidéo, dont la voix de Bayek dans Assassin's Creed Origins, qui plongeait pour mémoire les joueurs dans l'Egypte antique.
Depuis son lancement, le studio s'est rapidement développé et accueille désormais 20 employés actuellement en télétravail. Le 11 mars dernier a été officialisée la signature d'un partenariat avec l'éditeur Electronic Arts à travers son label EA Originals, tourné vers les partenariats avec des studios Indépendants. L'éditeur fournira des fonds pour la nouvelle propriété intellectuelle encore confidentielle du studio, ainsi que des conseils et un soutien afin d'aider l’équipe à apporter une nouvelle perspective aux jeux et à l’industrie.
Actuellement en plein tournage de la saison 2 de Raised by Wolves, la série produite par Ridley Scott et diffusée sur HBO, nous avons eu la possibilité de faire parvenir à l'acteur ainsi qu'à Melissa Phillips quelques questions justement à propos du studio, ses ambitions, et le choix de ce partenariat.
AlloCiné : Abubakar, quelle est avant tout votre connexion personnelle avec l'univers des jeux vidéo ?
Abubakar Salim : Enfant, je n'arrivais pas vraiment à me connecter aux histoires que racontaient les films et les séries TV. Je n'éprouvais que peu de ressenti. Je suis également très dyslexique, donc la lecture de livres me donnait rapidement mal à la tête. En revanche, j'étais tout à fait capable de m'immerger dans les jeux vidéo, et de suivre le même chemin que les personnages à l'écran. C'était aussi quelque chose d'actif. Cette connexion était aussi possible parce que je passais 40-50h dans ces mondes. J'avais vraiment l'impression de pouvoir m'échapper dans ces univers. Désormais, professionnellement, je fais beaucoup de performance capture et de doublage pour les jeux vidéo, j'adore ça ! C'est uniquement lorsque j'ai travaillé sur Assassin's Creed Origins que j'ai réellement vu et pris conscience de ce que signifie développer un jeu vidéo, et honnêtement, ca m'a vraiment inspiré et incité pour être davantage actif dedans.
Qu'est-ce qui vous a conduit à la création du studio Silver Rain ? Pourquoi ce nom d'ailleurs ? Et comment avez-vous rencontré Melissa Phillips ?
J'ai rencontré Melissa lorsqu'elle était en charge des programmes et événements des BAFTA Games. On s'est donc retrouvé à discuter à propos de l'industrie des jeux vidéo en général. Elle vivait aussi dans le même coin que moi, donc c'était cool de pouvoir nous retrouver autour d'un café et continuer d'échanger à propos des jeux vidéo. Le fait de discuter avec elle, et de constater que nous étions tous les deux fatigués d'évoquer à chaque fois ce qui devrait être fait dans cette industrie, et ne rien voir venir, qui m'a incité à créer le studio. On a donc décidé de s'y mettre !
Nous voulions créer un grand espace propice à la créativité, mais qui soit aussi respectueux des équipes de développement et du public. Quant au nom du studio, Silver Rain, le mot "silver" [argent] évoque pour moi quelque chose de précieux dans le storytelling ; une chose renfermant des valeurs mythologiques qui conjurent le mal. Et le mot "rain" évoque pour moi quelque chose qui donne la vie, qui peut être par extension incroyablement précieux. La combinaison de ces deux mots a déclenché quelque chose de puissant pour ma créativité, d'où le nom de "Silver Rain".
Il n'y a pas tant de talents venus du cinéma et des séries TV qui vont jusqu'à créer leur propres studios de développement pour créer des jeux et / ou des projets transmédias. On pense évidemment à Vin Diesel, avec Tigon Studios, ou Elijah Wood, avec sa société SpectreVision...
Je pense que les gens réalisent que les jeux vidéo sont juste une autre forme d'expression créative et artistique, qu'ils peuvent apprendre d'elle et être remué par elle ; que ce soit pour s'échapper du quotidien ou simplement passer un bon moment dans cet univers. Je pense que les gens, acteurs inclus, sont vraiment désireux de sauter à bord de quelque chose d'incroyablement excitant. C'est vraiment un medium très puissant. Regardez les réactions des joueurs ou joueuses sur les jeux, lorsque ceux-ci rencontrent - ou pas d'ailleurs - leurs attentes ! C'est quelque chose de viscéral.
En dehors de la création du studio, quelle sera votre implication dedans ? Avez-vous par exemple déjà des idées d'histoires ou des univers que vous aimeriez développer ?
J'ai une vision d'ensemble sur ce que j'aimerais voir construire et créer, mais je demande à des gens beaucoup plus intelligents que moi de traduire ça et bâtir cette vision justement. Je suis aussi en quelque sorte un directeur créatif.
Melissa, vous étiez en charge des programmes et événements des BAFTA Games. Comment êtes-vous arrivée à ce poste, et qu'est-ce que ce travail et votre expérience professionnelle passée peuvent apporter dans votre nouvelle fonction à la tête du studio Silver Rain ?
Melissa Phillips : Avant de rejoindre la tête du studio Silver Rain Games, je m'occupais donc des programmes et événements des BAFTA consacrés aux jeux vidéo. Mon rôle était alors, beaucoup, d'identifier et de supporter les nouveaux talents émergents venant de l'industrie vidéoludique, jusqu'aux membres à part entière des BAFTA. Il y avait donc beaucoup de management de personnes, une chose qui est essentielle je crois dans la création de jeu - avec qui faites-vous les jeux, comment communiquez-vous dessus, qu'est-ce qui vous motive en tant qu'équipe ? Depuis décembre 2019, ça a été une année d'apprentissage pour notre studio, et un vrai plaisir de voir notre équipe grandir en confiance, prendre ses marques, alors que nous voyons notre projet changer et grandir.
Quelle pourrait être la philosophie de votre studio ? Quelles sont vos ambitions ? Quel genre de jeux souhaitez-vous créer ?
Déjà, être encore là, un an après la création du studio, est un bel exploit, vu le contexte. Je ne crois pas nous avoir imposé de limite. La résilience fait aussi partie de la création de jeux vidéo, tout comme la capacité à s'adapter aux changements, ce dont nous sommes plutôt capables. Pour l'heure, nous développons encore le studio en faisant grossir ses effectifs, tout en veillant à adapter et changer le projet vu les circonstances. Ce sont deux aspects séparés, mais fondamentaux.
Pourquoi le choix de vous associer à EA à travers le label "EA Originals" ?
Abubakar Salim : Parce qu'ils ont compris notre vision, le chemin que nous souhaitions, et qu'ils souhaitent que nous grandissions et nous voir réussir dans notre projet. Nous avons parlé à de nombreuses personnes, mais lorsque nous avons parlé aux producteurs responsables du label EA Originals, Melissa et moi avons su qu'ils étaient les bons interlocuteurs.
Quel est le dernier jeu vidéo auquel vous avez joué, et votre jeu vidéo préféré ?
Abubakar Salim : Le dernier jeu auquel j'ai joué, c'est le solitaire sur mon smartphone ! Ça été d'ailleurs un des tous premiers jeux auxquels ma mère m'a initié lorsque j'étais enfant, et, aujourd'hui, c'est toujours l'une des premières applications que je télécharge à chaque fois que je change d'écran. Quant à mon jeu vidéo préféré, je crois que c'est Kingdom Hearts. Si j'y jouais maintenant, je pense que je ne comprendrais pas grand chose. Mais lorsque j'étais enfant, c'était un univers auquel je pouvais me connecter sans problème, qui me parlait, qui m'a même remué. Je pense d'ailleurs qu'une bonne part de ma créativité est inspirée par ce jeu.
Melissa Phillips : Je joue à énormément de jeux vidéo. Mais j'aime tout particulièrement les jeux de stratégie et de simulation ; tout ce qui a des statistiques à l'écran et la lente construction d'un monde, et voir comment mes actions ont un impact dessus. Si ça donne l'impression de travailler ou de manager quelque chose, cela a de bonnes chances de me plaire !
Propos recueillis par mail le 12 mars 2021
